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  • JSE président ?

    Sur le vif  -  Lundi 20 octobre 2008  -  12.20h

     

    Il est élégant, gentleman, fin politique, et pourvu d’une belle culture historique. Libéral, il n’a jamais fait partie des ultras, ceux qui prônent l’économie de casino au détriment de celle de l’entreprise, et dont les dernières semaines viennent de montrer le merveilleux résultat. Homme de droite, il a toujours cherché le dialogue et les solutions. Genevois, il aime passionnément la Suisse, ce qu’elle a de multiple, ce charme discret dont parle si bien Denis de Rougemont. Peut-être pour consacrer tout cela, cette tonalité assagie par l’expérience, cette attention portée aux idées, le peuple genevois, hier, a fait de Jacques-Simon Eggly le meilleur élu de la future Constituante. Juste récompense.

    De cet ancien confrère du Journal de Genève, je ne dirais pas, comme de Blocher, Maillard, Maudet ou Darbellay, qu’il est habité par le démon politique. Non. Chez JSE, la passion, l’ambition sont moins immédiatement viscérales, moins telluriques. Plus aériennes. Avec ce que ce mot comporte de survol. Je n’ai pas dit « amateurisme ». Eggly, comme Pierre Weiss, est un esprit avant tout parlementaire : nul, ni sans doute lui-même, ne l’imaginerait dans un exécutif. Excellent orateur sans être tribunitien, toujours clair sans être populiste, bretteur sans être un tueur, ce que sont les quatre fauves cités au début de ce paragraphe.

    Dès lors, une idée, juste en passant. N’avons-nous pas là le portrait-robot du président idéal, pour le cercle des quatre-vingts chargés d’imaginer une nouvelle Charte fondamentale, à Genève ? Affable et assagi, éternel jeune homme déguisé en aîné comme Ulysse en mendiant, mémoire de quatre décennies de vie politique suisse. Seul, dans ce futur cénacle, Christian Grobet peut aligner une expérience comparable, et même supérieure. Mais pas dans l’art du dialogue. Et puis, a-t-on idée de laisser paître un carnassier sur un perchoir, gâchis que même Noé, dans la joyeuse exiguïté de son Arche, n’aurait imaginé ?

    Il y aurait bien Pierre Kunz, aussi, ou le Sage Albert Rodrik, l’un et l’autre excellents, mais il me semble que ces deux-là se feront mieux valoir dans l’arène qu’en position d’arbitre. Dans tous les cas, ce poste ne doit pas échoir au premier venu : il y faudra de la patine et du ressort, du cuir épais et de l’élasticité, des idées propres et de l’écoute, la vivacité d’un verbe et l’attention à l’autre. En filigrane, Jacques-Simon Eggly. Aux quatre-vingts de juger. Cette solution-là, en tout cas, ne manquerait ni de panache, ni d’éclat.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Pour le retour de Victor Dumitrescu

    Sur le vif  -  Jeudi 16.10.08  11.10h

     

    Il semblerait que Victor Dumitrescu ait été évincé de cet espace de blogs. Je ne sais si cela est exact.

    Victor Dumitrescu est quelqu’un dont je ne partage pas les options politiques. Mais sa plume est vive, sa réactivité remarquable, et il est toujours courtois. Il a de l’humour, de la culture, un arrière-pays, et sans doute une souffrance, hautement dignes d’intérêt.

    Surtout : il a le courage de signer ses papiers. D’un nom et d’un prénom.

    Il est très clair, pour moi, que Victor Dumitrescu a totalement droit de cité dans ces blogs. Et qu’il doit y être réintégré au plus vite.


    Pascal Décaillet

  • Rien – ou presque – ne justifie l’anonymat


    Ou : l’élémentaire salut du Mousquetaire

     

    Vendredi 10.10.08  -  11.55 h

     

    Je l’écris et le répète depuis le premier jour : rien, ou presque, dans la Suisse d’aujourd’hui, ne justifie l’usage de l’anonymat dans l’expression d’une opinion publique. Nous sommes dans un pays libre, démocratique, nul ne risque pour sa vie, nul n’encourt la Bastille. Que volent et s’entrechoquent les idées contradictoires, oui, et comment ! Mais, de grâce, signées d’un nom et d’un prénom. A Genève, il y a certes une Régente, mais nous n’en sommes pas, pour autant, sous la Régence. Les lettres de cachet, c’est fini.

