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  • Le chevau-léger et le Prince noir

     

     

    La brèche était ouverte, Hugues Hiltpold s’est engouffré. Il avait déjà déclaré, il y a deux mois, que le parti radical ne se ferait pas trop prier, si on le lui demandait un jour poliment, de reprendre le DIP. Bien entendu, il ne s’était avancé qu’à titre personnel, n’avait été le chevau-léger de nul Prince noir, n’avait jamais eu la moindre conversation avec François Longchamp sur le sujet. Bien entendu. C’était il y a deux mois. C’était il y a cent ans.

     

    On s’était dit que ce délicieux gentleman s’était offert un coup du milieu, avait tenté de s’encanailler, mais que tout était rentré dans l’ordre. C’est du moins ce que nous répétait l’entourage cardinalice du Prince, comme pour calmer l’ardeur de nos conjectures. Il y avait un gendre idéal qui avait joué, une fois, à la tête brûlée, mais l’incident était clos. Bien entendu, les radicaux ne caressaient d’aucune espèce de convoitise la reconquête d’une Ecole à laquelle ils avaient rendu naguère, avant Chavanne, quelque service signalé. Bien entendu. C’était il y a quelques semaines. Juste avant le napalm du Tribunal administratif.

     

    Et puis, patatrac, hier soir, Hiltpold récidive. Toujours lui : chez ces gens-là, la récurrence est une vertu, elle flambe dans les bannières. La progression dramaturgique aussi : dans un communiqué, sur le constat d’une pestilence nommée « cacade » (sic !), le franc-tireur (bien entendu solitaire) « voit mal comment Charles Beer peut prétendre diriger le DIP une législature de plus ».

     

    Bien entendu, on va continuer à nous répéter, pendant un an, que cette hypothèse d’OPA n’est que fantasmes. L’actuel conseiller d’Etat radical, pas plus que son efficace conseiller de l’ombre, ne seront jamais apparus au grand jour dans cette affaire. On aura laissé Hugues le lanceur de fusées éclairer joyeusement nos nuits : reprendra-t-il un jour les Fêtes de Genève ?

     

    A moins qu’un autre job, disponible d’ici un an, ne commence à faire frissonner les rêves hiltpoldiens. La très grande fragilité du ticket choisi hier soir par les libéraux, cette illusion de l’équilibre là où toute attaque doit se fonder sur la rupture, pourrait, à raison, faire réfléchir les radicaux dans le sens d'un double ticket. Mais les places seront chères : la non-candidature de Jornot, cette absurdité de casting, offrira à un Jornot bis l’occasion de faire du Jornot en sirotant du Canada Dry. Cet homme existe, se porte très bien, n’est pas totalement insensible à l’attrait du pouvoir. Il s’appelle Yves Nidegger.

     

    Pascal Décaillet

  • Libéraux genevois : la passion du suicide



    Sur le vif – Vendredi 21.11.08 – 00.30h

    En refusant, il y a deux heures, de désigner Olivier Jornot, l’un des fauves les plus racés de la faune politique genevoise, pour la candidature au Conseil d’Etat, les libéraux genevois viennent de commettre une erreur historique. Par confort, par adoubement du douillet, par peur de l’homme fort et de la tête qui dépasse, par une mixture de provincialisme communal (où le seul mot « péréquation » préfigure l’extase salée d’un coït) et de génuflexion féministe, ils viennent d’éliminer rien moins que le meilleur des leurs. Les libéraux genevois auraient-ils la passion du suicide ?

    Ils ont cru qu’ils allaient pouvoir gagner par la sagesse de l’équilibre (jusqu’à celui, tellement convenu, des sexes), là où la politique a besoin de dépassement, de sales tronches, de rêves de gloire et de nuits blanches, de caractères de rats, et surtout d’une incomparable compétence sur les dossiers, bref j’ai nommé Olivier Jornot. L’homme capable, à la même vitesse de lumière, de vous réciter Quinte-Curce et de vous pondre, sur une nappe de papier, un projet de loi sur la police. Jornot est un fou de politique, un fou de pouvoir, et c’est justement pour cela qu’il fallait le désigner.

