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Brahms, la solitude...

 

Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mardi 10.06.14

 

J’aime les hommes seuls. Ou plutôt, la dimension de solitude des humains. Rien ne m’est plus étranger que les foules. Rien ne m’est plus barbare que leurs hurlements. L’homme est un être social, nous dit Aristote, et c’est pour cela que j’écris cette chronique, et que peut-être vous me faites l’amitié de me lire. Grâce à toute une chaîne de personnes, techniciens, rotativistes, qui auront fait venir ce journal dans vos mains. L’être social oui, lorsqu’il se rend utile, nous fait vivre des émotions communes, joue dans un orchestre, conduit une locomotive, prépare nos repas, veille dans vos nuit d’hôpitaux pour vous prendre la tension. L’être social, dans la chaîne de solidarité. Mais au fond, chacun de nous est seul.

 

La solitude n’est pas l’isolement. Elle n’empêche ni la relation amoureuse, ou amicale, ni l’affection familiale, ni la présence hebdomadaire dans une chorale ou sur un terrain de sport. Reconnaître sa solitude fondamentale n’est en rien une entrave à la vie sociale, bien au contraire. Ce qui tue le groupe, c’est l’illusion qu’il pourrait, parce qu’il est multiple, rassurant, conjurer les fondements de nos solitudes. Alors qu’au mieux, il ne contribue qu’à les masquer provisoirement. L’homme est un être social, « zoon politikon », un animal aventuré dans la citoyenneté, oui, les humains vivent ensemble, « les uns contre les autres », rares sont les ermites. Et pourtant, chacun de nous est seul.

 

Seule cette dimension m’intéresse chez mes frères humains. Chacun de nous est alternativement seul ou dans la société, eh bien disons que c’est la première des deux situations qui retient mon attention. « Les hommes, il conviendrait de ne les connaître que disponibles. A certaines heures pâles de la nuit. Près d’une machine à sous. Avec des problèmes d’hommes. Des problèmes de mélancolie » (Léo Ferré). J’aime que se cisèlent dans mon regard des silhouettes isolant l’individu. Dès que la même personne, à un autre moment de sa journée, rejoindra son club de foot, son groupe parlementaire ou sa sortie de contemporains, elle cessera de m’intéresser. A moins, bien sûr, qu’elle ne chante dans un chœur. Allez disons Brahms, un Requiem allemand. Comme si le simple et le complexe, par le génie d’un homme, parvenaient parfois à ne faire qu’un.

 

Pascal Décaillet

 

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