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Liberté - Page 1149

  • Caesar pontem fecit


    Commentaire publié dans le GHI - 10 et 11 avril 2013


     
    Il m’a toujours semblé, mais c’est sans doute une immense naïveté, que la finalité d’un pont, depuis César, consistait à pouvoir passer d’une rive à l’autre. Du Rhône au Rhin, du Pont d’Arcole aux limons du Mékong, des eaux du Nil à celles de la Vistule, cette loi élémentaire du génie me semblait avérée. Las ! C’était avant Madame Künzler et ses puissants réseaux de l’immobilité. Oui, comme en physique, il y a le temps du mouvement et celui de l’arrêt : nos autorités ont clairement tranché en faveur du second. A Genève, il convient que rien ne bouge.


     
    Ainsi, grâce à une Fondation et à un illustre horloger, nous bénéficions depuis peu, sur l’Arve, entre le Quai Ansermet et les Vernets, de l’une des plus belles passerelles d’Europe. La nuit, illuminée de rouge, elle rend jalouse la Voie lactée. La chaussée est large, la circulation aisée. Pour nos extatiques de l’immobilité, c’en était trop : il convenait d’agir. Entendez, de bloquer tout ça.


     
    Chose dite, chose faite. Dégorgeant Plainpalais, la rue de l’Ecole de Médecine était, à vitesse convenable en milieu urbain, la voie de transit idéale pour accéder au pont. Elle ne l’est plus. Cette rue, et sa perpendiculaire de Carl-Vogt, sont désormais promises aux délices du bouchon. Le bruit que, peut-être, les autos feront moins, les fêtards des lieux auront tout loisir de le compenser. Merci, qui ?

     
     
    Pascal Décaillet

     

  • France : revoici le temps des Epurateurs

     

    Sur le vif - Mercredi 10.04.13 - 13.06h

     

    Panama, Dreyfus, Stavisky: j'ai étudié de très près, dans ma jeunesse, ces trois grandes affaires françaises. Sur la deuxième, j'ai réalisé en juillet 1994 une série historique de plusieurs heures, "Dreyfus, la belle Affaire", à la RSR. Pour cela, j'ai lu des milliers de journaux de l'époque, que j'ai encore dans l'un de mes greniers.



    A chacune de ces affaires, il y a l'histoire elle-même des protagonistes. Et puis, autour, comme une poudre qui se répand, il y a le révélateur de la société (française, en l'espèce) de l'époque. Par exemple, l'antisémitisme. Ou la haine des riches.


    Je commence à croire qu'avec Cahuzac, nous sommes partis vers le même schéma. Il y aura l'affaire Cahuzac elle-même, le procès Cahuzac, le destin personnel de M. Cahuzac, nous verrons tout cela. Et puis, dans le soufre exalté de la périphérie, il y aura - il y a déjà - ce qu'il faut bien appeler l'hystérie fiscale. Je descendais dans les Bouches-du-Rhône, pour un aller-retour de 48 heures, mardi dernier, 2 avril, le jour où l'affaire a éclaté. Écoutant en boucle les réactions sur toutes les chaînes de radio françaises, j'ai eu l'impression qu'on parlait d'un tueur en série. Les mots utilisés à l'endroit de l'ex-ministre du Budget étaient du même type !


    En boucle, en incantation, des centaines de fois, sur BFM-TV, le soir, tous répétaient: "Il a menti à la représentation nationale". Comme s'il avait tiré dans la foule, sur les Champs-Elysées, à l'heure de pointe. Comme s'il s'agissait d'un très grave criminel.



    Hier soir, à Infrarouge, chez nous en Suisse cette fois, retour de cette hyperbole. Avec Ada Marra, qui n'est pas Madame tout le monde, mais l'un de nos 246 parlementaires fédéraux, traitant de "criminels" les gens qui ne paient pas l'impôt.


    Oui, nous sommes partis dans une période d'hystérie. Je ne prends position, ici, ni sur le principe d'évasion des capitaux, ni sur les fautes (réelles) de M. Cahuzac. Juste sur la poudrière du discours. Comme après 1793, comme en 1944-45, comme tant de fois dans l'Histoire de France (et la Suisse n'est pas vraiment en reste), on va dénoncer, pourchasser, épurer. Ca n'est pas la France que j'aime. Et je l'aime, ce pays, croyez-moi.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Torrents de haine

     

    Chronique publiée dans Lausanne Cités - Mercredi 10.04.13


     
    Libre à chacun de nous d’aimer ou non Margaret Thatcher. Quittant ce monde, elle laisse une mémoire divisée sur son action politique, les uns l’adulent comme une femme d’Etat incomparable, les autres la conspuent pour la dureté de son cœur, à l’heure des choix. Mais une chose, clairement, ne va pas : dès l’annonce de son décès, lundi 8 avril, 14h, sur nos blogs et nos réseaux sociaux de l’arc lémanique, les torrents de haine et de fiel, le manque de respect devant la mort. L’explosion vengeresse, expectorée, d’une violence blanche, celle que rien ne retient, comme une lettre de cachet pour la damnation.


     
    Quelque chose ne va pas, parce que l’annonce d’un décès, même celui de votre pire ennemi, doit vous inspirer, au moins un temps, une période de vide et de recueillement. Il ne s’agit pas de Mme Thatcher. Il s’agit du mystère de la mort. Aujourd’hui, la sienne. Demain, celle de nos proches, un jour la nôtre. On ne crache pas sur un cadavre. Et aucun de nous, humains, n’a à statuer sur l’avenir céleste ou infernal des âmes. Cela n’est pas de notre ressort.


     
    La palme ? Elle revient au caricatural Mélenchon, promettant l’Enfer à la défunte, dans ce vocabulaire de manichéisme, avec sa noirceur populiste, où il est passé maître. Assurément, en disciple de Saint Dominique au Tribunal de l’Inquisition, notre homme eût été à son aise. L’index en érection vers le mal absolu.



    Pascal Décaillet