Chronique publiée dans le Nouvelliste du jeudi 23.10.08
En chargeant Micheline Calmy-Rey de convoquer l’ambassadeur d’Allemagne pour lui signifier sa façon de penser, le Conseil fédéral a pris, hier, une décision salutaire et courageuse. Il n’y avait aucune autre réponse à donner à ce pays certes ami, mais dont le ministre fédéral des Finances, Peer Steinbrück, avait totalement dépassé les bornes mardi, en déclarant que la Suisse méritait d’être inscrite sur la « liste noire » des paradis fiscaux. Comme une vulgaire République bananière.
Micheline Calmy-Rey ne devrait pas avoir à forcer sa nature pour transmettre à l’Allemagne le vif mécontentement du gouvernement suisse. A contre-courant de son parti, la ministre des Affaires étrangères a souvent rappelé, dans toutes les questions concernant le secret bancaire, le principe de souveraineté de la politique fiscale suisse. Elle avait même ajouté que ce principe n’était pas négociable. Cela lui avait valu les écumes de rage de nombre de socialistes, les quolibets des humoristes, mais elle avait tenu. Et c’était courageux.
Faut-il réformer la fiscalité suisse, mettre fin au distinguo entre évasion fiscale et fraude fiscale ? On peut en discuter, mais il n’est pas question de le faire sous pression. Encore moins lorsque cette pression ne vient même pas de nos partenaires de négociations, l’Union européenne, mais d’une informelle réunion à Paris. Si l’Allemagne, dont tout le monde sait qu’elle finance un système social extraordinairement onéreux en étouffant ses contribuables, souffre d’évasion fiscale, elle pourrait peut-être se mettre en question. Idem pour la France, véritable machine à faire fuir les contribuables, et dont le ministre du Budget, Eric Woerth, a aussi manqué une occasion de se taire.
Au système suisse, à l’imposition à la source (35%), au fédéralisme, tous ces beaux esprits défenseurs d’Etats dépensiers et tentaculaires, ne comprennent strictement rien. Ou ne veulent pas comprendre. Il en va de ces affaires fiscales comme de celles des fonds en déshérence : sous couvert de morale, ce sont des places financières concurrentielles qui essayent d’affaiblir la nôtre. Cela, les angélistes le voient-ils ? A l’heure de la crise financière mondiale, génératrice de pressions, notre pays doit impérativement garder son sang-froid. Il en va de sa survie et de sa souveraineté.
Pascal Décaillet