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Sur le vif - Page 793

  • CEVA et SIG : séance du Grand Conseil justifiée

     

    Sur le vif - Lundi 28.04.14 - 12.54h

     

    Annoncée ce matin par la RTS et décidée par le Bureau du Grand Conseil (MCG et UDC ont réuni les 30 signatures nécessaires), la séance spéciale du Parlement cantonal, le samedi 17 mai prochain, sur le CEVA et les SIG, est parfaitement justifiée.


    Il est totalement normal que le peuple, à travers ses élus législatifs, demande au Conseil d'Etat toute la lumière sur le retard dans le chantier du CEVA, et surtout la manière dont a été, l'automne dernier, reportée la communication sur ce retard. Pour des raisons politiques et électorales, à l'évidence. Raisons qui sont d'ailleurs libellées comme telles dans le PV du Comité de pilotage CEVA du 18 octobre 2013, 14.15h, que bon nombre de journalistes (dont votre serviteur) possèdent.


    De même, les investissements hasardeux des SIG dans l'éolien, mais aussi (on l'a appris ce week-end) dans la fibre optique, doivent faire l'objet d'investigations de responsabilités en profondeur et en précision. C'est précisément la tâche du Grand Conseil de contrôler l'activité du gouvernement, de l'administration et des régies.

     
    Les MCG et l'UDC étaient pleinement habilités à exiger cette séance spéciale. Qu'ils aient été les seuls à la demander est plutôt inquiétant, et en dit long sur la seule vraie fonction du CEVA: permettre la survie des réseaux politiques qui se sont partagés postes et prébendes, à Genève, depuis des décennies.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Jean-Paul II et le travail : un texte lumineux

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    Sur le vif - Dimanche 27.04.14 - 17.26h

     

    Je fais partie de ceux qui, du vivant de Jean-Paul II, au moment où ce pape était loin d’être aussi populaire que la sainte mémoire d’aujourd’hui, avaient pris parti pour lui. Je l’ai fait à la RSR, dans des commentaires. Dans l’Hebdo. Sur le plateau d’Infrarouge. Dans la Revue jésuite Choisir, dont j’étais chroniqueur. Dans mon livre « Coups de Griffe » (Editions Saint-Augustin, 2006), où je recense, avec François-Xavier Putallaz et Nicolas Buttet, une décennie de chroniques au Nouvelliste. Défendre ce pape, dans l’horizon éditorial de la Suisse romande, n’a pas toujours été simple. Il fut un temps où nous étions très minoritaires. Même si je dois reconnaître que les dernières années de Jean-Paul II, disons de 2000 à 2005, cela fut plus facile : le pape était malade, combattait avec un incroyable courage, avait eu des mots très forts sur la dignité des travailleurs, si bien que le cercle de ses partisans avait augmenté.

     

    En préparation de l’importante journée d’aujourd’hui, j’ai relu mes éditos de l’époque, et me suis rendu compte que, sur plus d’une décennie (1995-2005), l’immense majorité d’entre eux portaient sur le monde du travail. Je n’ai jamais été un spécialiste des questions morales, ni des sujets de société, mais le rapport de l’Eglise catholique au travail m’a toujours passionné. Je crois bien avoir tout lu ce qui était possible de lire sur Léon XIII (1878-1903), et son Encyclique Rerum Novarum (1891), qui définit, en pleine Révolution industrielle, la Doctrine sociale de l’Eglise. Un texte majeur, qui tente une réponse chrétienne, non marxiste, aux questions cruciales posées par l’émergence du prolétariat ouvrier. Faut-il rappeler qu’à cette époque, qui est aussi celle de Jaurès, les enfants travaillent dans les mines, et les adultes y meurent avant la cinquantaine ? Nulle protection sociale, nulle retraite (si ce n’est, balbutiantes, dans l’Allemagne bismarckienne). Immense fut l’influence de Rerum Novarum. En Italie, bien sûr. Mais aussi en France, avec une aventure éditoriale comme le Sillon, de Marc Sangnier. Ou la Revue Esprit, d’Emmanuel Mounier. Mais encore au Portugal, au Brésil, en Belgique, et en Suisse.

