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Sur le vif - Page 886

  • Mon soutien à Christian Varone

     

    Sur le vif - Lundi 30.07.12 - 18.54h

     

    Christian Varone, le chef de la police cantonale valaisanne, est retenu en Turquie depuis vendredi, apparemment pour une histoire de caillou ramassé par l'un de ses enfants, "qui le trouvait joli", en bordure d'un site archéologique. Retenu depuis trois jours ! Où se trouve-t-il ? Est-il en état d'arrestation ? Les nouvelles, pour l'heure, ne sont pas faciles à établir avec exactitude.

     

    Christian Varone, comme d'ailleurs n'importe quel père de famille suisse à qui serait arrivée une telle mésaventure, a droit à notre soutien moral et à une aide rapide des autorités pour débloquer la situation. Non parce qu'il dirige, au reste avec maestria, l'une de nos polices cantonales, mais parce qu'il est un citoyen suisse. Doublé d'un haut fonctionnaire d'une rare qualité, ainsi qu'il l'a montré récemment dans la gestion du drame du tunnel de Sierre.

     

    Dans ces conditions, c'est avec étonnement qu'on découvre sa ministre de tutelle et présidente du gouvernement valaisan se contenter de parler "d'affaire privée". Oui et non. Oui, parce qu'il était en vacances à Antalya. Non, parce qu'il s'agit d'un personnage éminemment public, exerçant l'une des fonctions régaliennes de l'Etat.

     

    Quoi qu'il en soit, affaire publique ou affaire privée, si vraiment le seul grief est cette histoire de caillou, ce compatriote a droit à une action rapide de la Suisse pour demander aux autorités turques toutes explications sur cette singulière rétention, depuis trois jours.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La Suisse, fille du feu au parfum de silex

     

    Fragments d'un discours sur le pays - Lundi 30.07.12 - 14.55h

     

    Citoyen suisse, né suisse, descendant de Suisses aussi loin que puisse porter mon regard généalogique, en tout cas jusqu'en 1815 (auparavant, mes ancêtres étaient simplement Valaisans), j'aime ce pays. J'y ai accompli, et même plus que d'usage, mes devoirs de citoyen, ne me suis jamais dérobé à nulle votation ni élection, ai entrepris toutes choses pour promouvoir le débat politique dans ce pays. Et pourtant, je n'ai jamais été un grand adepte de la fête nationale du 1er août.

     

    Elle touche pourtant, je le sais, un très grand nombre de mes compatriotes dans leur cœur, par l'indicible réchauffement de ces feux nocturnes, je respecte totalement leur attachement, lui reconnais même quelque chose de beau, surgi de l'intime, populaire et spontané.  Nulle instance centrale, en Suisse, ne nous contraint, après tout, à ces rites de nuit et de lumière, ils viennent d'en bas, de partout. Ils jaillissent des communes, des communautés, « Gemeinschaften », comme un appel à ce qui nous ressemble, nous rassemble.

     

    Mais je n'aime pas trop la mythologie historique du 1er août. Ni cette surexposition de la fin du treizième siècle - au détriment des événements capitaux de 1798 et 1848, sur lesquels j'ai tant travaillé à la RSR, et qui, eux, sont fondateurs de la Suisse moderne. Qu'on ait bâti sur des mythes ne me gêne pas en soi. Après tout, la prise de la Bastille a, elle aussi, été revisitée par les historiens comme un épisode plutôt mineur dans l'enchaînement d'événements qui fondent la Révolution française. Et les mythes, comme l'a remarquablement montré Anne-Marie Thiesse ( « La création des identités nationales, Seuil, l'Univers historique, 1999 ») jouent dans l'imaginaire commun un rôle de premier plan, infiniment supérieur aux puissantes exégèses de la raison dialectique.

     

    C'est pourquoi les passionnés, comme moi, des événements politiques suisses du dix-neuvième siècle n'ont jamais réussi à remplacer le mythique, mais magnifique 1er août, par une date autrement pertinente, le 12 septembre 1848. Pertinente, mais hélas inconnue, impopulaire, lointaine. À coup sûr, s'il fallait voter, les partisans du 12 septembre (la première Constitution fédérale, votée par la Diète) seraient écrasés par ceux du 1er août. Et d'ailleurs moi aussi, finalement, je voterais pour août ! Par une sorte de choix de l'instinct contre la froideur de la raison démonstrative. Le lumignon, contre les Lumières.

     

    Pourquoi ? Mais parce que les meilleurs pères de la nation, ces prodigieux radicaux de 1848, à qui nous devons tant, ne pourront jamais grand chose contre la puissance de l'instinct ni celle de l'émotion. Barrès pour la France, Gonzague de Reynold pour la Suisse, parmi quelques autres, l'ont évoqué. Ne parlons pas de l'éblouissante littérature italienne autour du Risorgimento, ni du Sturm und Drang allemand : oui, l'attachement national (qui, d'ailleurs, ne signifie en rien le rejet de l'autre, ni du voisin, ni de l'étranger) a inspiré d'éblouissantes plumes. Que d'aucuns, aujourd'hui, se refusent à les lire, n'abolit pour autant ni leur fonction historique, ni leur valeur littéraire, à moins qu'on entende les brûler, tiens, dans un feu du 1er août, par exemple ! La cérémonie ne manquerait pas d'attrait, et on pourrait citer Heine, « Dort wo man Bücher verbrennt, verbrennt man am Ende auch Menschen ».

