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Sur le vif - Page 893

  • La petite leçon de morale du Dr Unger

     

    Sur le vif - Vendredi 08.06.12 - 15.55h

     

    Il m'est parfaitement égal que la députation, hier, ait « longuement applaudi », sauf UDC et MCG, la petite leçon de morale de Pierre-François Unger sur l'affiche de l'UDC. Je vais dire ici à quel point cette intervention était intempestive. Et il m'est parfaitement égal, d'avance, que cette coagulation des intérêts qu'on appelle « majorité gouvernementale » (tiens, justement, tous les partis du Grand Conseil, sauf le MCG et l'UDC), assurant sa survie sous les paravents de la morale, soit en désaccord avec moi sur ce point. Je n'écris ni pour plaire, ni pour convaincre tout le monde, même pas pour rallier des majorités : je dis, simplement, ce que j'ai à dire.

     

    L'UDC, donc, a commis une affiche. Toute personne me connaissant un peu, ou me lisant, a pu constater que la grivoiserie sexuelle n'était pas exactement mon style. La polysémique génuflexion d'une blonde, étiquetée « Isabel R. », devant une sorte de dealer multirécidiviste au visage bronzé, ne fait pas précisément partie de mon registre iconographique, ni métaphorique. Et c'est sûrement pour cela que je n'ai pas pour métier de faire des affiches.

     

    Mais enfin, de quoi s'agit-il ? D'une affiche de campagne ! Ce mode de captation des regards, dans la rue, n'a jamais eu pour fonction de faire dans la dentelle, ni de convaincre les bourgeois de salon qui, de toute façon, votent pour le PLR ou pour les Verts. Ou, s'ils sont cadres au DIP, pour le PS. Le but d'une affiche est d'attirer l'attention. En l'espèce, l'UDC a mis dans le mille. Le but d'une affiche, surtout pour un parti d'opposition, est justement de choquer la candeur patricienne du partisan du pouvoir en place. « Ah, mais comment osent-ils, ah les rustres, ah mon bon monsieur, nous sommes tombés si bas ». Depuis que les affiches existent, et déjà sous la Régence, et à n'en plus finir sous Louis XV, elles sont là pour choquer, interpeller, blesser, faire jaser, faire rire, heurter, révolter, révulser. Fonction affective, à des milliers de lieues marines du logos articulé, la disputatio cartésienne, la pesée des arguments.

     

    Retour à M. Unger. Il est incompréhensible que le chef du pouvoir exécutif ait choisi le Parlement pour dire tout le mal qu'il pensait de cette affiche. Le Conseil d'Etat dispose de ses voies d'information, en l'espèce un communiqué de presse hebdomadaire qui, en passant, suinte l'ennui, ou encore des communiqués, des conférences de presse. Au Grand Conseil, le président du Conseil d'Etat n'est pas chez lui. Il est face aux élus du peuple qui, toutes tendances confondues, constituent le pouvoir législatif. Le groupe UDC, le groupe MCG ont absolument la même légitimité que les autres. Ils n'ont pas, en ce lieu, à recevoir de quelconques leçons de morale de la part de l'exécutif. C'est même aux parlementaires, au contraire, notamment à travers les commissions de contrôle (gestion et finances) de demander des comptes aux ministres.

     

    Dès lors, il est fort singulier que le président du Grand Conseil ait laissé celui de l'exécutif faire son petit numéro, dans ce lieu-là. Ce glissement, qui fait bien vite fi de la séparation des pouvoirs, accrédite l'idée d'un Conseil d'Etat qui aurait au Parlement ses pantoufles et sa robe de chambre, y viendrait quand il lui plairait, roucouler à l'envi sa sérénade d'un soir, repartir en sifflant, le temps d'un arbitraire.

     

    L'affiche. Soit le Conseil d'Etat estime qu'elle est attaquable en justice, et alors qu'il saisisse les juges, et nous verrons bien. Soit il ne l'estime pas, et alors il n'a STRIC-TE-MENT rien à dire. Parce qu'un gouvernement n'est pas là pour faire la morale, encore moins statuer sur le bon goût, ni l'esthétisme iconographique. Il n'a tout simplement pas à se mêler d'une campagne électorale, a fortiori pour élire l'un des siens.

     

    Le plus fou, c'est que cette picaresque distorsion ait pu passer comme une lettre à la poste. Parce que c'est le bon M. Unger, avec sa bonhommie et sa moustache, et c'est vrai, j'en conviens, qu'il est diablement sympathique. Parce que c'est la leçon du Centre à la Marge. Du pouvoir en place, à l'opposition. De l'institution, à la rue. Du convenable, au vulgaire. Du langage autorisé, à la fange de l'interdit. De tous ceux qui, juste pour la façade et pour la forme, soutiennent Mme Rochat, quoi qu'ils pensent en leur for. La soutiennent, parce que la lâcher, avant novembre 2013, serait conduire tout l'édifice à l'écroulement. La petite leçon de morale sexuelle du Dr Unger n'avait, au fond, que cette fonction-là : colmater, une fois de plus, les murailles fissurées de la Citadelle en place. Pour les gueux, sur l'échelle, une petite giclée d'huile bouillante. Et pour que survive le pouvoir en place, la séminale désespérance d'une prière.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Economie genevoise : Bonne Nuit, les Petits !

