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Sur le vif - Page 901

  • Pierre Maudet, un destin

     

    Lundi 18.06.12 - 07.54h

     

    « Le sel républicain de l'aventure », titrais-je ici même il y a deux mois, lorsque Pierre Maudet se lançait dans la course. Le voici maintenant, à 34 ans, conseiller d'Etat et déjà ancien maire de Genève : à coup sûr, un destin. Une campagne époustouflante, nourrie de courage et de ruse odysséenne (« J'ai bien conscience de n'être point le favori »), propagée par le réseau Maudet.com, slogan que nous avons lancé ici, sur ce blog, et qui apparaît même, ce matin, dans l'éditorial du principal propagandiste de Maudet.

     

    La victoire de l'éternel jeune prodige radical est non seulement imprévue, mais aussi d'une ampleur saisissante. Voilà donc un nouveau conseiller d'Etat parfaitement légitimé, avec en plus une bonne participation. Qu'on aime ou non Maudet, qu'on ait apprécié ou non son style de campagne, il faut s'en réjouir pour Genève. Parce que ce Conseil d'Etat-là, qui traîne la patte et tire la langue, assurément l'une des plus mauvaises équipes depuis la guerre, a besoin d'un électrochoc. Ce sera la mission de Pierre Maudet.

     

    De la journée d'hier, ces deux heures folles d'émission, dans la fournaise de la Cour de l'Hôtel de Ville, je retiendrai le magnifique sourire de belle perdante d'Anne Emery-Torracinta, les attaques parfaitement légitimes de Romain de Sainte Marie contre un journal bien précis, l'extraordinaire implantation du MCG dans les communes suburbaines populaires, qui laisse entrevoir un résultat redoutable lors de l'élection d'octobre 2013 au Grand Conseil. Mais aussi, la rivalité Genecand-Fiumelli pour la succession Maudet en Ville, l'annonce d'un Messie PDC pour tenir ce rôle, la promesse du MCG (Carlos Medeiros) de soutenir un UDC pour lui rendre la monnaie de la pièce, et plein d'autres instants d'émotion et de vérité. C'était un beau moment républicain, à l'endroit où il fallait être, l'Arche sainte de nos institutions.

     

    Comme un remplaçant qui surgit du banc de touche, tout frais dans l'océan de fatigue des autres, Maudet va donc débouler au Conseil d'Etat. Puisse ce collège médiocre, qui n'a pas fait ses preuves, avoir la sagesse de lui confier les rênes du Département le plus dur, le plus exposé, celui du plus grand défi et du plus grand enjeu. Car le PLR, avec deux magistrats radicaux forts et une libérale très faible, ne peut se permettre le moindre échec d'ici l'automne 2013. Il dispose désormais de tous les leviers du pouvoir.

     

    À observer, de très près, le duo que formeront les deux radicaux, assurément les deux hommes forts pour les seize mois qui restent. Beaucoup d'intelligence, chez ces deux hommes, mais le risque énorme du gouvernement par le réseau et les copains. Nous avons affaire au mieux à une équipe de grognards soudés par les combats communs, au pire à l'un des clans d'intérêts les plus redoutables de la République, avec pouvoir de nommer, dégommer, nuire à des entreprises privées pour y installer l'Etat des vassaux. Si Pierre Maudet - que nous voulons  croire, ce matin, encore étranger à ces pratiques-là - devait peu ou prou s'y tremper, alors nous le dénoncerions sans faille, et la population devra en être informée.

     

    Pour l'heure, il faut souhaiter bonne chance à Maudet. Pour se faire élire, il a réussi à forcer le destin. Puisse-t-il, avec la même énergie, servir l'Etat. Les prochains mois seront passionnants.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Radio Sommaruga

     

    Sur le vif - Lundi 11.06.12 - 08.30h

     

    "Partenariat migratoire": avez-vous compté, depuis ce week-end, et par dizaines pour la seule matinale de ce lundi 11 juin, le nombre hallucinant de fois que ces deux mots ont été prononcés sur la RSR ? C'est pire que le pire des slogans, ça va clignoter de façon subliminale dans nos cerveaux pendant toute la journée: partenariat migratoire, partenariat migratoire, partenariat migratoire.

     


    En déplacement en Tunisie, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a signé avec ce pays un partenariat migratoire. Elle n'a pas omis (car elle connaît la partition, Mme Sommaruga) de prendre avec elle une équipe de journalistes du service public. Au premier plan desquels l'envoyé spécial de la RSR, tout le week-end, nous a inondé du concept de "partenariat migratoire". Ce matin, dans chaque journal, chaque flash, les deux mots incantatoires reviennent. Et maintenant, alors que j'écris ces lignes, un appel au public est lancé. On lui demande ce qu'il pense de quoi ? Du partenariat migratoire, of course !