     

    Dix-neuf billets sur vingt, à peu près, nous rappellent ces jours que la Suisse est métissée et doit se montrer ouverte aux étrangers. Eh bien ils ont raison, pardi. Et ce qu'a déclaré Antonio Hodgers, dans le Matin dimanche d'hier, me convient très bien. Mais enfin, à observer un peu ce pays, il ne me semble pas, en comparaison internationale (à commencer par nos voisins immédiats) qu'il soit le moins ouvert ni le moins accueillant. Ni le moins multiple dans les strates complexes de sa composition interne. Ni celui qui, dans son Histoire, ait le plus farouchement pourchassé la différence. Ni persécuté l'altérité.

     

    Attention, donc, à l'excès d'auto-fustigation. Il est, au fond, tout aussi prétentieux de se proclamer les pires, que les meilleurs. La Suisse, au cœur du continent, est un petit pays aux équilibres fragiles, rien n'assure qu'elle soit là pour l'éternité (comme aucune nation d'ailleurs), rien ne la préserve du malheur, ni du démembrement, ni de la rupture des solidarités internes. À chaque génération de se battre. Rien n'est acquis, rien n'est perdu.

     

    Je dirai enfin un mot des paysages. Ceux de la Suisse me bouleversent. Parmi d'autres (Provence, Toscane, Cévennes). Mais en très haute position. Et cet attachement se trouve être celui d'un très grand nombre de mes compatriotes. En lisant le très bel ouvrage de Rémi Mogenet sur la littérature en pays savoyard, j'ai écouté vibrer en moi cette dimension affective du pays. Cette part d'instinct arraché à la terre n'a rien d'ancestral, ni d'archaïque, ni de démodé. Le succès de l'initiative des Alpes (1994), de celle autour des marais de Rothenthurm (1987), évidemment aussi celle de Franz Weber (2012) montre l'attachement des Suisses à leur patrimoine naturel. C'est une valeur constitutive de notre pays. En parcourant, hier dimanche, le bisse de Clavaux, entre la cistercienne fierté des murettes et la géométrique précision des plans de vignes, entre le parfum du silex et le goût de soufre, toute vue plongeante sur les vertes eaux du fleuve, je me suis dit que j'errais au cœur d'un patrimoine universel. Particulier, donc planétaire.

     

    À tous, je souhaite, avec un peu d'avance, une excellente fête nationale.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'armée française est magnifique. Et la nôtre ?

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 20.07.12



    Une armée impeccable, sans rien en elle qui suinte l'arrogance, non, juste une armée au service de la nation. C'est le sentiment que m'a donné le défilé du 14 Juillet, devant François Hollande et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. J'ai pensé à la France, son admirable Histoire, ses éclatantes victoires sur les champs de bataille, mais aussi la profondeur désespérée de ses défaites (mai-juin 1940), cette France « oscillant sans cesse de la grandeur au déclin » (Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre). Et puis, j'ai aussi pensé à mon pays, la Suisse, pour lequel j'ai tout de même fait, dans ma jeunesse, quelque 500 jours d'armée. Et je me suis demandé pourquoi notre voisin donnait l'impression d'un rapport plus simple que le nôtre avec ses forces armées, quelque chose de décomplexé, dont nous sommes loin.



    C'est tout de même paradoxal : la Suisse, nous sommes tous d'accord, se porte mieux que la France. Economiquement, financièrement, et même politiquement, grâce à une démocratie directe et un fédéralisme que beaucoup (à commencer par nombre de Français !) nous envient. Nous sommes, globalement, un peuple plus heureux (pour reprendre Denis de Rougemont), avons infiniment moins souffert de la guerre, n'avons pas eu à vivre l'humiliation d'une défaite (1940), d'une occupation, ni les tourments moraux des guerres coloniales. Pourtant, nous avons avec notre armée un problème que la France semble ne pas entretenir.



    Retour sur les Champs. Vous les avez vus, ces uniformes ? Ça vous a quand même une autre gueule que la bonne vieille tenue de sortie, ou de combat, de l'armée suisse. Des spahis à la Légion, des démineurs aux troupes de santé, des pompiers aux gendarmes, des zouaves aux légendaires régiments d'infanterie (dont certains datent de l'Ancien Régime), voilà des militaires, hommes et femmes, fiers de ce qu'ils sont. De la tenue, mais aucune arrogance, aucune posture dominatrice. Au contraire : tout est mis en scène pour mettre en évidence la primauté du pouvoir civil. L'armée française est un outil de la politique nationale, en aucun cas un but en soi. Et la population, qui applaudit, l'entend comme cela.



    L'armée suisse aussi, me direz-vous ! Mais alors, pourquoi cela se voit-il moins ? Pourquoi avons-nous toujours tant d'états d'âme face à notre chose militaire ? Pourquoi rechignons-nous à les montrer, nos régiments, dont certains sont pourtant admirables ? Il y a, bien sûr, l'aspect toujours obligatoire (contrairement à la France, depuis Chirac) de la conscription suisse. Mais cela n'explique pas tout. Nous avons un problème avec notre armée, pourtant bien meilleure, me semble-t-il, que celle de mon époque, avec ses colonels-banquiers qui semblaient davantage tenir au maintien de l'ordre social qu'à la défense du pays. Aurions-nous honte, petit pays fragile, de nos forces de sécurité ? Et si oui, pourquoi diable, je vous prie ?



    Pascal Décaillet