Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Il y a trente ans, je me souviens

     
    Sur le vif - Dimanche 10.09.23 - 15.02h
     
     
    J'ai couvert à Berne, au début des années 1990, l'intégralité des débats parlementaires sur la LAMAL, la loi sur l'assurance-maladie. Le sujet me passionnait, et me passionne encore : il touche la vie des gens, leur santé, leurs souffrances, l'approche du terme, les angoisses.
     
    Et puis, j'ai toujours été profondément attiré par l'Histoire de nos assurances sociales : les retraites, l'accident, la maladie. Et, pour le dire franchement, j'ai toujours été fermement partisan, dans ces domaines essentiels, de solutions d'Etat. Quand je dis "l'Etat", c'est évidemment tout, sauf la machine tentaculaire de la gauche. Mais enfin, un Etat fort, musclé, efficace, au service de tous. C'est un vieux rêve radical de 1848.
     
    Je me suis concentré dans ma mémoire, ces dernières semaines. Hier encore, en me promenant dans la nature. Et je me suis souvenu ce débat homérique sur la LAMAL, tant au National qu'aux Etats.
     
    Je me souviens des lobbyistes. Ils étaient déjà là, tous. Dans les Pas perdus. Sans doute moins nombreux qu'aujourd'hui, mais ils étaient là.
     
    Je me souviens de l'extrême complexité, déjà, des débats. C'était avant l'existence d'internet. Nous, les journalistes parlementaires, recevions tous les matins un immense dépliant avec toutes les variantes parmi lesquelles les parlementaires devaient choisir. Ils avaient, eux aussi, ce document sous les yeux.
     
    Je me souviens m'être viscéralement méfié de cette complexité. Mots-barrages, mots techniques, mots de spécialistes, "catalogue de prestations", "obligation de contracter", et tant d'autres, bien pires encore. A qui ce nuage de fumée profitait-il ? Aux puissants, pardi, ceux qui voulaient noyer l'essentiel dans un latin d'église.
     
    Je me souviens parfaitement qu'un paradoxe, déjà à l'époque, me rendait fou : le mélange entre obligation de s'assurer, donc système d'Etat, et liberté de concurrence entre des Caisses qui étaient déjà puissantes, et qui sont devenues des monstres financiers. Déjà, un vent soufflait, venu des pays anglo-saxons, celui de cet ultra-libéralisme qui allait nous perdre, en Europe. Il a soufflé trente ans. Il se calme, c'est le moment.
     
    Je me souviens de parlementaires qui voulaient tous réitérer l'exploit de 1947 (sur l'AVS) : parvenir à un compromis politique, entre forces antagonistes. Hélas, le miracle ne s'est pas produit : nous eûmes tous les inconvénients du socialisme, tous ceux du libéralisme. Situation dans laquelle, trente ans après, nous demeurons, plus que jamais.
     
    Je suis un homme de droite, mais pour les assurances sociales, dont je me fais la plus haute idée, je veux l'Etat. C'est radical, oui. C'est 1848, oui. C'est tout ce que vous voulez. Mais en aucun cas la santé des gens ne peut être laissée aux seules forces du profit.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • On vous prend tout ? Pas grave ! Economisez !

     
    Sur le vif - Dimanche 10.09.23 - 10.15h
     
     
    La baisse vertigineuse du pouvoir d’achat est, avec les primes maladie, la préoccupation no 1 des Suisses.
     
    Si la seule réponse du ministre suisse de l’Economie à cette inquiétude est que « les Cantons et les particuliers doivent économiser », alors c’est à désespérer d’avoir en Suisse un ministre de l’Economie. A-t-il seulement songé que le rôle de l’Etat était d’agir, pas de contempler le passage des trains ?
     
    À désespérer, aussi, que ce ministère soit occupé par un titulaire donnant des signaux encore plus partisans du laisser-faire libéral que le plus new-yorkais des golden boys.
     
    À désespérer, surtout, de l’appartenance de ce titulaire à un parti dont l’écrasante majorité des membres vient du peuple, des classes moyennes prises à la gorge, des PME, des petits entrepreneurs, des indépendants. Des gens patriotes, bosseurs, qui aiment leur pays, sa dignité, sa souveraineté, son indépendance. Et veulent juste vivre dignement.
     
    Il serait peut-être temps qu’en douceur, ce titulaire songe à une reconversion.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'industrie, le latin d'église, le cambouis

     
    Sur le vif - Samedi 09.09.23 - 13.05h
     
     
     
    Les snobinards de cocktails qui ont laissé la Suisse, et notamment Geneve, se désindustrialiser, portent une écrasante responsabilité devant l’Histoire.
     
    D’abord, leur vocabulaire : « start-ups, cleantechs, biotechs », nous faire miroiter un monde plus doux, « sciences de la vie », parce que l’industrie, oui, c’est salissant, ça suinte le cambouis, le mazout, le charbon.
     
    Leurs mots à eux sont toujours en anglais. Histoire que le pekin moyen, ici bas, s’extasie sans vraiment comprendre : le latin d’église, la magie en moins. Dies irae !
     
    Tout pays qui se veut souverain doit maîtriser les pôles essentiels de sa production. Importer, c’est dépendre.
     
    Regardez l’Allemagne, dont j’étudie l’Histoire industrielle (en me rendant sur place !) depuis des décennies : elle a, Dieu merci, conservé son incomparable puissance de production, mais elle se mord les doigts de sa dépendance en pièces détachées, pièces de rechange, composants de base. Et elle veut réintroduire ce qui fut, depuis Frédéric II de Prusse jusqu’à Schroeder, son fleuron : le charbon.
     
    Les plus beaux souvenirs de ma jeunesse, au même titre que des mosquées, des églises, des temples antiques, les musées de Rome et ceux des Allemagnes, oui mes plus grandes émotions, ce furent les visites d’usine. En Allemagne, principalement.
     
    Ça peut vous surprendre, mais je suis aussi habité par la passion dans une friche industrielle en Prusse, en Saxe ou en Thuringe, que dans un musée étrusque en Toscane. Il y a quelque chose de puissant, qui me parle, comme dans une chapelle cistercienne.
     
    À Genève et dans toute la Suisse, nous devons réinventer une ambition industrielle. La métallurgie n’est pas morte. Elle est juste délocalisée. Nous avons su garder l’horlogerie : rapatrions d’urgence l’industrie !
     
     
    Pascal Décaillet