Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 30.10.08
Depuis trente ans, j’éprouve pour Jean Ziegler amitié et admiration. Il ne m’en voudra donc pas (ou plutôt si, il m’en voudra) d’affirmer ici que sa dernière déclaration sur les banquiers relève du populisme et de l’amalgame les plus honteux. Interrogé sur le site d’informations et de débats Rue89, il appelle à la création d’un « tribunal de Nuremberg pour juger les prédateurs qui ont provoqué ça ». Si, il a dit cela : je viens de visionner la bande, pour en avoir le cœur net.
Longtemps, j’ai aimé cette complexité, cette dimension culturelle de l’homme, avec qui on pouvait réciter des vers d’Hölderlin, sur des terrasses d’été. Son courage également, sa solitude, son sens du combat, aussi éloignées ses idées fussent-elles des miennes. Mais là, c’est trop. « Nuremberg », ça ne passe pas. J’ai trop lu sur Panama, Stavisky, ces moments de l’Histoire où une société tout entière se met à rejeter, en vrac, le monde des affairistes. On sait, in fine, où cela peut nous mener. Lisez certains passages de la « Dépêche du Midi », du temps de Jaurès, vous comprendrez.
Dieu sait si la crise actuelle doit nous amener à redéfinir l’économie réelle par rapport aux spéculations de casino. Mais « Nuremberg », cette mise au ban d’infamie, sur le même plan que les responsables du pire régime du vingtième siècle, de la part d’un intellectuel, cela ne passe tout simplement pas. Je demande à Jean Ziegler de revenir sur ces mots.
Pascal Décaillet