Sur le vif - Dimanche 31.01.21 - 15.47h
Je vais vous parler franchement, n'ai-je jamais rien fait d'autre ? Je déteste cette campagne sur la burqa. De même, j'ai détesté celle sur les minarets. Oh, je ne doute pas une seule seconde du triomphe, le 7 mars, de l'initiative burqa. Je serai donc dans le camp des perdants. J'ai l'habitude.
Je n'éprouve assurément aucune sympathie pour la burqa. Mais je voterai contre l'initiative. D'abord, parce qu'il n'y a quasiment aucune burqa en Suisse, pas plus d'ailleurs qu'il n'y avait de minarets. On nous brandit donc une partie, infinitésimale, pour un tout, on érige un fait quasi-inexistant en thème national de votation, je n'aime pas ce procédé. Ils gagneront, je respecterai le vote, on logera la burqa dans la Constitution de notre pays, comme on y a introduit des minarets. Soit, c'est le jeu. Je suis, vous le savez, un défenseur acharné de la démocratie directe : ils auront gagné, j'aurai perdu.
Il ne faut pas venir me raconter que l'initiative sur la burqa ne concerne que la burqa. Il faut voir le contexte, et c'est, comme dans l'affaire des minarets, celui de notre rapport à l'Islam. La partie pour le tout, la grande métonymie, la burqa pour l'Islam, c'est cela le calcul des initiants. Ils en ont le droit, je respecte la démocratie directe, mais je n'aime pas ces procédés.
Nous avons, en Suisse, un nombre important de Musulmans. L'écrasante majorité d'entre eux ne posent strictement aucun problème. Venus principalement des Balkans (région où je ne sache pas que la burqa exerce un quelconque empire), ils sont chez nous, travaillent, participent à notre vie nationale, et, s'ils le souhaitent, pratiquent leur culte. Comme certains catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, s'ils le souhaitent, pratiquent leur culte. Ces gens-là n'ont strictement rien à voir avec la burqa, tradition venue d'une toute autre partie de la planète, fort peu présente dans notre pays. Ils n'ont rien à voir, mais auront à souffrir, au sein de notre communauté nationale, d'une assimilation scélérate, dûment préméditée par les initiants.
Je dis que le texte sur la burqa est, de façon déguisée (nous sommes, décidément, dans le carnaval sémantique du travestissement), un texte contre l'Islam. Les initiant s'en défendent, férocement. Ils nous mentent. Certains d'entre eux, comme dans l'affaire des minarets, savent parfaitement ce qu'ils font : on brandit à l'opinion un bout d'étoffe, c'est tellement plus facile que de lui donner à lire des ouvrages d'Histoire des religions, on sait très bien que l'émotion vestimentaire va l'emporter sur la réflexion. D'avance, on a gagné. Ils seront les vainqueurs du 7 mars. Je serai parmi les perdants. C'est cousu, comme un masque sur un visage.
Je suis républicain, comme les initiants. Je suis un démocrate, j'accepte le jeu. Je suis un homme libre. Avec les gens qui ont lancé ce texte, je partage les valeurs d'indépendance, de souveraineté, d'attachement aux traditions, et plein d'autres. Mais nos visions sur l'Islam divergent. Elles ont toujours divergé ! J'affirme juste que la mienne est profondément renseignée, depuis l'enfance. Lectures, voyages, séjours, reportages. Bien entendu, je déteste la burqa. Mais je refuse, au risque de déplaire à la majorité des lecteurs de ce texte, de me laisser berner par un appât vestimentaire. Alors que le but réel des initiants est ailleurs. Et ce but-là, au nom de toutes les valeurs qui sont les miennes, et que je tiens d'un homme de lumière dans mon enfance, je le combats.
Pascal Décaillet