     


    Je ne jette la pierre à personne. Correspondant parlementaire à Berne, à l'époque, j'accompagnais souvent Jean-Pascal Delamuraz dans ses déplacements à l'étranger. Et nécessairement, dans ces cas-là, sans parler du charme, de l'humour, ni de la puissance de conviction du personnage, le "journaliste accompagnateur", peut-être à son corps défendant, se trouve toujours être un peu le porte-parole du ministre. Mais là, avec cette histoire de partenariat migratoire, la RSR (je ne dis jamais RTS) se rend-elle compte qu'elle s'est superbement métamorphosée en Radio Sommaruga? Et là, une fois n'est pas coutume, ça n'est pas Carlo, mais Simonetta.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La petite leçon de morale du Dr Unger

     

    Sur le vif - Vendredi 08.06.12 - 15.55h

     

    Il m'est parfaitement égal que la députation, hier, ait « longuement applaudi », sauf UDC et MCG, la petite leçon de morale de Pierre-François Unger sur l'affiche de l'UDC. Je vais dire ici à quel point cette intervention était intempestive. Et il m'est parfaitement égal, d'avance, que cette coagulation des intérêts qu'on appelle « majorité gouvernementale » (tiens, justement, tous les partis du Grand Conseil, sauf le MCG et l'UDC), assurant sa survie sous les paravents de la morale, soit en désaccord avec moi sur ce point. Je n'écris ni pour plaire, ni pour convaincre tout le monde, même pas pour rallier des majorités : je dis, simplement, ce que j'ai à dire.

     

    L'UDC, donc, a commis une affiche. Toute personne me connaissant un peu, ou me lisant, a pu constater que la grivoiserie sexuelle n'était pas exactement mon style. La polysémique génuflexion d'une blonde, étiquetée « Isabel R. », devant une sorte de dealer multirécidiviste au visage bronzé, ne fait pas précisément partie de mon registre iconographique, ni métaphorique. Et c'est sûrement pour cela que je n'ai pas pour métier de faire des affiches.

     

    Mais enfin, de quoi s'agit-il ? D'une affiche de campagne ! Ce mode de captation des regards, dans la rue, n'a jamais eu pour fonction de faire dans la dentelle, ni de convaincre les bourgeois de salon qui, de toute façon, votent pour le PLR ou pour les Verts. Ou, s'ils sont cadres au DIP, pour le PS. Le but d'une affiche est d'attirer l'attention. En l'espèce, l'UDC a mis dans le mille. Le but d'une affiche, surtout pour un parti d'opposition, est justement de choquer la candeur patricienne du partisan du pouvoir en place. « Ah, mais comment osent-ils, ah les rustres, ah mon bon monsieur, nous sommes tombés si bas ». Depuis que les affiches existent, et déjà sous la Régence, et à n'en plus finir sous Louis XV, elles sont là pour choquer, interpeller, blesser, faire jaser, faire rire, heurter, révolter, révulser. Fonction affective, à des milliers de lieues marines du logos articulé, la disputatio cartésienne, la pesée des arguments.

     

    Retour à M. Unger. Il est incompréhensible que le chef du pouvoir exécutif ait choisi le Parlement pour dire tout le mal qu'il pensait de cette affiche. Le Conseil d'Etat dispose de ses voies d'information, en l'espèce un communiqué de presse hebdomadaire qui, en passant, suinte l'ennui, ou encore des communiqués, des conférences de presse. Au Grand Conseil, le président du Conseil d'Etat n'est pas chez lui. Il est face aux élus du peuple qui, toutes tendances confondues, constituent le pouvoir législatif. Le groupe UDC, le groupe MCG ont absolument la même légitimité que les autres. Ils n'ont pas, en ce lieu, à recevoir de quelconques leçons de morale de la part de l'exécutif. C'est même aux parlementaires, au contraire, notamment à travers les commissions de contrôle (gestion et finances) de demander des comptes aux ministres.

     

    Dès lors, il est fort singulier que le président du Grand Conseil ait laissé celui de l'exécutif faire son petit numéro, dans ce lieu-là. Ce glissement, qui fait bien vite fi de la séparation des pouvoirs, accrédite l'idée d'un Conseil d'Etat qui aurait au Parlement ses pantoufles et sa robe de chambre, y viendrait quand il lui plairait, roucouler à l'envi sa sérénade d'un soir, repartir en sifflant, le temps d'un arbitraire.

     

    L'affiche. Soit le Conseil d'Etat estime qu'elle est attaquable en justice, et alors qu'il saisisse les juges, et nous verrons bien. Soit il ne l'estime pas, et alors il n'a STRIC-TE-MENT rien à dire. Parce qu'un gouvernement n'est pas là pour faire la morale, encore moins statuer sur le bon goût, ni l'esthétisme iconographique. Il n'a tout simplement pas à se mêler d'une campagne électorale, a fortiori pour élire l'un des siens.

     

    Le plus fou, c'est que cette picaresque distorsion ait pu passer comme une lettre à la poste. Parce que c'est le bon M. Unger, avec sa bonhommie et sa moustache, et c'est vrai, j'en conviens, qu'il est diablement sympathique. Parce que c'est la leçon du Centre à la Marge. Du pouvoir en place, à l'opposition. De l'institution, à la rue. Du convenable, au vulgaire. Du langage autorisé, à la fange de l'interdit. De tous ceux qui, juste pour la façade et pour la forme, soutiennent Mme Rochat, quoi qu'ils pensent en leur for. La soutiennent, parce que la lâcher, avant novembre 2013, serait conduire tout l'édifice à l'écroulement. La petite leçon de morale sexuelle du Dr Unger n'avait, au fond, que cette fonction-là : colmater, une fois de plus, les murailles fissurées de la Citadelle en place. Pour les gueux, sur l'échelle, une petite giclée d'huile bouillante. Et pour que survive le pouvoir en place, la séminale désespérance d'une prière.

     

    Pascal Décaillet