    Au nom de quelle étrange conception la politique devrait-elle se résigner à n’être qu’une flasque aspiration au juste milieu ? Poitevine et marécageuse, quand elle pourrait être de terre ferme et de soleil, ouverte à la férocité des vents. Pas les zéphyrs : les vents ! Là encore, j’ai nommé Olivier Jornot, homme de voiles latines, de lettres et de droit, de poèmes épiques et de textes de loi. Prétorien ? Et alors ! L’Histoire retient-elle le bruit parfois coupable des bottes, crottées de la glaise du temps, ou l’innocent cliquetis des sandales ?

    Au pouvoir personnel, les libéraux ont donc préféré les délices plus castratrices de l’impuissance impersonnelle. N’ayant pas osé le coup de force contre les éminences acquises, installées, ni contre le conformisme de l’équilibre, ils ont pris le risque de barrer la route du pouvoir à un homme qui génétiquement, était programmé pour l’exercer. Beau gâchis. Pour les libéraux. Et pour Genève.


    Pascal Décaillet



  • Retour de l’île d’Elbe ou Waterloo ?

     

    Il a 68 ans, il repart au combat. On le disait mort, putréfié par l’oubli, le revoici. On l’aime ou non, ça n’est pas la question, ça devrait l’être beaucoup moins lorsqu’on parle de lui. La politique, à ce niveau-là, où la mort métaphorique promène toujours ses pattes de velours, est affaire d’animaux de sang froid. Chez ces gens-là, Monsieur on guette, on soupèse, on calcule. Et, bien sûr, on tue.

     

    De sa section historique, sa tanière, son terroir, il repart. Que se passe-t-il, dans sa tête ? Vogue-t-il, comme naguère le reclus de l’île d’Elbe sur le brick l’Inconstant, vers quelque Golfe-Juan, dans l’espoir de défricher sa route du retour, retrouver sa couronne ? Un an, qu’il en a été chassé, tout comme le Corse, lors de sa première abdication. Y songe-t-il vraiment, ou ne fait-il que donner un coup de main à la ligne dure de son parti ? A Ueli Maurer, par exemple ?

     

    Cette Assemblée fédérale, qui lui a signifié sa disgrâce, a-t-elle une quelconque chance de se désavouer elle-même en le reconduisant ? Pas une sur cent, en vérité ! Mais le passager du brick, sur les eaux bleues de la Méditerranée, en avait-il davantage, en débarquant le 1er mars 1815 ?

     

    Il y a, dans cette tentative de retour, comme un goût salé d’aventure, une escapade de mauvais garçon, une gavrocherie fugueuse, suicidaire comme une aube marine. Ca n’est pas pour rien que Jean Ziegler a eu des mots élogieux, dimanche, sur Blocher : les deux hommes se ressemblent, vomissent les conformismes, n’ont jamais cherché à se mouler dans la quiétude. Gauche dure, droite dure, que valent les rigidités géométriques face à la troublante chimie d’une pâte d’homme, né pour déranger ?

     

    Pour l’heure, côté Restauration naguère poignardante, on a arboré le silence de ceux qui ont intérêt à réfléchir à deux fois. Et s’il y avait pacte des loups ? On te laisse revenir, toi ou un homme à toi, et en échange tu nous aides à reconquérir le deuxième siège PDC, au détriment des radicaux.

     

    Fantasmes ? Sûrement. Poussières d’Empire, illusions de la résurgence. Très peu de chances, en effet, pour lui. Et sans doute, au bout de ce chemin-là, Waterloo. Mais un homme de guerre est un homme de guerre. Rien, jamais, ne l’apaise. Rien. Et surtout pas la quiétude un peu bouffie des notables.

     

     

    Pascal Décaillet