Sur le vif - Mercredi 30.12.20 - 15.57h
Partout en Europe, c'est le système de représentation qui est en cause. Il est en voie d'écroulement. Cela mettra des décennies, peut-être plus d'un siècle, je ne le verrai évidemment pas. Mais ce système, déjà aujourd'hui, est vermoulu. Il va s'effondrer.
Représentation des citoyens par des parlementaires. Justifié au temps des diligences, et des écrasantes majorités, dans le peuple, qui ne savaient pas lire. On envoyait, dans des capitales lointaines, des gens formés, cultivés, pour qu'ils vous "représentent". Le même système, totalement injustifié aujourd'hui, encore plus demain, à l'heure du partage des connaissances et des prodigieux progrès de la numérisation.
Représentation de l'information par des journalistes, fédérés dans des "rédactions". Justifié au temps des diligences, premiers trains, débuts de la Révolution industrielle, temps balzaciens, fascinants sur le plan romanesque (cf. Illusions perdues, chef d’œuvre), là encore le peuple ne savait pas lire, ou très peu. On faisait confiance à des médiateurs. Ce système a duré deux siècles. Totalement injustifié aujourd'hui : chaque citoyenne, chaque citoyen de bonne volonté accède à une masse impressionnante d'informations, est parfaitement capable de les trier, les hiérarchiser, les commenter, sans qu'une "rédaction" le fasse pour lui. Le journalisme, c'est fini.
Fin des médiateurs, dans les Parlements. Fin des médiateurs, dans les "rédactions". Chacun de nous est un citoyen libre, adulte, responsable. Chacun est, s'il le souhaite, un commentateur de l'actualité. Plus besoin de parlementaires, plus besoin de journalistes. Seulement le corps des citoyens, au sein duquel on échange, on débat, on s'engueule, on s'informe, on se contredit, on partage des connaissances, on construit la Cité. Sans intermédiaires.
Les Parlements, encore quelques décennies et ce sera fini, on aura trouvé un autre système, plus total, de participation démocratique. Les journalistes, encore quelques années, et ce sera fini. On aura trouvé - on a déjà trouvé - d'autres moyens de construire collectivement la connaissance et la critique.
Disparition des médiateurs. Qui s'en plaint ? Je vous le donne en mille : comme par hasard, les deux corporations concernées ! Celle des parlementaires, celle des journalistes. Cette dernière a même le culot de dire : "Les médias sont indispensables à la démocratie" ! Ils nous prennent pour des cons ? Ce qui est indispensable à la démocratie, c'est la démocratie elle-même, constamment réinventée, vivante, plurielle, antagoniste. Avec ou sans médias.
Citoyen, je veux la démocratie. Je m'attache au but, non aux différents clergés ou médiateurs qui, pour survivre dans un monde en mutation, se décrivent eux-mêmes comme indispensables. Et il faudrait payer leurs abonnements, ou financer l'ineffable "aide à la presse", comme on payait naguère des Indulgences, juste avant Luther ? Nous aurions commis quels crimes, à racheter ? Et eux, quel droit d'inventaire auraient-ils, sur nos consciences ?
Pascal Décaillet