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  • Quand la radio raconte la radio

     

    A propos d’une passionnante émission diffusée aujourd’hui sur Espace 2, autour du travail d’un jeune homme de 22 ans, Maxence Garin.


    La radio serait-elle une reine de la nuit ? Face à elle-même, en son miroir, elle interroge ses archives, rallume les voix éteintes, restitue le timbre et le grain. Ainsi, tout à l’heure, de 13.30h à 15.00h, l’émission L’Horloge de Sable, de Christian Ciocca, sur Espace 2, évoquait le mémoire du jeune Maxence Garin, 22 ans, sous l’égide d’Alain Clavien, à l’Université de Fribourg, consacré à une émission qui avait fait scandale le 21 avril 1967, jour du coup d’Etat des colonels en Grèce.


    Cette émission, c’est le mythique « Miroir du monde », fondé en avril 1943 par Benjamin Romieux sous le premier nom de « Miroir du temps », et où s’illustrèrent des journalistes aussi éminents que Jacques Matthey-Doret ou mon regretté confrère et ami Christian Sulser. C’était une émission du soir, elle a bercé nos enfances, prenait le temps de nous décoder la politique internationale.


    Alors, quoi ? Que se passe-t-il de si scandaleux au soir de ce 21 avril 1967 ? Réponse : rien ! Rien, en tout cas, à nos oreilles d’aujourd’hui. Christian Ciocca ayant eu l’excellente idée de nous rediffuser l’intégralité de l’émission, la première réaction, plus de 43 ans après, est l’admiration devant la capacité de mise en perspective de Jacques Matthey-Doret, à chaud, alors qu’Athènes et la Grèce ne sont sous couvre-feu que depuis quelques heures. Rappel historique, référence à la guerre civile qui s’était déroulée vingt ans auparavant, dissection des champs d’intérêt respectifs, lumière sur les clans, autour du roi Constantin notamment, et même premières interrogations sur un silence (acquiesçant ?) de la bourgeoisie que tous les historiens, plus tard seulement, relèveront, et que décrit avec génie « Un homme », le chef-d’œuvre d’Oriana Fallaci. Tout cela, le jour même du coup d’Etat. Nul scandale, donc, vraiment.


    Mais c’était compter sans un autre mythe du journalisme en Suisse romande, André Luisier. Dans son édito du lendemain, l’omnipotent patron du Nouvelliste accuse l’équipe du « Miroir du monde » d’extrémisme de gauche ! L’affaire fera grand bruit, sera relayée par le Conseil d’Etat valaisan (dont Luisier a toujours été le sixième homme), et finalement tranchée en faveur de la RSR. Tout ce contexte, le jeune Maxence Garin le restitue. Vieille rogne de Luisier à l’égard de Romieux, datant d’une guerre d’Algérie ne s’étant terminée que cinq ans auparavant, contexte d’élections législatives internes à la politique suisse, mais aussi guerre froide, rôle des Etats-Unis dans l’alliance stratégique avec la Grèce, etc.


    A 22 ans, Maxence Garin possède son sujet. Certes plus à l’aise sur l’histoire du « Miroir du monde » que sur le détail de la politique valaisanne dans les années soixante. Mais peu importe : ce mémoire-là, on brûle de le dévorer.


    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Le Petit Trianon de notre Petit Conseil

     

    Sur le vif - Vendredi 03.12.10 - 18.29h

     

    C’est un lieu magique, l’un des plus beaux du canton, un havre de campagne à l’orée de la ville. On y marche, on y court, on s’y promène, on le mérite en gravissant, du Jardin botanique, le chemin de l’Impératrice, rappel de l’ultime passage à Genève de Sissi, avant qu’elle n’y mourût. Le Château de Penthes, qui culmine au domaine du même nom, est un petit chef-d’œuvre d’équilibre et d’harmonie, les arbres y sont séculaires, vieux chênes marmoréens, cèdres, charmilles, bouleaux, pins, et même quelques fruitiers, près de la route de Pregny. Surtout, ce domaine est ouvert à tous, il est un lieu public dans le plus noble sens du terme.

     

    Comme les mille feux d’une courtisane, trop de charme ne peut qu’attirer le pouvoir. Est-ce pour cela que le Conseil d’Etat genevois, tout heureux de faire de ce lieu enchanteur un Trianon de sa puissance et de sa majesté, a jugé bon d’en chasser le Musée des Suisses de l’étranger, qui est une part d’Histoire de Genève ? Pour ces quelques fiers lambeaux de tradition, l’exil. Et pour faire place à quoi ? A des cocktails. Dans lesquels nos seigneurs se pavaneraient en compagnie de la multitude du monde. La noblesse du passé, prise en otage par un miroir d’orgueil. Louis XV, la majesté en moins. Juste l’arrogance. Avec vue sur le lac.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Mourir, et mériter sa mort

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 01.12.10

     

    En cette fin 2010, et à l’horizon des élections fédérale d’octobre 2011, il y a clairement trois grandes familles politiques en Suisse : un tiers de gauche, un tiers de centre-droit, un tiers d’UDC. Galvanisé par sa victoire de dimanche, sur un thème qu’il a traité seul avant tous les autres, le parti de Blocher a désormais les moyens de passer, l’an prochain, la barre des 30%. Si c’est le cas, il sera légitimé à occuper aux affaires une place dont il a été dépossédé par le pronunciamiento du 12 décembre 2007.

     

    Oui, le maelström de dimanche ne marque pas seulement la défaite – une de plus – de la gauche, mais surtout celle de la droite qui a fait le pays, d’un côté l’univers libéral-radical, issu des Lumières et des valeurs républicaines, de l’autre son ancien ennemi du Sonderbund, la profondeur tellurique de la Vieille Suisse, les conservateurs, aujourd’hui appelés PDC (je préférais le courage de l’ancien mot). Depuis longtemps, ces deux composantes-là ont à peu près tout en commun, elles s’amusent simplement à se jouer et se rejouer l’Histoire du Sonderbund, quand les adversaires s’appellent la gauche ou l’UDC.

     

    Le problème, c’est que même réunis au plan fédéral, ces deux univers ne totalisent plus guère qu’un tiers de l’électorat. D’autant plus fragilisé que se multiplient, à Berne, les « alliances malsaines », gauche-UDC, pour les prendre en tenaille. Depuis des années, le centre-droit ne prend plus d’initiative propre, mais s’est spécialisé dans l’art suiviste du « contreprojet » aux impulsions données pas l’UDC. Pire : à l’exception d’un Christophe Darbellay, on peine à entrevoir, à Berne, l’émergence d’une vraie figure nationale issue de ce monde de notables tranquilles, courtois, cérébraux, tout heureux de célébrer la « complexité » des choses, là où l’UDC serait simpliste, populiste, brutale.

     

    Oui, la graine d’hommes d’Etat fait défaut. Les Delamuraz, les Couchepin, les Furgler, ceux qui, au-delà des idées, se définissent par une « dimension d’Etat ». Si le centre-droit, en Suisse, doit un jour mourir, pour laisser la place à un univers bipolaire, c’est aussi à cette absence de relève qu’il le devra. Et ni Didier Burkhalter, ni Johann Schneider-Ammann, notables ennuyeux et grisâtres, ne donnent l’impression de parer à l’inéluctable de cette vacance.

     

    Pascal Décaillet