Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Liberté - Page 1031

  • 9 février : ça n'est pas un combat gauche-droite

     

    Sur le vif - Mardi 04.02.14 - 17.31h

     

    La votation du 9 février « contre l’immigration de masse » n’est pas un combat gauche-droite. Les lignes de fracture sont ailleurs. D’abord, clairement, au sein de la droite, entre l’aile libérale, libre-échangiste, et le courant protectionniste. Et puis, il existe – ou plutôt, il devrait exister, beaucoup plus – une ligne de front interne à la gauche, entre les sociaux-démocrates, avec leurs alliés Verts, et une gauche minoritaire (sauf au Tessin !) sensible à la protection des résidents et ne croyant plus du tout aux promesses de mesures d’accompagnement. Nous parlons ici des appareils de partis, persuadés que le vote de l’électorat profond de la gauche suisse pourrait, dimanche, nous jouer quelques tours.

     

    A droite, la ligne de fracture est claire. Entre deux univers parfaitement respectables, les libéraux et les « nationaux ». Deux mondes qui se rejoignent sur la sécurité, les finances publiques, la fiscalité, ce qui est déjà énorme. Mais qui différent sur l’idée de frontière, celle de souveraineté, la protection de l’emploi pour les résidents, le statut spécial de l’agriculture, l’usage de la démocratie directe. Contre la gauche, dans les cantons et au niveau fédéral, ils s’allient la plupart du temps. Mais sur les thèmes où ils divergent, la bataille est toujours très rude. Parce qu’elle engage le pays, son indépendance, son rapport à l’étranger, toutes choses qui remuent les âmes des patriotes que nous sommes tous. Car de gauche ou de droite, libéraux ou protectionnistes, nous sommes tous enfants d’une même matrice. Pour y être nés, ou pour l’avoir choisie, ou pour en avoir un jour été adoptés, peu importe.

     

    A l’intérieur de la droite, celui qui gagnera la bataille du 9 février prendra une option sur l’avenir de la politique suisse. C’est le rapport de forces entre ces deux courants d’une même famille qui, pour les années qui viennent, se joue. Cela n’est donc pas rien. En précisant que nulle victoire – dans un sens comme dans l’autre – ne saurait se construire sur l’humiliation de l’adversaire. Le 9 février au soir, il faudra, de part et d’autre, que des mains sachent se tendre à d’autres mains. C’est cela qui a fait notre pays. Cela, dès le lundi 10 février, qui doit demeurer.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Mesures d'accompagnement : l'Arlésienne de la droite libérale

     

    Sur le vif - Lundi 03.02.14 - 13.14h

     

    A quelques jours du verdict du peuple et des cantons, le camp du non semble pris de panique. Il a d’ailleurs tort, car rien n’est joué, ni dans un sens ni dans l’autre, et je serais totalement incapable de vous livrer le moindre pronostic. Il panique, un peu à cause de la deuxième vague de sondages, mais surtout parce qu’il commence à se rendre compte de la faiblesse et des limites de son argumentaire. Passons sur le grief de « xénophobie », nous l’avons maintes fois démonté, il est hors-sujet, et les leaders du camp du non le savent très bien. Lisons le texte : il s’agit de contrôler les flux migratoires, nulle déconsidération de l’étranger en tant que tel ne s’y trouve. Mais venons-en à cette rengaine qui n'en peut plus de nous brandir l'épouvantail d'une « fermeture des frontières ». Où ont-ils lu cela ? Nulle fermeture, juste une régulation.

     

    Les citoyennes et citoyens de notre pays sont des gens parfaitement intelligents. Ils savent lire. Ils font la différence entre fermeture et régulation. Ensuite, on peut contester le principe même de régulation, notamment l’idée de contingents, et c’est précisément sur cela qu’aurait dû porter le débat. Il n’y est venu que fort tard, une fois évaporés dans l’éther les premiers argumentaires, qui n’avaient simplement pas la solidité nécessaire pour tenir. Oui, les opposants se sont trompés de campagne. Oui, ils ont englouti des millions à mauvais escient. Beaucoup d’entre eux, à qui je parle, le reconnaissent d’ailleurs.

