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Liberté - Page 762

  • Pierre et les vautours

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.09.18

     

    Genève vit des heures difficiles. Pierre Maudet est dans la tourmente, va-t-il démissionner ? Entre le moment où j’écris ces lignes et celui où vous les lirez dans le journal, tout est possible. C’est une affaire majeure, parce qu’elle ne touche pas un médiocre, ni un oiseau de passage dans le ciel politique, mais sans doute – même ses pires ennemis le reconnaissent – l’un des plus grands talents politiques de notre canton. On peut lui reprocher mille choses, je ne m’en suis jamais privé ici du temps de son pouvoir, mais pas son aptitude à se mouvoir dans le monde de la politique. Il l’a voulu très tôt dans sa vie, il a tout fait pour y parvenir, il a brillé, brûlé les étapes, calciné ses adversaires. Et le voilà, tel Icare, fils de Dédale, avec les ailes qui fondent dans la proximité du soleil. Oui, il y a quelque chose, dans toute cette affaire, qui respire l’essence des mythes grecs, celle du tragique.

     

    Qu’a fait Icare ? Il a voulu voler trop haut. Il se disait qu’il allait impunément se confondre dans l’empire du soleil, on connaît la suite. Ce que paye Pierre Maudet, dans toute cette affaire, ça n’est pas son étrange virée familiale sous les dunes, avec tous les fantasmes narratifs de cet orientalisme. C’est, évidemment, d’avoir caché la vérité. Voire, pire (si cela est avéré par la justice), d’avoir procédé, avec sa garde rapprochée, au montage d’une contre-vérité. Cela, c’est le premier reproche, accablant parce qu’il est de nature à rompre la confiance. Mais au fond, le vrai grief, dans les strates plus ou moins conscientes des âmes, pourrait bien être d’une autre nature. Ses ennemis en veulent à Maudet d’être Maudet. Vingt ans que l’hyper-voracité de ce cannibale politique les exaspère. Vingt ans qu’il leur fait de l’ombre. Vingt ans qu’il leur file de l’urticaire. Alors, vous pensez bien, si l’homme est à terre, quelle aubaine pour les vautours !

     

    Les vautours, parlons-en. En aucun cas je ne reprocherais à un adversaire politique de Pierre Maudet, par exemple un homme de gauche, qui l’aurait toujours combattu sur ses choix, de profiter de l’hallali, en guettant l’occasion d’une élection complémentaire. Non. Mais le problème, voyez-vous, c’est qu’au plus fort de la meute, et avec les plus sonores des hurlements, il y a des gens qui, il n’y a pas si longtemps, attrapaient des lumbagos à force de prosternations devant le Prince. Pendant qu’ici, dans ce journal, tout en respectant parfaitement la personne, nous mettions en cause le système de gouvernement, notamment dans notre article « Bienvenue en Maudétie ! » (GHI du 18 avril 2018), les petits courtisans nous tombaient dessus, parce que nous n’avions rien compris à la modernité, « l’innovation », la réorganisation de la police, l’avenir radieux de la Suisse dans l’Europe. Eh bien, parmi ces mêmes marquis du Grand Coucher du Roi, il en est aujourd’hui qui exigent pour lui la corde et la potence. Toute cette histoire, sur qui nous en apprend-elle le plus ? Sur le Prince déchu ? Ou sur l’infinie noirceur de l’âme humaine ? A tous, excellente semaine.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Fatigues patriciennes, déboussolées

     

    Sur le vif - Mardi 11.09.18 - 09.17h

     

    J'entends encore la folle complainte des fatigues patriciennes contre ces Gueux, qui se permettaient, depuis 2005, de se mêler de politique à Genève.

     

    L'institution, nous glissaient les fatigues patriciennes, et leurs acolytes bien Logés, c'est nous. Nous, et pas la racaille suburbaine !

     

    Aujourd'hui, je note une légère inversion. Le parti réunifié, celui des fatigues patriciennes et des bien Logés, a un magistrat qui provoque à Genève un bordel apocalyptique. Et le parti des Gueux, lui, a un magistrat qui tient la barre en pleine tourmente. Chargé d'attributions nouvelles, il gère l’État, au milieu de la tempête. Avec discrétion, efficacité, rigueur.

     

    La vie n'est pas toujours ce que l'on croit. C'est là son charme et sa saveur.

     

    Pascal Décaillet

     

  • GAC d'hier soir : Jean Romain sur Pierre Maudet

     

    Sur le vif - Mardi 11.09.18 - 05.37h

     

    Hier soir à GAC, une bonne dizaine de minutes d'interview de Jean Romain, Président du Grand Conseil, sur l'affaire Maudet.

     

    Plus je repense à ce qu'il a dit, plus je me dis que cette intervention a constitué une étape dans la prise de distance du Président du Conseil d'Etat par ses propres troupes.

     

    Pourquoi ? Parce qu'entre Jean Romain et Pierre Maudet, on est dans le même monde. Les deux sont radicaux. Les deux, d'un canal historique du radicalisme romand, passionné d'institutions, de service de l'Etat, d'inscription de l'acte politique dans une continuité historique. James Fazy pour l'un, Joseph Barman pour l'autre. Pierre Mendès France, pour l'un et l'autre.

     

    Chez Pierre Maudet comme chez Jean Romain, il y a une très grande proximité avec le radicalisme d'un Pascal Couchepin, ou plus exactement avec la personne de l'homme de Martigny. Il y a comme un souffle d'Etat, avec aussi ses raideurs régaliennes.

     

    La prise de distance, hier à GAC, de Jean Romain face à Pierre Maudet, parce qu'il a dissimulé la vérité au Parlement, est véritablement d'ordre institutionnel, et pas d'ordre personnel. Parce que chez ces gens-là, Monsieur, l'institution précède la personne. Comme chez d'autres, paraît-il, l'existence précède l'essence.

     

    Pascal Décaillet