     

     

    Sur le vif - Mercredi 06.06.12 - 16.16h

     

     

    Incroyable : dans l'affaire Merck Serono, c'est la Ville de Genève qui, à très juste titre, secoue le Conseil d'Etat ! Guéguerre de communiqués, en début d'après-midi : la Ville tance le gouvernement cantonal en réclamant la création d'un groupe de travail ; quelques minutes plus tard, le Conseil d'Etat montre qu'il maîtrise l'anglais et annonce (sans donner le moindre détail supplémentaire) la création d'une task force. Au final, l'autorité municipale apparaît bien plus offensive, plus anticipatrice ; l'autorité cantonale, quoi qu'elle s'en défende (et saisisse ses combinés pour nous le rappeler), donne l'impression, désolé, d'un profond sommeil.

     

    Dans l'économie genevoise, que se passe-t-il ? 250 postes de travail, chez Merck Serono, vont sauter. D'autres multinationales donnent des signes très inquiétants. Le secteur bancaire, celui de la parfumerie, d'autres encore, pourraient être amenés à nous annoncer de fort mauvaises nouvelles dans les semaines ou mois qui viennent. Tout cela mêlé exige quoi ? Mais qu'on se REVEILLE, pardi ! Or, désolé, désolé, et désolé encore, le Conseil d'Etat, dans la gestion de ce type d'affaires depuis quelques semaines, ne donne pas cette impression. Sans doute œuvre-t-il, dans la discrétion, à chercher des solutions, nous voulons tout au moins le croire. Mais gouverner, c'est aussi FAIRE SAVOIR. La détermination, il faut la montrer. Le moral, il faut l'entretenir. Ces signaux-là, ce Conseil d'Etat franchement à bout de souffle à douze jours d'une complémentaire et seize mois des élections générales, ne les montre tout simplement pas.

     

    Dans ces conditions, la Ville de Genève apparaît totalement légitimée à tirer la sonnette d'alarme. Les signes de vigueur, d'où qu'ils viennent, sont les bienvenus. Pour le reste, c'est Nounours, Nicolas et Pimprenelle : Bonne Nuit, les Petits !

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Je ne dis jamais

     

    Samedi 02.06.12 - 09.37h

     

    Je ne dis jamais agriculteur, mais paysan.

     

    Je ne dis jamais solutionner, mais résoudre.

     

    Je ne dis jamais personne âgée, mais vieillard.

     

    Je ne dis jamais thématique, mais simplement thème, ou sujet.

     

    Je ne dis jamais développement durable.

     

    Je ne dis jamais adénopathie.

     

    Je ne dis jamais office, mais messe. Et ceux qui disent culte sont mes frères.

     

    Je ne dis jamais non-voyant, mais aveugle.

     

    Je ne dis jamais groupe sujet, ni aucune de ces pollutions, j'use de la magnifique et limpide grammaire de mon enfance.

     

    Je ne dis jamais pédagogie, mais éducation.

     

    Je ne dis jamais écoquartier.

     

    Je ne dis jamais « requalifier l'espace urbain », j'aime trop les mots.

     

    Je ne dis jamais épicène, mais épicé oui.

     

    Je ne dis jamais conflit armé, mais guerre.

     

    Enfant, je disais toujours Russie, jamais URSS.

     

    Je ne dis jamais Europe, mais France, Allemagne, Italie, très souvent.

     

    Je ne dis jamais Vichy, mais Perrier.

     

    Je ne dis jamais mode, parce que ça se démode.

     

    Je ne dis jamais Réseau d'enseignement prioritaire. Il y en aurait des secondaires ?

     

    Je ne dis jamais petite enfance, même si c'est très beau.

     

    Je ne dis Phénix que dans Apollinaire.

     

    Je ne dis jamais art contemporain. L'art est contemporain, ou n'est pas.

     

    Je ne dis jamais grands textes, c'est trop con.

     

    Je ne dis jamais citoyennes et citoyens, je dis citoyens, et j'entends que ce neutre englobe les deux sexes.

     

    Je dis toujours bonjour, et au revoir.

     

    Je ne dis jamais adieu, même aux morts.

     

    Je ne dis jamais mur, ni statut. Si ce n'est pour parler d'un mur. Ou d'une statue.

     

    Je dis très volontiers week-end, l'anglais n'est pas le diable.

     

    Je dis strophe, quatrain, impair et vers libre. Surtout, je m'en nourris.

     

    Je dis le pain, le vin, l'eau, la rivière, le ciel, la source, la terre, le lac de montagne, la paix de l'oiseau, au-dessus de l'étang.

     

    Je dis l'huile et le feu.

     

    Je dis vivez. De la fureur du verbe. Que vos mots soient les vôtres. Et vôtres, la révolte, et la beauté du monde.

     

     

    Pascal Décaillet