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  • Il y a moins d'une heure, les anges sont passés

     

    Sur le vif - Vendredi 24.12.10 - 19.02h

     

    La vie était encore là, banale comme une nuit de décembre, humide, insalubre. Tous, nous nous préparions à ce moment d’intimité qui s’appelle le Réveillon. C’était il y a une cinquantaine de minutes. Tous, en accomplissant les mêmes gestes, année après année, nous allons vers Noël, avec l’éternité de nos incertitudes.

     

    Et puis, soudain, il y a eu la voix de Brigitte Hool.

     

    En direct du studio de Sion, cette magnifique soprano était l’invitée de la RSR. Elle a dit quelques mots, répondu à deux ou trois questions. Et puis, très simplement, a capella, elle a chanté.

     

    Elle a chanté quoi ? La plus simple des chansons. La seule qu’osent fredonner, à minuit, ceux qui ne chantent jamais : « Les Anges, dans nos campagnes ». Et pendant une petite minute, il n’y eut plus que sa voix, sa voix seule, sa voix simple et sublime.

     

    Et quelque chose passa, plus léger que l’enfance. Doux comme l’amorce d’une annonce. Et ce fut tout. Mais ce fut immense.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Pas de juges étrangers

     

    Sur le vif - Dimanche 19.12.10 - 18.40h

     

    Maire de Strasbourg et sénateur français du Bas-Rhin, Roland Ries, 65 ans, qu’on vient d’entendre sur les ondes de la RSR, semble ignorer l’un des principes fondateurs de notre petit pays : pas de juges étrangers. Des accords, des traités, tout cela oui, mais signés par nous, à égalité de dignité avec le partenaire, et non sous la coupe d’une instance supérieure. Nos plus grands diplomates, qu’ils fussent radicaux (Max Petitpierre) ou socialistes, ont toujours appliqué ce principe, constamment rappelé dans la lecture (passionnante) des « Documents diplomatiques suisses ».

     

    Que propose M. Ries ? Constatant que l’exercice des bilatérales est en bout de course (ce qui est loin d’être démontré, et ressemble plutôt à une rengaine en forme de pression sur la tempe de la part de nos chers partenaires de l’UE), l’Alsacien envisage une « instance supérieure et indépendante » chargée de mettre d’accord les deux partenaires (CH et UE) pour aboutir à une nouvelle forme de relations. Ce qu’on peine à saisir, c’est en quoi cette réflexion sur l’évolution des rapports aurait besoin d’une instance arbitrale, alors qu’elle repose, depuis toujours, sur l’une des forces de notre diplomatie : la négociation.

     

    Pire : le maire de Strasbourg reconnaît lui-même l’exercice comme périlleux, l’Union européenne ayant tendance à nommer des commissions qui, sous couvert d’être neutres, sont sous sa coupe. Surtout, l’opinion publique suisse ne comprendrait absolument pas, aujourd’hui et suite aux années de pressions que nos chers voisins et partenaires viennent d’exercer sur nous en matière de fiscalité, que le principe de rapports de force et de confrontations d’intelligences (la négociation) cède la place à une douteuse mise sous tutelle.

     

    La Suisse est un tout petit pays de sept millions d’habitants, l’Union européenne est un géant. Le seul moyen de discuter avec un géant, c’est de rester très sûr de ce qu’on veut, avec une conscience de nos valeurs, de ce que nous voulons maintenir (démocratie directe, fédéralisme). Et en se souvenant que la petite Suisse, tout en se voulant en paix et dans les meilleures relations avec le reste du monde, a survécu, dans sa souveraineté, grâce à la stricte observance d’un principe cardinal : pas de juges étrangers.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Hector en deuil

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    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 20.12.10

     

    Elle était la Grèce sans la poussière, avait la grâce de celle qui éclaire, non pour éblouir, juste révéler. Qui, au fond, depuis la guerre, nous aura aussi bien parlé de la Grèce antique ? Vernant ? Detienne ? Oui, bien sûr. Et puis elle, cette dame qui nous quittés hier, sans famille, sans enfants, aveugle, à l’âge de 97 ans : Jacqueline de Romilly.

     

    Sur une œuvre aussi immense, que conseiller à nos lecteurs ? Je retiendrai trois livres. Pour ceux qui aiment l’Histoire, sa traduction de la Guerre du Péloponnèse, de Thucydide, l’auteur dont elle aura été l’une des plus grandes spécialistes, dès sa thèse en 1947.

     

    Pour ceux qui ne connaissent rien à la Grèce et voudraient y entrer doucement, il faut absolument découvrir les « Petites leçons sur le grec ancien », chef-d’œuvre d’initiation, de malice, de pédagogie, écrits par une dame de 95 ans (Stock, 2008) pour ceux qui suivent : la Passeuse, dans toute sa splendeur.

     

    Enfin, dans l’océan de ses essais, comment oublier « Hector », publié en 1997 aux Editions de Fallois ? Un livre éblouissant sur le « perdant », le Troyen, le doux qui aimait les chevaux et périra sous le glaive d’Achille. Un récit étonnant, inattendu, sous la plume d’une très grande dame qui, après avoir été interdite d’enseignement par Vichy en raison de ses origines juives, deviendra l’une des lumières de l’intelligence française dans le monde.

     

    Pascal Décaillet