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Liberté - Page 75

  • Interdire l'AfD : la brillante idée du Temps !

     
    Sur le vif - Mercredi 17.01.24 - 15.48h
     
     
    Comment l'éditorialiste du Temps ose-t-il, même avec la perversité prudente d'un point d'interrogation, envisager une interdiction de l'AfD en Allemagne ?
     
    Un parti monte en flèche ? Il n'est pas conforme à l'échiquier politique de l'après-guerre, dominé par la rivalité CDU/CSU - SPD ? Il veut une régulation draconienne de l'immigration, attaquant de front le dogme Merkel de 2015 ? Il triomphe dans les Länder de l'ex-DDR, notamment dans la Saxe historique et en Thuringe, où cette immigration massive a fait le plus de dégâts pour les travailleurs précaires et les chômeurs allemands ? Il parle le langage du peuple, sans fioritures ni salamalecs ?
     
    Alors, on fait quoi ? On l'interdit !
     
    L'éditorialiste du Temps, constamment dans l'erreur depuis 2015 dans ses analyses sur l'Allemagne, imagine-t-il ce que signifierait une interdiction de l'AfD ? Pense-t-il que les militants de ce parti en resteraient là, cesseraient toute activité politique et sociale ? Sait-il ce que fut l'état de la rue, en Allemagne, entre 1919 et 1923, lorsque le pays, en pleine Révolution (lire Döblin), était livré aux combats entre Spartakistes et Corps-francs ?
     
    Et puis, quoi ? Un parti a du succès, il fait de l'ombre aux autres, on l'interdit ! Brillante conception de la démocratie !
     
    Je vous invite tous, l'été prochain, à prendre vos vacances, comme je le fais depuis tant d'années, dans les Allemagnes, notamment dans l'ex-DDR, régions passionnantes, socialement difficiles, culturellement extraordinaires. Vous y découvrirez le vrai visage d'un pays certes précaire, mais en époustouflante recherche de son destin. Car l'Allemagne est en mouvement. Aujourd'hui en situation difficile (elle a connu pire !), mais en position dynamique pour se réinventer. Tous les pays qui nous entourent ne peuvent pas en dire autant.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'Allemagne, c'est nous !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.01.24

     

    Aucun Suisse ne peut, raisonnablement, demeurer insensible à la péjoration vertigineuse de l’économie allemande. Notre grand voisin du Nord, quatrième puissance économique mondiale, poumon industriel du continent, dix fois plus peuplé que notre pays, se porte mal. Ses paysans sont furieux, et le font savoir en bloquant les autoroutes. Son industrie est en baisse de compétitivité. Certaines matières premières, indispensables pour faire tourner la machine allemande, font défaut à l’importation. Le réseau ferroviaire est constamment perturbé. Le pays modèle de l’Europe devient un mauvais élève.

     

    L’Allemagne est notre premier partenaire commercial. Quels que soient les aléas de l’Histoire, la Suisse se doit de garder avec ce géant septentrional les meilleures relations possibles. Jamais, dans notre Histoire moderne, depuis 1848, nous n’avons pu faire l’économie de ce lien, qui doit rester privilégié.

     

    Et puis, l’Allemagne, c’est un peu nous. L’allemand est l’une de nos quatre langues nationales. La littérature, la poésie, la musique allemandes, accompagnent nos vies. Leur Réforme, au seizième siècle, fut nôtre, leurs Lumières (Aufklärung) nous ont éclairés, leur Sturm und Drang, leur Romantisme, ont puissamment marqué nos consciences. Alors, parlons de l’Allemagne, pensons à l’Allemagne, considérons l’Allemagne pour ce qu’elle est : l’un des phares de l’Europe.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Europe des Nations, pas celle des chimères !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.01.24

     

    Dresde, Hambourg, Berlin, Cologne, Nuremberg, et des centaines d’autres villes allemandes, rayées de la carte. En Italie, la dévastation politique, économique, morale. En France, des villes entières de Normandie devenues cendre et poudre, dans les bombardements alliés qui ont suivi le Débarquement du 6 juin 1944. Ne parlons pas de la Pologne, dévastée. La Belgique, les Pays-Bas. Oui, l’année 1945 fut terrible. Oui, elle fut, notamment pour l’Allemagne, cette Année Zéro qui, aux esprits les plus avisés, ceux qui lisent des livres d’Histoire plutôt que des romans de gares, rappelait une autre dévastation : celle de 1648, à l’issue de la sanglante Guerre de Trente Ans. En ce milieu du dix-septième siècle, les Allemagnes n’existent plus. Rayées de la carte. Si cette période vous intéresse, je vous donne un livre à lire, absolument : « Les Aventures de Simplicius Simplicissimus », une sorte de roman pré-picaresque publié en 1669 Par Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen. Les Allemagnes mettront un siècle à se relever de ce désastre : il faudra attendre ce très grand roi que fut Frédéric II de Prusse (1740-1786).

     

    1945 : le désastre des nationalismes, comme l’avait déjà été 1918. De longues années, en Allemagne et partout en Europe, à déblayer les ruines, ne pas toujours manger à sa faim, grelotter l’hiver, puis lentement reconstruire. C’est l’époque, par exemple, du néo-réalisme italien, le cinéma d’un Roberto Rossellini, sublime témoin de ces années de misère. C’est l’époque du Riz amer (Riso amaro), de Giuseppe De Santis. Les nations, on ne veut plus en entendre parler, on les assimile aux armées, à la haine, aux souffrances, au deuil. On commence à parler d’Europe, d’abord pour se chauffer (avec le charbon allemand !), puis pour favoriser les échanges commerciaux, celui de l’acier par exemple. Et puis, doucement, entre l’Allemagne et la France, on commence à parler de « réconciliation » (Versöhnung). Oui, cette Europe-là, celle du début, celle du Traité de Rome (1957), était porteuse d’espoirs. Après la mort, elle proposait la vie.

     

    67 ans plus tard, la structure née de ce beau rêve, d’abord appelée « Communauté européenne », aujourd’hui « Union européenne », ne fait plus rêver personne. Les Six du départ sont aujourd’hui Vingt-Sept, la machinerie administrative de Bruxelles étouffe les peuples, on a voulu oublier les nations au profit d’un conglomérat sans âme ni passé, sans Histoire, sans mémoire commune. On a eu tort. Le 9 juin prochain, les élections européennes pourraient bien voir progresser le camp du refus. Les peuples ne disent pas non à l’Europe, c’est notre continent, nous l’aimons. Mais ils disent non à la machine. Ils veulent respirer. Ils veulent qu’on les écoute. Ils ne veulent pas la guerre, ils veulent juste retrouver leurs identités nationales. Leurs lieux de mémoire. Leurs repères historiques. Leurs langues, leurs dialectes. Leurs textes fondateurs. Ils veulent l’Europe, mais celle des Nations. Pas celle des chimères.

     

    Pascal Décaillet