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  • Passion viscérale

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 13.09.23

     

    Toute ma vie de journaliste, bientôt quatre décennies, je l’ai consacrée à la politique. Non pour me faire élire, je n’ai jamais été candidat à aucun poste. Mais pour la faire connaître, au plus grand nombre. Par des débats, des commentaires, des prises de position claires et tranchées, bref tout ce qui peut nourrir une passion viscérale pour la Cité.

     

    C’est quoi, cette passion, qui nous réunit tous, hommes et femmes politiques, journalistes, chroniqueurs, citoyens engagés ? C’est une idée très supérieure : celle que la volonté humaine peut exercer de l’influence sur le cours naturel des choses. Faire reculer la loi du plus fort, la jungle, au profit d’une organisation majoritairement consentie.

     

    Rien que ça, c’est mille fois plus puissant que savoir si on est de droite ou de gauche. C’est l’ambition, exprimée par Jean-Jacques Rousseau, d’un Contrat social. C’est le pari des législateurs de l’Athènes ancienne, comme Solon (640-558 av. J.-C.), d’une codification qu’on appelle la loi. C’est le discours de Périclès (495-429 av. J.-C.), relaté par le génial historien Thucydide, quand il explique au monde ce que les Athéniens entendent par « démocratie ». Je vous recommande ce passage extraordinaire, dans la « Guerre du Péloponnèse ».

     

    La passion politique, c’est simplement vouloir que la trace humaine soit possible, face au cours du destin. C’est déjà vertigineux, non ?

     

    Pascal Décaillet

  • Cohésion sociale : la droite roupille !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 13.09.23

     

    Sans cohésion sociale, la Suisse n’existe pas. Depuis 1848, création de la Suisse moderne par les radicaux, toute l’aventure économique de notre pays, fantastique à bien des égards, s’est accompagnée, au fil des générations, d’une extension du champ de solidarité entre nos compatriotes. Ce fut lent, progressif, parfois laborieux (l’assurance-maternité a mis des décennies à voir le jour), mais ce chemin, nous l’avons fait. Les générations d’avant ont accompli leur mission. Nous, hommes et femmes, citoyens de ce pays que nous aimons, nous devons continuer.

     

    Nous répondrons ainsi aux préoccupations les plus importantes des nôtres, qui ne sont de loin pas celles des « chercheurs en sciences sociales » de nos Universités romandes, infestées par les théories à la mode, autour du genre ou de la couleur de la peau. A qui des forêts de micros sont tendues à longueur d’année, ce qui crée, dans l’opinion publique, une vision complètement faussée des vrais problèmes, ceux qui touchent les lames de fond de la population.

     

    En 1848, et encore en 1891 lorsqu’un premier non-radical, le catholique-conservateur Josef Zemp, arrive au Conseil fédéral, des enfants, dans toute l’Europe, travaillent encore dans les mines. Il faudra tout le vingtième siècle pour conclure les premières conventions collectives, les premières assurances contre la maladie, l’accident, les premières cotisations en vue d’une retraite. Il faudra la grande année 1947, qui devrait être célébrée dans notre Histoire au même titre que 1848, pour que naisse enfin l’AVS, le fleuron de nos assurances sociales, dix fois révisé depuis sa naissance. Et puis, 1985 pour le deuxième pilier. Et puis, le milieu des années 1990 pour une assurance-maladie obligatoire. Alors non, ça n’était pas mieux avant : vive le temps présent, vivent les générations d’aujourd’hui, nous ne sommes par pires que nos aïeux, nous avons juste à empoigner les vrais problèmes de notre temps.

     

    Homme de droite, mais d’une droite sociale et patriote, je suis consterné par le manque d’imagination, et de projets sérieux, venant de la droite libérale (au sens très large de ce mot, je n’implique pas ici un parti), sur les réformes absolument nécessaires à entreprendre dans les deux grands chantiers majeurs que sont les retraites, et la santé. Dans ces deux domaines, désolé de le dire, mais c’est la gauche, et notamment les socialistes, qui voit grand : 13ème rente AVS, Caisse unique, Caisses publiques. Là, on n’est plus dans la réformette soupesée par de tristes apothicaires qui ne veulent, au fond, rien changer. Non, on s’installe dans une nouvelle dimension.

     

    Oui, nous avons besoin, en matière de retraites, d’une nouvelle donne, aussi puissante que celle de 1947. Et, en matière d’assurance-maladie, d’un retour, au grand galop, de l’Etat, tant les acteurs privés, depuis trente ans, nous ont plongés dans la paupérisation des classes moyennes, étouffées par les primes. En matière d’assurances sociales, il faut l’Etat. Un Etat efficace, générateur de solidarité. Un Etat au service de tous, à commencer par les plus faibles.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le coeur, la raison, les puissances du lien

     
    Sur le vif - Mardi 12.09.23 - 14.17h
     
     
    Dans l'Histoire d'un pays, il y a un temps pour la raison, et un temps pour le coeur. Et je pourrais ainsi, comme dans l'éblouissant passage de l'Ecclésiaste, recenser la succession de tous ces temps. En l'espèce, ils alternent. Parfois, ils s'épousent. Se superposent. Se confondent. Parfois, ils se déchirent : la Raison triomphante prétend anéantir l'émotion, parfois la réciproque.
     
    Ainsi, le 1er août et le 12 septembre. J'invite mes compatriotes à aimer ces deux dates : elles ne se contredisent pas, elles se complètent.
     
    Le 1er août, c'est la Suisse des mythes. Au sens, non de mensonge, qui est une dérive populaire du mot, mais bien au sens grec : un mythe, c'est un récit. Il circule, on le partage, on l'adapte, on le représente, on lui donne vie. Toute nation se nourrit de mythes fondateurs. Alors, il y a les feux dans la nuit d'été, le bonheur d'être ensemble, de dire son amour du pays : le 1er août parle directement au coeur de tous les Suisses.
     
    Le 12 septembre, pour lequel je plaide depuis 25 ans, c'est la Suisse fédérale. Les radicaux, dans leur moment historique le plus puissant, le plus fécond. Le Freisinn. La Vernunft. Libre-arbitre, libre conscience, Raison dialectique, Kant, Hegel, l'Aufklärung, toute l'extraordinaire aventure de la philosophie allemande, dans la seconde partie du 18ème siècle. C'est cela, les racines historiques et intellectuelles du radicalisme suisse.
     
    Le 12 septembre 1848 (175 ans, jour pour jour) n'a pas du tout, dans le grand public, le rayonnement émotionnel du 1er août. Face aux élans du coeur, que peut la Raison démonstrative, même celle de Kant ? La date est moins connue, ne parle guère aux gens. Eh bien je dis : pas grave ! Un humain, c'est un cerveau, et c'est un coeur. Écoutez Debussy, Bartók : nous avons des neurones pour en identifier la structure, le tempo. Et nous avons des yeux pour verser des larmes sur la couleur de chaque note. Nous sommes des humains. Un patriote, c'est un humain comme un autre, rationnel et bouleversé, tout à la fois.
     
    Aujourd'hui, je pense à la Suisse. A la grande aventure de notre pays, au coeur de l'Europe. A tout ce qu'il peut apporter à ce continent dont il est la matrice, l'ombilic. A tout ce que chacun de nous peut faire, à son niveau, pour le pays.
     
     
    Pascal Décaillet