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  • La frontière, ça existe !

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 15.12.10

     

    On avait tout fait pour les chasser, et patatras les revoilà : les frontières. Elles ne sont pas mortes, se portent même bien, pourraient bien être appelées à demeurer vivaces dans les années à venir. Les bonnes vieilles frontières, oui, entre les nations. La France, la Suisse, l’Italie, l’Allemagne. Et les nations aussi se portent bien, ces filles de la Révolution française et d’un long travail de cimentation au cours du dix-neuvième siècle, jusqu’au sanglant écueil de 1914.

     

    On a voulu les dissoudre, au nom de conglomérats plus grands, on a tenté de recréer les Empires, on n’a cessé de nous répéter qu’elles n’avaient plus la taille critique, qu’il fallait élargir son regard, embrasser des horizons plus vastes, mondialiser les échanges. Mais elles sont toujours là, les nations d’Europe, et les frontières aussi. Et elles ont avec elles la volonté des peuples. Quand on veut bien se donner la peine de les consulter.

     

    Il existe, au cœur du continent européen, une toute petite nation qui s’appelle la Suisse. Plusieurs langues, plusieurs religions, une culture politique commune. Une démocratie directe unique au monde, que beaucoup nous envient, à commencer par nos amis français, qu’on ne consulte, en dehors des élections, que de façon plébiscitaire, pour confirmer ou révoquer un pouvoir en place. Oui, la petite Suisse est un très beau modèle, fruit de longues batailles internes, notre Histoire est jalonnée de conflits, et c’est précisément cette dialectique qui fonde notre identité.

     

    Au cœur de ce petit pays, un mouvement monte, et son ascension est loin d’être accomplie : il appelle les Suisses, tout en restant ouverts au monde et amis de leurs voisins, à valoriser ce qui fonde leur cohésion interne. Il ne s’agit ni de repli, ni de peur, comme le stigmatisent à peu près neuf éditorialistes sur dix. Il s’agit de prendre conscience de ce que nous sommes, en tant que nation. Il s’agit de l’enseigner mieux et davantage, sans sombrer dans l’exaltation du treizième siècle. C’est un mouvement conservateur, certes. Comme il y eut, à la fin du dix-neuvième, un réflexe conservateur face aux puissances de l’Argent et de l’industrie. Refuser de prendre en compte ce réflexe, hausser les épaules, c’est se voiler la face. Car il est là. Et il y en a pour des années.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Rémy et son nègre

     

    Sur le vif - Mardi 14.12.10 - 16.43h

     

    Selon nos gorges aux abyssales profondeurs, le mystérieux « juriste masqué » qui aurait rédigé la tentative de putsch de Rémy Pagani en forme de « nouveau règlement de la police municipale » pourrait être – ou avoir été – un important Monsieur de la République.

     

    Allez, je vous donne quelques indices : bientôt 70 ans, sale caractère, excellente forme physique, avocat, amis des locataires, ami des vieux.

     

    Certains murmurent même qu’il aurait passé une douzaine d’années au Conseil d’Etat. Entre jadis et naguère.

     

    Mais allez croire ce que racontent les gens !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre-André Stauffer : mémoire et émotion

     

    Mardi 14.12.10 - 11.57h

     

    Intense émotion, ce matin, à la lecture de la page 29 du Temps : la mort de Pierre-André Stauffer. Emotion qui me ramène il y a presque trente ans, les débuts de l’Hebdo, et tout à coup une plume – d’exception – qui nous raconte la politique suisse. A travers les chroniques bernoises de Pierre-André Stauffer, nous découvrons que notre pays a une Histoire, conflictuelle, savoureuse, des tronches, des têtes de lard, mille rivalités de coulisses et de couloirs.

     

    Stauffer nous parle de Berne, et la grise molasse se transmue en Versailles de Saint-Simon, et nous, qui ne vibrions en ces temps-là que pour la politique française, les premiers pas de Mitterrand à l’Elysée, voilà qu’à la lecture passionnée du « Nouvel Observateur » le mercredi, nous ajoutons, tous les jeudis, celle d’un magazine qui nous parle de la Suisse et des Suisses. Et, dans ce magazine, l’incroyable plume de Pierre-André Stauffer.

     

    Je l’ai, beaucoup plus tard, connu et côtoyé, immensément apprécié, avec sa titanesque timidité, l’océan de ses angoisses face à l’article à naître, et puis, une fois dans l’œuvre, son génie des mots. Il y a tant de gens qui se croient écrivains sous le seul prétexte qu’ils publient des livres ou font les raisonneurs. Lui, était une plume, d’alluvions autant que d’étincelles, la terre, la boue, le feu, des éclats de lumière. Juste pour raconter la politique suisse. Celle de notre pays.

     

    Pierre-André Stauffer laisse orphelins les journalistes de Suisse romande. D’autres, dans les jours qui viennent, lui rendront des hommages beaucoup plus nourris que celui-ci, je sais la tristesse qui doit être celle des gens de l’Hebdo, notamment l’équipe fondatrice, dont il était. Celle de sa famille, ses proches, tous ceux qui ont eu le privilège de le côtoyer. Je n’oublierai jamais mes voyages avec lui, à Paris ou à Hambourg, où nous avions longuement interviewé l’ancien chancelier Helmut Schmidt. Je n’oublierai jamais mes premières lectures de ses chroniques bernoises, il y a trente ans. C’est lui qui, un jour, m’a donné le goût de la politique suisse.

     

    Pascal Décaillet