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Liberté - Page 1556

  • Suisse-Europe : l’essentiel et l’accessoire



    Édito Lausanne FM – Vendredi 13.06.08 – 07.50h



    C’est donc en mai 2009, très certainement, que nous voterons sur la reconduction de la libre circulation, et sur son extension à la Bulgarie et à la Roumanie. Fallait-il à tout prix lier ou dissocier ces deux objets ? La question, qui a pas mal remué le Parlement (il a tranché hier pour la première solution) ne m’apparaît pas comme primordiale. Pire : l’insistance portée, depuis des semaines, sur ce point, est un indice de plus de la propension des Suisses, dans le débat européen, à mettre le doigt sur des questions mineures, laissant de côté l’essentiel.

    Car enfin de quoi s’agit-il, dans ce vote de l’an prochain ? De l’avenir européen de notre pays ! Non en termes institutionnels (la question n’est pas mûre), mais en termes de vitalité économique avec nos voisins. C’est une étape capitale. C’est, à coup sûr, le moment le plus important de la législature 2007-2011. Après l’échec de l’Espace économique européen, le 6 décembre 1992, il a bien fallu, au milieu des décombres, reconstruire quelque chose. C’est toute l’aventure des relations bilatérales : pragmatique, pas drôle, pas romantique, mais tellement fondamentale.

    Il faut avoir vécu ces négociations si prosaïques, où nos diplomates ont souvent été brillants d’ailleurs, pour saisir à quel point, en politique (pour ceux qui en auraient encore douté) tout n’est que rapport de forces. Or, à ce jeu-là, dans cette affaire, la petite Suisse a beaucoup obtenu de la grande Europe. Pourquoi s’en plaindre ? Mieux : cette voie bilatérale, tout ennuyeuse et besogneuse qu’elle soit, se trouve avoir l’heur de plaire au seul souverain de ce pays, le peuple. Les grands rêves multilatéraux n’ont pas la même chance.

    Petit pays, la Suisse vit de ses échanges. De l’ouverture économique, elle n’a rien à craindre. Maintes fois, par le passé, elle a su affronter, à son avantage, des situations de concurrence. Et, pendant toute son Histoire, les flux migratoires n’ont fait que l’enrichir. Alors, au printemps 2009, sauvons déjà cela. La suite, nous en parlerons plus tard.

  • Euro – Quel Euro ?



    Édito Lausanne FM – Jeudi 12.06.08 – 07.50h



    Le Parc Saint-Jacques, connais pas.

    C’est où, le Parc Saint-Jacques ? Connaissez, vous ? C’est comme Bâle. Personne ne sait où se trouve Bâle. Vous connaissez Bâle ? Moi pas.

    C’est comme la Turquie : vous connaissez la Turquie ? Ah, l’Empire ottoman, oui, la Sublime Porte, Topkapi, la Mosquée bleue, Sainte Sophie. Mais la Turquie, non, je ne vois pas. La Turquie, c’est comme la Suisse à Séville, en 1992, c’est comme la solitude, selon Bécaud : la Turquie, ça n’existe pas.

    C’est comme Alésia. Vous n’allez tout de même pas prétendre que ça existe, Alésia ! Vous y êtes déjà allé, vous à Alésia ? Vous avez déjà entendu parler du FC Alésia ? Et d’abord, c’est quoi, un FC ? C’est quoi, le football ? D’où sortez-vous tous ces mots, Monsieur ?

    C’est comme cette compétition dont tout le monde parle, ces temps, en Suisse et chez les Habsbourg : vous en avez entendu parler, vous ? Moi, pas.

    Il y a bien quelques grappes humaines qui fermentent d’ivresse dionysiaque, treize mille Tchèques, hier à Genève, le Printemps de Prague sur Rhône, sur Arve. Et puis des Portugais, par dizaines de milliers, tout le Portugal, c’est Vasco de Gama qui s’apprête à refaire le tour de l’Afrique. Jamais vu autant. Pourtant, le reste de l’année, ils sont là, aussi. Mais déguisés en non-Portugais. Alors, allez les reconnaître.

    Et puis, il y a des Turcs, aussi, des milliers de Turcs, mais autant dire qu’il n’y a personne, puisque la Turquie n’existe pas.

    Pas très simple, toute cette affaire. Il paraît même, selon certaines sources, qu’il y avait une équipe suisse. Mon excellent collègue Laurent Keller va aller interviewer un nonagénaire nommé Georges Haldas, ce matin, au Mont-sur-Lausanne, passionné de foot et de Résurrection. Pour éviter de trop froisser le cher vieil homme, je vais proposer à Keller d’axer plutôt le propos sur la Résurrection.

    Ah oui, j’y suis : le Parc Saint-Jacques. C’est un grand tombeau vide, non, quelque part au milieu de rien ?

  • Le drapeau – Quel drapeau ?


    Édito Lausanne FM – Mercredi 11.06.08 – 07.50h


    Ils fleurissent, les drapeaux, sur les murs de nos villes. C’est le printemps des fanions et des couleurs : on croirait, sur certaines façades, quelque linge napolitain, à sécher. De l’endroit où j’écris ces lignes, ce matin, j’en aperçois des dizaines : portugais, mais aussi espagnols, turcs, et même tout simplement suisses.

    Il fut un temps où le drapeau était chose sacrée. On retenait sa respiration, on hissait le pavillon, on s’emplissait l’âme de mille choses guerrières, il y avait comme une élévation sacrificielle, en défi au vent. En ce printemps 2008, on arbore le drapeau comme la couleur, au fond, d’une écurie. Quelque chose entre Ferrari et le Palio de Sienne. Ça n’est pas encore  exactement la privatisation de l’identité, mais on est déjà bien loin de l’appel mystique à la nation.

    À voir ces drapeaux suisses et portugais, ou turcs et suisses, se jouxter sur le même balcon, on se dit qu’il y a là quelque chose de fort : l’affirmation que, pour le migrant, les identités, loin de s’annuler, s’ajoutent. Suisse d’origine turque, encore Turc et déjà Suisse : il n’y a là nulle trahison, juste le chemin naturel de celui qui quitte une terre pour aller s’installer dans une autre. Et cette conjugaison des identités est, justement, l’une des richesses majeures de notre pays.

    Car la floraison la plus étonnante, depuis quelques années, ça n’est certainement pas celle des drapeaux pourtugais, ni turcs, ni français. Ce qui frappe le plus, c’est de voir éclore et s’épanouir, sans arrogance ni culpabilité, de façon décomplexée, un certain drapeau rouge à croix blanche qu’on avait longtemps cru réservé aux seuls fenêtres du 1er août. Cela a longtemps été méprisé. On nous avait même dit, en 1992, à Séville, que le pays en question n’existait pas. Cela s’appelle le drapeau suisse.