    Bien sûr, il y a des pressions, des menaces de rétorsion, de petits chefs et de grands censeurs qui vous guettent et vous cherchent noise lorsque vous prenez la plume. Bien sûr, c’est plus dur lorsqu’on appartient, par exemple, à la fonction publique, parce qu’il y aura toujours un hiérarque véreux, ou un ami qui vous veut du bien, pour vous rappeler le devoir de réserve. Cela est vrai, ne doit pas être nié, je puis comprendre que, dans ces cas-là, on aspire à protéger son identité. Et pourtant j’appelle les intéressés à, tout de même, au maximum, se dévoiler. Même si c’est dur. Même si c’est risqué. Et peut-être pour cela, justement.

    Parce que l’autre solution, l’anonymat, lorsqu’il atteint des proportions de déversoir, n’est tout simplement plus tenable. Dans cet univers de blogs de la Tribune de Genève et 24 Heures, que je considère comme une passionnante plate-forme d’expression citoyenne, et où je découvre quantité d’auteurs originaux et admirables, l’abus du masque, son usage comme paravent de lâcheté, finira par nuire à l’ensemble de l’exercice, le traîner vers le caniveau, ruiner son crédit, et finalement son intérêt pour le lecteur.

    Pour être exact, le problème, ça n’est pas le pseudonyme. Lorsque Voltaire signe un pamphlet, tout le monde sait qu’il s’agit du ci-devant Arouet, François-Marie, et qu’il s’agit d’un nom de plume. Le pseudonyme troque, en toute connaissance de cause du récepteur, une identité contre une autre. Autre chose est un certain anonymat. Pas celui du jeu d’identités, style Ajar. Mais celui qui porte l’estocade. Trop facile de se camoufler pour frapper, blesser, attenter à l’honneur. On me dira que l’éditeur connaît la véritable identité : cela ne me semble pas suffisant. Sauf dans quelques cas extrêmes, toute personne qui prend la plume comme une épée, dans la Suisse d’octobre 2008, doit avancer son nom et son prénom. Le salut, élémentaire, du Mousquetaire, avant le combat.

    D’autant que l’immense majorité des anonymes, dans cet espace où nous sommes, sont plutôt charmants. Drôles. Originaux. Rafraîchissants. Ils attaquent certes parfois, mais le plus souvent construisent, inventent, flairent d’inattendus chemins de traverse, surprennent. On y découvre des plumes de qualité, des regards. Eux, ne sont pas en cause. Hélas, l’exercice même de leur anonymat (qui, en soi, pourrait relever d’une joyeuse esthétique de masques et bergamasques) se trouve souillé par quelques professionnels de la délation généralisée et de l’opprobre. Ceux-là, profondément, nuisent à l’ensemble.

    Prenons le cas d’un conseiller d’Etat. Celui qui, bien que membre de son Département, signe ses attaques contre le magistrat, prend des risques. Donc, mérite le respect. Cet homme-là, à coup sûr, est courageux. A l’inverse, lorsque, dans un espace d’expression voisin, le mécontentement tourne au déversoir, à l’avalanche de crachats et au dévaloir d’insultes, le tout joyeusement dissimulé sous le paravent, c’est la cause même qui s’en trouve ruinée. Nous ne sommes plus dans l’anonymat littéraire, mais dans la mise en action sécurisée de la lâcheté.

    Dans ce cas-là, l’éditeur doit intervenir. Censure ? Non : sauvegarde d’un minimum de respect. Nulle liberté n’est totale : il y a des règles. Ne serait-ce que la loi. Il est, par exemple, parfaitement convenu, et même codifié, que l’espace public ne tolère ni le racisme, ni l’appel à la haine, ni l’antisémitisme. Ni les atteintes à l’honneur. Ces restrictions-là ne me dérangent pas. Je dirais même que je les salue.

    Disons-nous les choses, attaquons-nous, ne nous épargnons pas. Mais soyons dans le sujet. Et signons. Cela ne m’apparaît tout de même pas, totalement, hors de portée. En conséquence, il ne me gênerait pas outre-mesure que l’éditeur, mon confrère Jean-François Mabut, augmente de quelques crans la sévérité face à quelques abuseurs, au reste très minoritaires, mais tenaces, systématiques et récurrents, de l’espace public.

     

    Pascal Décaillet