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Liberté - Page 1029

  • Les Communes face au Régent : colère légitime

     

    Sur le vif - Jeudi 30.10.14 - 14.30h

     

    Les Communes genevoises sont en colère. Et elles ont raison. La manière dont le Régent François Longchamp leur applique le pistolet sur la tempe pour qu’elles répondent toutes affaires cessantes à un questionnaire particulièrement orienté et dirigiste sur l’avenir des relations entre le Canton et ses 45 Communes, n’est pas acceptable.

     

    Les Communes y sont traitées comme des enfants, le Régent leur fixe un devoir à domicile décidé par lui-seul, il établit tout seul des délais, et prépare la règle de plomb pour taper sur des doigts de ceux qui ne rendraient pas leur copie à l’heure. Le Régent infantilise les 45 Maires du Canton, et leurs collègues des Conseils administratifs. Il invente, tout seul, une représentation du monde inspirée de la préfectorale française, celle des Jacobins et des directives qui pleuvent du Ministère de l’Intérieur. Le Régent serait-il nostalgique des années 1798-1813 ?

     

    Qu’il y ait un vaste chantier à ouvrir, nul n’en doute, c’est même une obligation d’ici 2018. Oui, il y a des doublons, oui les tâches sont mal réparties, oui l’ACG (Association des Communes Genevoises) a les allures d’une nébuleuse, dont pas grand monde ne saisit exactement l’utilité. Sur le fond, le Régent n’a donc pas tort. Mais la tonalité ! Hier, que s’est.il passé ? On a littéralement MIS EN SCENE l’impérieuse nécessité de faire très vite, et aussi la prétendue négligence des Communes qui auraient tardé à accomplir, cet été, leurs devoirs de vacances. Tout cela, on s’est arrangé pour le FAIRE SAVOIR, histoire de bien montrer à quel point les services du Régent étaient fiables, et ceux des Communes, liquéfiés comme des montres molles. Cette monstration, en jouant aux Maires un véritable coup de Jarnac : eux, soumis à un embargo, n’avaient pas le droit de parler du dossier, alors que le Régent, coupant court, les grille pour mieux les mettre au pilori.

     

    La méthode est choquante. Elle révèle, une nouvelle fois, l’arrogance d’un conseiller d’Etat, toujours le même. Jamais le dossier n’aurait été traité de la sorte s’il avait relevé, par exemple, d’un Serge Dal Busco, magistrat qui allie écoute et humanité à la rigueur, comprend profondément l’échelon communal pour avoir été six fois Maire de Bernex, et d’ailleurs aussi président de l’ACG.

     

    Les Communes ne sont pas des enfants. Le Régent n’a pas à les traiter comme tels. Certes, le Canton est autorité de surveillance des Communes, mais n’a pas pour autant, avec la ficelle de questionnaires prémâchés, à organiser tout seul, d’en haut, comme on  le ferait en quelque place Beauvau, les thèmes d’une réforme certes nécessaire, mais en aucun cas avec un tel degré d’urgence. Leur colère, les Maires genevois doivent la dire clairement au Régent. Car le Grand Horloger doit commencer à comprendre, tout là-haut, qu’on n’agit pas avec les hommes et les femmes élus pour mener les Communes, avec l’insensibilité géométrique de celui qui administre un cadastre.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Ecopop : deux conseillers fédéraux perdent les pédales

     

    Sur le vif - Lundi 27.10.14 - 12.18h

     

    Chaque citoyenne, chaque citoyen de notre pays a le droit de penser ce qu’il veut d’Ecopop. Et de voter ce qu’il veut. Nous avons face à nous un texte, avec des propositions de changement de la Constitution. Ce texte, voulu au départ par un comité restreint, se trouve avoir recueilli plus de cent mille signatures. Il nous faut maintenant voter. Il n’y a là rien de bizarre, rien d’anormal, rien de diabolique : c’est juste le lot de notre ordre démocratique, qui prévoit expressément le droit d’initiative. Pourquoi faudrait-il faire grief à nos concitoyens de s’en servir ?

     

    Dès lors, il est particulièrement choquant d’entendre deux conseillers fédéraux, dont j’admire au demeurant l’intelligence et la tenue, déraper gravement. Simonetta Sommaruga, s’exprimant sur ce texte ayant franchi tous les obstacles pour être soumis au souverain (y compris les désormais routinières tentatives d’invalidation), le traite de xénophobe. L’accusation n’est pas banale, elle est même lourde. La xénophobie, étymologiquement peur de l’étranger, est perçue aujourd’hui dans le sens public comme un dénigrement méprisant de ce même étranger. Une stigmatisation. Désolé, j’ai beau lire et relire le texte qui propose une limitation des flux migratoires, je n’y vois strictement rien qui soit de nature à dévaloriser l’Autre (ce que je détesterais) dans l’essence même de son altérité.

     

    Mais il y a pire : en taxant l’initiative de « xénophobe », la conseillère fédérale adresse implicitement le même grief aux plus de cent mille compatriotes qui ont signé le texte, et aux plusieurs centaines de milliers qui le voteront le 30 novembre. Qu’un membre de notre gouvernement se permette un tel jugement de valeur sur des compatriotes citoyens ne faisant (comme on les y invite) que répondre (en l’espèce, par oui) à une question qu’on leur pose, n’est pas admissible. Et dévoile un peu plus le fossé entre nos gouvernants et la masse des citoyens.

     

    L’autre conseiller fédéral qui dérape, c’est Alain Berset. Croyant bon de parodier la célèbre remarque concernant l'exécution du Duc d'Enghien (1804), le très bienpensant Fribourgeois nous déclare qu’Ecopop « est plus qu’un crime, c’est une faute ». Diable ! Voilà donc le corps souverain des citoyens, celui qui dans notre pays décide en ultime recours (et attend avec impatience, en passant, qu’on applique sa décision du 9 février) mis en demeure, par l’Eminence Berset, d’éviter le péché. Voilà, nous prêche-t-on de Très Haut, ce qui est juste et bon, et voilà ce qui ne l’est pas.

