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Sur le vif - Page 898

  • Jean-Jacques

     

    Jeudi 28.06.12 - 16.08h

     

    Passionné de textes et de livres, je ne le suis pas des commémorations. Ceux-là mêmes qui, aujourd'hui, chantent Rousseau, comment l'eussent-ils traité de son vivant ? Et Koltès, et Genet, et les premiers écrits de Gide, vous croyez qu'ils les auraient repérés ? Et les chroniques de Cingria, éparses, semées au vent, enfin rassemblées par un travail de titans, à l'Âge d'Homme ? Oui, je considère Jean-Jacques, avec Gide et Céline, comme l'un des styles les plus éblouissants de langue française. Non, je n'irai pas dans leurs officialités. Cela suinte trop la récupération. Le compost.

     

    Il n'y a qu'un seul hommage à rendre à un auteur : le lire. Ou lire l'exceptionnel Starobinski, l'homme qui a le mieux parlé de Rousseau. Ou aller voir ses manuscrits, à la Bodmer. Mon premier souvenir date de l'année de mes vingt-et-un ans, j'étais mal, j'ai ouvert les Confessions, dans la Pléiade, ne les ai au fond jamais refermées, ne m'en suis pas remis. Un homme parlait de lui. L'intimité d'un style. La puissance de captation de l'écriture. Il me parlait à moi, n'avait écrit ce livre que pour moi, je lisais des chapitre entiers à haute voix, j'ai dû déclamer mille fois la scène de la rupture avec Madame de Warens. En langue française, seul Gide, je veux dire avec une telle intensité, me fit cet effet.

     

    Je sais, c'est un génie universel, philosophe, pédagogue et musicien, et tant d'autres choses. Je ne veux retenir que l'écrivain et le botaniste. Pour moi, Jean-Jacques n'est pas cet homme mondial, planétaire dont parlaient déjà les révolutionnaires de 1789 et les amis d'Hegel. Il est celui qui, un jour, lorsque la nuit menaçait de l'emporter, m'a ouvert à la lumière. Pas les Lumières. Non, juste la brûlante intimité d'une minuscule.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre Maudet : excellente nouvelle

     

    Sur le vif - Mercredi 27.06.12 - 16.38h

     

    Aux premières lisières de la moiteur d'été, l'excellente nouvelle arrive, comme un électrochoc. Pierre Maudet reprend la police. C'est exactement ce que la population attendait. Pour cela qu'elle l'a élu. Et c'est, de la part du Conseil d'Etat, une décision habile et intelligente : sur le front le plus difficile, le plus exposé, c'est évidemment la relève la plus fraîche, la plus compétente, la plus motivée, qu'il faut envoyer. Nul besoin d'avoir lu Verdun ni la Somme pour le savoir.

     

    Réussira-t-il ? Il faut évidemment l'espérer. Nul, à Genève, n'aurait intérêt à un échec. Par son passé militaire, son grade de capitaine, l'homme est rompu aux fonctions régaliennes. Certains s'en plaindront, car il y aura de la rudesse bonapartiste avec cet homme-là, mais c'est un moindre mal : le nouveau ministre arrive dans un secteur où c'est l'autorité de l'Etat qui doit être rétablie. Oui, il faudra des signaux très clairs de primauté de l'autorité politique, élue, sur tout un caléidoscope de féodalités et de baronnies, dont le syndicat n'est pas le dernier.

     

    Pierre Maudet est condamné à réussir. Si c'est le cas, il sauve ce qu'il y a à sauver de l'actuel Conseil d'Etat, et peut transformer électoralement l'essai à l'automne 2013. En cas d'échec, en revanche, il perd tout. Et entraîne son camp dans la disgrâce. En cela, tout le pari de Maudet est courageux. Lui et les siens, pour seize mois, détiennent d'infinis pouvoirs dans la République. A eux d'en faire bon usage. Dans l'intérêt supérieur de la population. Et non celui de leur clan. Nous serons attentifs à cet aspect.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tornare : la leçon d'un homme en colère

     

    Sur le vif - Samedi 23.06.12 - 11.01h

     

    Dix minutes de bonheur. La leçon du vieux combattant au débutant. Mohamed Ali, qui danse, pique et vole face à un jeune boxeur, première année, encore un peu chétif. Dieu sait si j'apprécie Romain de Sainte Marie, qui est d'ailleurs resté parfaitement calme (c'est une force) pendant l'engueulade, mais là, que voulez-vous, le show ce fut Manuel, la torpille, le feu de la révolte, tous les raisins de toutes les colères. C'était hier soir, à Forum.

     

    Tornare au sommet de sa forme. Il crie ce que tout le monde pense. Parti de clans, d'apparatchiks, syndicat d'aveugles, empêtré dans l'archaïsme du discours, pétrifié dans d'ancestrales idéologies. Copinages, et ça n'est que le prénom. Hier soir, Tornare avait de son côté la révolte et l'humour, le rythme (il n'a pas laissé souffler son adversaire une seule seconde), le rebondissement, la surprise .Nous n'étions plus à Genève ni Lausanne, nous étions sur le ring face à Sonny Liston, ou Floyd Patterson, nous étions au huitième round de Kinshasa, 1974, Foreman au tapis, le titre retrouvé, la jeunesse réinventée. Nous étions sur la Meuse, mai 40, finie la Drôle de Guerre, vous voulez du mouvement, on va vous en donner.

     

    Ce fut une éclatante démonstration. Tout le monde a compris que l'adversaire du vieux lion n'était pas le jeune, sympathique et prometteur président du parti socialiste genevois (juste convoqué, le jour même de son mariage, à titre de punching-ball), mais bien le ban et l'arrière-ban de l'Appareil, la vipérine cléricature des féodaux, ceux que Tornare, meilleure locomotive électorale de Suisse romande avec Christophe Darbellay, a toujours eus contre lui. En 2009, en 2012. À coup sûr, en 2013, il les retrouvera, ces chers camarades qui entretiennent la machine à perdre avec la fièvre méticuleuse des passionnés de train électrique.

     

    Oui, Tornare, hier soir, ce fut la bête humaine. Gabin, sur sa loco, clope au bec (sorry, Dr Rielle, c'est dans le film), visage fouetté par le vent du destin. Plus rien à perdre, Manu. Marre, super-marre de cette équipe de branquignols (je cite sa pensée, of course, vous n'allez tout de même pas imaginer que je la prendrais pour mienne), alors cette fois on se fout des conséquences, on vide son sac, on fond sur l'adversaire, on calcine, on pulvérise. Le napalm.

     

    Déjà, Papy Moustache s'étrangle. Déjà, l'Appareil prépare la riposte. Déjà, l'étau se prépare pour enserrer le traître. Déjà le bûcher, pour l'exécution publique, s'apprête à se dresser. Peu importe. Hier, l'homme a dit sa colère. Elle fut saine et brûlante, la leçon, magistrale. Elle ne sera évidemment pas entendue. Déjà, les Clercs font le siège du jeune président pour exiger sanctions et réprimandes. Déjà, l'Appareil se reforme pour secréter son éternel venin. Mais nous eûmes le bonheur, hier soir, d'entendre (miracle de la radio), pour ma part c'était en cheminant au milieu des herbes fraîchement coupées, la plus belle chose depuis Achille et le siège de Troie : la lumineuse colère d'un homme.

     

    Pascal Décaillet