Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 894

  • Pour changer un peu de Pierre Ruetschi...

     

     

    Portrait subjectif - GHI - 31.05.12

     

     

    Stauffer, l'homme qui surgit

     

    Moi, je dis qu'il est italien. De ceux qu'on aime : bandit des montagnes, condottiere, rugueux, broussailleux, très famille et très folie, l'Aventura. Si Maudet est Oiseau de feu et Anne Emery-Torracinta, Femme sans ombre, alors qui donc serait Eric Stauffer ? Surgi de quelle haie, de quel noir fourré ? Compagnon du maquis qui se commet en ville, mauvais garçon en instance de repentance, homme des bois policé pour la nécessité de la manœuvre, parrain oublié qui revient pour la fête. Que faisait-il, depuis la dernière communion ? Où était-il ? Sous quel soleil, et sous quelles ombres ? Eric Stauffer, l'homme qui a le plus marqué la politique genevoise depuis 2005, haï par les uns, adulé par les siens, est avant tout un mystère. Je ne l'ai, pour ma part, jamais percé.

     

    Ne venez pas me dire que mon portrait est subjectif : il l'est ! La couleur est annoncée, c'est marqué, en haut à gauche, dans l'encadré. Et qui serions-nous, n'importe lequel d'entre nous, pour oser « objectiviser » pareil phénomène ? Il serait l'insecte, et nous entomologistes ? Philippe Morel, député PDC, brillant chirurgien qui le « connaît de l'intérieur » pour l'avoir opéré, affirme que les entrailles de son abdomen sont normales. C'est déjà ça. Pour Frankenstein, il faudra donc chercher ailleurs.

     

    Pour le reste, quoi ? Un homme qui a été, un jour, humilié (sa préventive à Champ-Dollon, qui n'a abouti sur aucune condamnation), et a décidé, avec la plus phénoménale des énergies, de prendre sa revanche. Pas sur les juges ! Encore moins sur la police, avec laquelle il s'entend comme larrons en foire. Même pas sur la droite, ni la gauche. Mais contre un certain ordre établi à Genève, oui. Il serait Edmond Dantès, ils seraient les salopards de bourgeois de Marseille, entendus entre eux, qui l'ont envoyé au Château d'If. Vrai ou faux ? Peu importe : le mythe fonctionne. Eric Stauffer n'est pas un rationnel, il accomplit le chemin d'un désir, surgi des racines. Refuser de voir cela, c'est passer à côté de l'homme.

     

    A part ça, désolé, mais enfin, qu'on l'aime ou non, quel chemin en moins de sept ans ! En 2005, le MCG, encore tout marcassin dans les sombres taillis de la politique genevoise, force la porte du Grand Conseil. Quatre ans plus tard, il place dix-sept députés, et devient, ex-aequo avec les Verts, le deuxième parti du Parlement ! En 2011, un conseiller national, Mauro Poggia. Et la montée, doucement mais sûrement, dans les communes, qui sont le plus âpre et le plus difficile, le bastion des familles, la tourelle du bourgeois.

     

    Alors oui, le bourgeois commence à prendre peur. Naguère, dans les années 1846, la colère populaire grognait de Saint-Gervais, pour menacer la rue des Granges. Aujourd'hui, elle gronde d'un peu partout. On se rassure, on se dit que le cauchemar finira. Erreur ! Le MCG n'est pas Vigilance : il ne s'abolira pas aux prochaines élections. Le 17 juin, quel résultat fera Eric Stauffer ? Nous verrons bien. Mais l'homme des bois est là, sourcil broussailleux, œil noir, impétueux désir de revanche. Insensible à la colère postillonnée du bourgeois. Impavide aux tempêtes. Même dans un verre d'eau.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Claude Torracinta, notre modèle

     

    Sur le vif - Vendredi 01.06.12 - 09.17h

     

    Parmi les innombrables personnes qui, depuis six ans, me font l'amitié d'accepter mes invitations à « Genève à chaud », mon confrère Claude Torracinta est l'un de ceux qui m'honorent le plus. Depuis très longtemps, déjà pendant les longues années de Forum, ou même lorsque je produisais le 12.30h, ou les Matinales, cette intelligence lucide et vivifiante a toujours été d'une rare disponibilité pour venir commenter l'actualité, notamment française, mais aussi suisse.