     

    Citoyennes, citoyens de ce pays, votez ce que vous voulez sur Ecopop. Mais de grâce, votez en conscience, et en toute liberté. Une initiative est une affaire du peuple avec le peuple. Elle n’est pas celle des conseillers fédéraux, ni des parlementaires. Surtout lorsque du Ciel on vous pointe, d’un index divin, le droit chemin, ou celui de la faute. Dans notre démocratie directe, il n’y a ni Paradis, ni Enfer. Juste des citoyens libres, face au destin du pays.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pour la primauté du droit national

     

    Sur le vif - Samedi 25.10.14 - 17.42h

     

    J’ai toujours été favorable à la primauté du droit national. Comme je suis Suisse, je parle ici de la primauté du droit suisse. Si j’étais Français ou Grec, je parlerais de la primauté du droit français, du droit grec, etc. Parce que pour moi, l’idée de souveraineté nationale n’est pas un vain mot. A l’heure des empires, des conglomérats multilatéraux, des juristes internationaux, de la mondialisation du Capital, l’idée de nation, loin d’être archaïque, m’apparaît plus moderne que jamais. Par « nation », n’entendez chez moi ni violence, ni conquête. Juste le droit de chacun à disposer de lui-même. Sans remonter à la saisissante Histoire de la Révolution française de Jules Michelet, permettez-moi juste de vous renvoyer à l’un des plus éblouissants discours de Charles de Gaulle (avec celui de Bayeux) : le discours de Brazzaville. Le 30 janvier 1944, en pleine guerre, quinze ans avant la décolonisation, le chef de la France libre y proclame, avec une rare puissance de prophétie, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

     

    Ce droit, pour toutes les nations de la terre, j’y crois intensément. Entre autres, pour la Suisse. Elle n’est, sur la surface du globe, qu’une péripétie de surface. Mais il se trouve que ce petit pays occupe dans mon cœur une place de choix, pour la simple raison, certes plus viscérale qu'intellectuelle, qu'il est le mien. Hasard de la naissance, certes : je n’ai jamais prétendu au mondial, ni à l’universel. Je crois beaucoup plus à l’attachement tellurique, sentimental, à un coin de paysage qu’aux grands concepts planétaires. Je préfère trois pages de Barrès à n’importe quel rapport de l’ONU. Donc, il se trouve que je suis Suisse, et que c’est dans le périmètre de ce pays que s’exerce ma citoyenneté. Je vote en Ville de Genève, dans le Canton de Genève, et à l’échelon de la Confédération. Ce sont bien là les trois seules instances qui, quatre fois par an, me demandent mon avis. Comme je suis un type réglo et que je m’acquitte toujours de mes devoirs, je le donne, mon avis. Sous la forme d’un vote.

     

    L’UDC aujourd’hui, à Rothenthurm (je doute que ce haut lieu d’une initiative de gauche, dans le canton de Schwytz, approuvée par le peuple et les cantons le 6 décembre 1987, ait été choisi au hasard), a voté à l’unanimité de ses 401 délégués le lancement d’une initiative « pour la primauté du droit suisse sur le droit international ». Je vous le dis tout de go, j’approuve cette initiative. Je suis persuadé qu’elle récoltera les signatures nécessaires, et qu’un beau jour, le peuple et les cantons se prononceront sur elle. D’ici là, inutile de dire qu’elle va devoir passer par les lazzis et les quolibets des grands docteurs apôtres du « droit supérieur », ils vont tout faire pour tenter de l’invalider, la plupart des partis, l’Assemblée fédérale, le Conseil fédéral recommanderont son rejet. Tout cela, il faudra comme d’habitude le supporter. En ne gardant en tête que l’objectif final : le passage devant le seul souverain qui vaille, le suffrage universel.

     

    La question est simple : voulons-nous exister, face au concert des nations, comme un pays souverain ? Pour ma part, vous ne m’en voudrez pas trop, je réponds oui. Faisons-nous confiance à notre peuple pour décider de nos lois ? Je réponds oui. Devons-nous accepter que puissent exister, au-dessus des lois que, souverainement, nous nous donnons, des lois, qui auraient force supérieure ? A cette question majeure, à laquelle d’aucuns (et je les respecte) répondent oui en fonction de la dimension multilatérale du monde, pour ma part je réponds non. Parce qu’il devient de plus en plus insupportable d’entendre d’éminents juristes vouloir invalider des initiatives dûment munies des signatures requises, sous le prétexte qu’elles contrediraient le « droit supérieur ». Eh bien, qu’elles le contredisent !

     

    La volonté souveraine exprimée en votation par le peuple de mon pays m’importe autrement davantage que les accords passés par des juristes, sans la moindre onction de légitimité, au-dessus de la tête de notre souverain. J’exprime là un point de vue assez radical, j’en conviens, je sais que l’opinion contraire existe, et n’est pas avare de bons arguments. Eh bien, lançons le débat. Parce que la citoyenneté, ça n’est pas se taire. Ni raser les murs. Ni se courber devant la doxa dominante d’un moment. Non, être citoyen, c’est oser. Donner son avis. Participer. Et puis, un beau jour, le peuple tranche. Et son verdict, il nous faut l’accepter. Pour la seule raison qu’il est ultime. Pour ma part, j’entends qu’il le reste. Je retourne à Barrès. Les rapports de l’ONU, je le les lirai dans une autre vie. Ou à la Trinité.

     

    Pascal Décaillet