Depuis cet été, la situation de Samuel Schmid était déjà de plus en plus difficile. Là, elle devient franchement intenable. Accumulant les erreurs, ou les « oublis », attaqué de toutes parts, le conseiller fédéral a perdu le crédit nécessaire pour pouvoir, décemment, poursuivre son mandat. Dans n’importe quel autre pays du monde, un ministre acculé à une telle situation en aurait déjà tiré les conséquences. Mais la Suisse, décidément, n’est pas un pays comme un autre.
Dernier rebondissement : le ministre de la Défense a admis, hier, qu’il était au courant, en novembre 2006 déjà, de la plainte déposée contre Roland Nef. Mais il aurait, ensuite, « oublié » cette affaire ! « Moi aussi, je suis un être humain ».
Cet argument de « l’oubli » ne passera pas. L’affaire Nef est jugée, par les Suisses, comme grave, car les errances dans la vie privée du chef de l’armée suisse se doublent d’une crise majeure de notre politique se sécurité : les objectifs en sont pas clairs, les achats de chars rappellent la guerre froide. A bien des égards, par rapport à l’excellent travail de réforme engagé par Kaspar Villiger et Adolf Ogi, l’ère Schmid aura marqué une régression.
Maintenant, Samuel Schmid est un homme seul. Comme Elisabeth Kopp fut, à un certain moment, une femme seule. Qu’il y ait une certaine grandeur à se maintenir malgré tout, est tout à son honneur. Mais la politique, avant d’être une affaire morale, est un rapport de forces. Vilipendé par son ancien parti, l’UDC, attaqué par les Verts qui veulent profiter d’une vacance pour placer l’un des leurs au Conseil fédéral, le général de l’armée morte est maintenant lâché par les socialistes.
Déjà, on parle de ne pas l’élire, cet automne, à la vice-présidence du Conseil fédéral. Mais ce terme même est bien lointain. A coup sûr, en coulisses, c’est la succession du Bernois qui capte les attentions. Combien de temps tiendra-t-il encore ? Avec quelle marge de manœuvre politique ? Quelle autonomie de décision ? Quelle crédibilité ? Quelle vision d’avenir pour notre politique de sécurité ? Ce sont là les vraies questions, bien au-delà des péripéties de la vie privée de Monsieur Nef.
Pascal Décaillet