     

    L’opposition de gauche s’étant évanouie (vous allez voir, le nombre de gens de gauche qui vont voter oui, et pas seulement au Tessin), demeure la seule vraie ligne de force du camp du non : le PLR, avec ses alliés les patrons, ou plutôt un certain patronat, parce qu’il sera, dans les analyses VOX, diablement intéressant de jauger le vote des tenanciers de PME, et même du gros des troupes de l’USAM. Le grand patronat, donc, celui qui met les millions dans les pages complètes de vos journaux, ainsi que le Conseil fédéral, ainsi que les conseillers d’Etat PLR, ne cessent de nous dire que dès le lundi 10 février à 8 heures du matin, ils se mettront au boulot pour les mesures d’accompagnement. Et là, ça va barder ! On va voir ce qu’on va voir ! Pierre Maudet, premier flic de Genève et bizarrement aussi ministre de l’Economie, nous promet, tambour battant, un contrôle généralisé de toutes nos entreprises.

     

    Je ne doute pas de la sincérité de Pierre Maudet. Mais ce camp du oui, celui de la droite patronale, la droite de l’Argent, on a quand même envie de lui dire que les mesures d’accompagnement, ça fait dix ans qu’ils pouvaient s’en occuper. Depuis l’entrée en vigueur des bilatérales ! Or, le collègue de parti et de Conseil d’Etat de Pierre Maudet, le PLR François Longchamp, qui fut six ans (de 2005 à 2012) aux Affaires sociales, qu’a-t-il concrètement fait dans ce domaine ? A la vérité, ce conseiller d’Etat a soutenu à fond l’idéologie du libre-échange, la libre circulation sans entraves, sans compter l’apologie du Grand Genève. Alors, venir maintenant nous promettre des contrôles draconiens, dès le 10 février, sur le marché du travail, désolé Messieurs, mais c’est un peu tard. Les syndicats, la gauche, mais aussi la droite protectionniste, les réclament depuis une décennie. Pendant ces dix ans, vous n’avez pas bougé. Vous avez, tout au plus, fait semblant. Il faudra sans doute, le 9 février, en payer le prix.

     

    Pascal Décaillet

     

  • 9 février : l'auto-goal de Mme Calmy-Rey

     

    Sur le vif - Dimanche 02.02.14 - 14.53h

     

    Je me souviens comme d'hier de ce 18 mai 1992. J'étais correspondant de la RSR au Palais fédéral. Nous avions à l'époque nos bureaux juste sous la Coupole du Palais fédéral, donc en trente secondes nous étions au Conseil national ou au Conseil des Etats, pour discuter avec les politiques. Je me souviens du nom de mon confrère de DRS qui avait sorti le scoop à l'émission "Rendez-vous am Mittag": il s'appelait Ruedi Maeder.



    Le scoop, c'était la demande d'adhésion de la Suisse à ce qu'on appelait encore la Communauté européenne. A six mois de la votation du siècle, celle sur laquelle nous étions déjà tous, l'Espace économique européen (6 décembre 1992) !



    Si le Conseil fédéral avait voulu saper la votation sur l'EEE, il ne s'y serait pas pris autrement. Deux semaines avant ce 18 mai 1992, je m'étais rendu à Porto, avec Delamuraz et toute une cohorte de gens, pour le paraphe officiel de l'EEE. Les esprits étaient bien tournés, y compris en Suisse, en faveur de l'Accord. Nous pensions que la confirmation par le peuple, le 6 décembre suivant, ne serait qu'une formalité. Nous eûmes tort.



    Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'en demandant l'adhésion à six mois de la votation sur l'EEE, le Conseil fédéral de l'époque a commis une erreur stratégique majeure. Il a braqué tous ceux qui, favorables à un Accord strictement économique, ne voulaient pas entendre parler d'une entrée de la Suisse dans la Communauté européenne. Du coup, ils ont voté non à l'un pour éviter qu'on ne se précipite vers l'autre.



    En ce dimanche 2 février 2014, vingt-deux ans plus tard, en lisant les propos de Micheline Calmy-Rey dans le Matin dimanche, où elle envisage la piste de l'adhésion à une semaine d'une votation très fragile pour les deux camps, très serrée, où il est question de nos relations avec Bruxelles, je ne puis exclure qu'elle commette un auto-goal aussi phénoménal que celui du Conseil fédéral, ce 18 mai 1992.

     

    Comme partisan du oui, je l'en remercie très chaleureusement.

     

    Pascal Décaillet