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Liberté - Page 1029

  • L'enfer, c'est la Suisse

     

    Chronique publiée dans Lausanne Cités - Mercredi 11.06.14


     
    Prenons un Milanais qui passe le Simplon, pour se rendre à Lyon. Ou un Allemand, qui descend en Provence, via notre pays. Pour ces deux voyageurs, l’enfer c’est la Suisse, En France, en Italie, les autoroutes sont magnifiques. Larges, spacieuses, avec des panneaux qui vous tiennent au courant de tout ce qui se passe, travaux annoncés vingt kilomètres à l’avance, déviations, et même conseils, toujours amicaux et respectueux, sur la nécessité de faire régulièrement des pauses, respecter les vitesses, etc.


     
    Oui l’enfer, c’est la Suisse romande. En débouchant sur l’autoroute valaisanne, direction Vaud, notre Lombard fera l’apprentissage des bouchons, sans aucun accompagnement explicatif, il devra payer un franc (ou un euro) pour se soulager. Notre Germain, dès la jonction au-dessus de Vevey, à la fin du toboggan, découvrira, en même temps qu’un paysage de rêve, l’étroitesse des autoroutes des années soixante, la menace écrite et affichée de lui retirer son permis alors qu’il n’a pas encore vraiment roulé, la circulation en accordéon ne lui laissant guère le loisir de dépasser les limites.


     
    En France, en Italie, on accueille le voyageur. On l’informe. On l’accompagne. On le traite en adulte. En Suisse, on le menace, avec ce ridicule panneau vaudois affichant le nombre de permis retirés. On l’infantilise. En ne lui offrant que des chaussées étroites et vieillottes. Triste image de notre pays, de sa capacité d’accueil, de son rapport à l’autre. A améliorer, d’urgence.


     
     
    Pascal Décaillet

     

  • Brahms, la solitude...

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mardi 10.06.14

     

    J’aime les hommes seuls. Ou plutôt, la dimension de solitude des humains. Rien ne m’est plus étranger que les foules. Rien ne m’est plus barbare que leurs hurlements. L’homme est un être social, nous dit Aristote, et c’est pour cela que j’écris cette chronique, et que peut-être vous me faites l’amitié de me lire. Grâce à toute une chaîne de personnes, techniciens, rotativistes, qui auront fait venir ce journal dans vos mains. L’être social oui, lorsqu’il se rend utile, nous fait vivre des émotions communes, joue dans un orchestre, conduit une locomotive, prépare nos repas, veille dans vos nuit d’hôpitaux pour vous prendre la tension. L’être social, dans la chaîne de solidarité. Mais au fond, chacun de nous est seul.

     

    La solitude n’est pas l’isolement. Elle n’empêche ni la relation amoureuse, ou amicale, ni l’affection familiale, ni la présence hebdomadaire dans une chorale ou sur un terrain de sport. Reconnaître sa solitude fondamentale n’est en rien une entrave à la vie sociale, bien au contraire. Ce qui tue le groupe, c’est l’illusion qu’il pourrait, parce qu’il est multiple, rassurant, conjurer les fondements de nos solitudes. Alors qu’au mieux, il ne contribue qu’à les masquer provisoirement. L’homme est un être social, « zoon politikon », un animal aventuré dans la citoyenneté, oui, les humains vivent ensemble, « les uns contre les autres », rares sont les ermites. Et pourtant, chacun de nous est seul.

     

    Seule cette dimension m’intéresse chez mes frères humains. Chacun de nous est alternativement seul ou dans la société, eh bien disons que c’est la première des deux situations qui retient mon attention. « Les hommes, il conviendrait de ne les connaître que disponibles. A certaines heures pâles de la nuit. Près d’une machine à sous. Avec des problèmes d’hommes. Des problèmes de mélancolie » (Léo Ferré). J’aime que se cisèlent dans mon regard des silhouettes isolant l’individu. Dès que la même personne, à un autre moment de sa journée, rejoindra son club de foot, son groupe parlementaire ou sa sortie de contemporains, elle cessera de m’intéresser. A moins, bien sûr, qu’elle ne chante dans un chœur. Allez disons Brahms, un Requiem allemand. Comme si le simple et le complexe, par le génie d’un homme, parvenaient parfois à ne faire qu’un.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Thomas Bläsi, émergence d'un homme libre

     

    Sur le vif - Vendredi 06.06.14 - 09.55h

     

    Au Parlement, ne craignant ni solitude, ni adversité, défendant ses valeurs et ses convictions profondes, émerge Thomas Bläsi. Comme Cyril Aellen (et quelques autres), un homme qui existe par lui-même. Et non par la simple appartenance, oh cette éternelle impasse grégaire, au groupe. Ni la docile obédience à un magistrat. Ces deux-là, et donc quelques autres, par leur fibre et leur indépendance, font vivre le législatif dans sa vocation de contrôle et de premier pouvoir.

     

    Hélas, face à eux, combien de tifosi de leurs ministres, combien de pom pom boys, ou girls, de leur écurie, de leur chapelle. Prêts à tout pour éviter la transparence, si par malheur cette dernière devait s'appliquer à leur conseiller d'Etat. Leur vraie loi, à eux, n'est pas la République, mais l'appartenance. Ce sont des claniques. Des féodaux. Des vassaux fantômes.

     

    Trop d'hommes aujourd'hui, tous domaines confondus, manquent cruellement d'indépendance et de puissance de solitude. Auraient-ils peur d'eux-mêmes ? A se fondre dans la masse, ils croient trouver la survie. Ils n'y rencontreront que la dissolution. Pour ma part, en littérature comme en politique, en musique comme en poésie, et même dans l'itinérance recommencée, j'aime le profil qui se cisèle. Seul, face à la totalité opaque de la masse.

     

    Pascal Décaillet