     

    Aussi loin que remontent mes souvenirs d'enfance, le visage émacié, éclairé d'un œil brillant, de ce chevalier à la triste figure, m'a accompagné. Sur les écrans noir et blanc de notre première télévision, il était, naguère, le seul (à part les courses de ski, dont j'étais fou, mais que j'allais plutôt voir sur place, avec mon père) à retenir mon attention sur la TSR, alors que les débats politiques français, déjà, me fascinaient. Pourquoi ? Mais, simplement, parce qu'il DONNAIT DU SENS à l'actualité. Non seulement la rigueur, qui est chez lui une seconde nature, mais l'immédiateté du contexte, possible seulement grâce à sa vaste culture, notamment historique, et quelques milliers de lectures. Mettre en lien me semble l'une des fonctions cardinales du métier.

     

    Fin d'enfance, début d'adolescence : Temps présent. À l'époque, grande émission. Noir blanc. Des sujets, notamment de société, dont je n'avais jamais entendu parler. Car si j'ai eu, notamment sur le plan littéraire, des profs éblouissants, ils étaient assurément moins révolutionnaires face au non-dit de leur propre époque que pour décrypter Racine, ou Rimbaud, Francis Ponge ou René Char, Sophocle ou les fragments présocratiques. En ces années, au fond sublimes, à la fois lumière et cécité, connaissance et innocence, champ du possible et Murailles de Chine, le rendez-vous de Temps présent était une fenêtre sur le monde. Hors cela, je ne vivais et n'existais que pour les livres. Ce qui, d'ailleurs, me comblait.

     

    Je me souviens des premiers sujets sur l'homosexualité, sur les travailleurs immigrés en Suisse, le statut de saisonnier, je vous parle là d'il y a quarante ans. L'homme qui organisait cela, le rendait possible, c'était Claude Torracinta. Et les équipes, autour de lui. Cette fonction d'éveil et d'ouverture, il l'a gardée toute sa vie. Aujourd'hui, dans les trois ou quatre minutes de dialogue improvisé, entre lui et moi, complicité totale, construction à deux d'une séquence en direct, relances instinctives pour faire avancer l'information, c'est en lui le même souci d'ouverture et d'intelligence que je retrouve, à chaque fois.

     

    Merci, Claude. Et continuez à venir souvent nous éclairer.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Eric Zemmour clive, RTL décline

     

    Sur le vif - Lundi 28.05.12 - 13.29h

     

    Pathétique direction de RTL ! Face à une pression sans précédent pour qu'elle vire Zemmour, la voilà écartelée entre sa décision de foutre dehors le dérangeur, et son souci d'image : ne pas apparaître comme à la botte du pouvoir. Alors, n'osant dire tout de suite que Zemmour ne sera pas de la grille de la rentrée, donc qu'il est viré, elle affirme  « réfléchir depuis plusieurs semaines à une refonte de la tranche matinale » (sylvestre langue de bois), et reconnaît qu'elle juge le chroniqueur « trop clivant ».

     

    Clivant. J'ai entendu tellement de milliers de mots, dans ma vie, tellement aimé ceux de Verlaine ou de Paul Fort, tellement prêt à me damner pour le bonheur d'une syllabe. Mais « clivant » ! D'abord, le mot est d'une rare putridité, avec ce « v » perdu entre deux voyelles, l'impuissance de ce participe présent, le gérondif des lâches ! Il faut être plouc, immensément, pour user d'un tel vocable, avoir peur des vrais mots, peur de la vie, peur de soi-même. Un homme d'honneur ne dit pas « clivant ». Il vire Zemmour, peut-être, le tue, pourquoi pas, mais ne dit pas « clivant ».

     

    Or donc, braves gens, RTL ne veut plus de chroniqueurs « clivants ». Alors oui, avisse à la populace,  à tous les tièdes et tous les gentils, tous les sages analystes qui ont bien appris le code de la dissertation (thèse, antithèse, synthèse), tous les sulpiciens de la Sainte Prudence, tous les journalistes de cocktails qui ne veulent surtout se brouiller avec personne, oui, amis, postulez pour la succession Zemmour, à RTL. Et la rentrée sera belle, calme comme un matin d'automne. Il n'y aura plus ni frissons, ni narines. Il n'y aura plus que le bonheur clivant de l'ordre qui règne, sur les ondes.

     

    Pascal Décaillet