     

    Laborem exercens : un texte majeur

     

    Or, il est peu relevé – trop peu aujourd’hui, y compris à l’intérieur de l’Eglise – que Jean-Paul II a produit, en 1981, 90 ans après Rerum Novarum, un document aussi important pour notre époque que l’Encyclique de Léon XIII, pour la sienne. Ce document, l’Encyclique Laborem exercens, le penseur catholique et excellent connaisseur du pape polonais Yves Semen a eu l’heureuse idée de nous inviter à sa lecture, en le parsemant de citations dans son petit livre « Une année avec Jean-Paul II », que viennent de publier les Presses de la Renaissance. Du coup, hier, ayant ce livre dans les mains, et une lecture en appelant une autre, je me suis replongé dans Laborem exercens.

     

    Je connais peu d’Encycliques (à part justement Rerum Novarum) où je puisse me reconnaître dans chaque ligne. En sa troisième année de pontificat, le pape Wojtyla nous y parle, d’une façon simple et bouleversante, du monde du travail. Le travail, dans la vie de l’être humain. Le travail, comme réalisation. Le travail, dans sa primauté nécessaire face au Capital et aux puissances de l’argent. Le travailleur, quel qu’il soit, et si modeste soit sa tâche, comme personne, « sujet efficient, véritable artisan, créateur » (Laborem exercens, no 7). « L’erreur de l’économisme, poursuit l’Encyclique au chapitre 13, consiste à considérer le travail humain exclusivement sous le rapport de sa finalité économique ».

     

    Appel au respect absolu des travailleurs

     

    Bref, dans ce texte, en forme de prélude, une annonce de tous les thèmes qui seront ceux des dernières années de Jean-Paul II : défense et illustration de « l’économie réelle », au service de l’humain et de son accomplissement, condamnation de l’enrichissement facile par les jeux de la finance virtuelle, appel au respect absolu des travailleurs, notamment des migrants, naturellement moins protégés. Faut-il rappeler que c’est sous ce pontificat, autour de l’an 2000, que s’exercèrent avec le plus de violence inégalitaire les ravages de l’économie de casino ? Nous en sommes un peu revenus. Il y a encore tant à faire.

     

    Je peine à comprendre que l’Eglise catholique, si prompte à s’autocélébrer et s’autocanoniser, ne mette pas davantage en avant ces mots si forts de Jean-Paul II sur le monde du travail. Ils sont pourtant, sur les femmes et les hommes d’aujourd’hui, oui avril 2014, d’une incroyable puissance de résonance. Ils nous parlent de nous, de notre humanité, notre dimension de personne, au milieu des activités rémunérées que nous accomplissons. Ils proclament l’égalité de tous. Ils revalorisent les métiers méprisés. Ils appellent le patronat à exercer sa responsabilité sociale. Ils valorisent la production, l’invention, l’enthousiasme, l’amour de la belle ouvrage, et condamnent sans appel l’exploitation de l’homme par l’homme. Ils exigent des rémunérations « justes ». Il n’y est pas question de salaire minimum, mais je ne suis pas sûr qu’on en soit très loin. Surtout, dans la droite ligne de Léon XIII, ils proposent une réponse non marxiste, non matérialiste, aux injustices et aux inégalités. Personnellement, depuis mon plus jeune âge, cela me parle. En profondeur.

     

     

    Puisse la journée de commémoration d’aujourd’hui, puissante dans sa fonction de symbole et d’évocation, nous amener à relire ce texte. Parmi d’autres, bien sûr. Je n’ai nulle vocation à me prononcer sur la sainteté des uns et des autres. Ni sur la métaphysique. Mais la mise au point, l’aggiornamento 1981, sur ce que doit être le travail dans une société humaine, cela rejoint, avec force, le cœur de mes préoccupations.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Darbellay, l'éclat de vie du pays

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    Sur le vif - Jeudi 24.04.14 - 09.54h

     

    Dans le Temps de ce matin, énième cogitation sur le putatif isolement de Christophe Darbellay au sommet de son parti. Tout cela, parce qu'à deux reprises, il a été désavoué en Assemblée des délégués. Il y a, dans la presse, une envie de tourner la page Darbellay. Pour quelle autre figure ? Je me le demande bien.



    De tous les partis suisses, le PDC est le plus difficile à diriger. Complexe. Passionnant. Marqué par les Histoires cantonales, leur diversité, leurs 26 singularités. Habité par plusieurs courants, les mêmes depuis plus d'un siècle, jaunes ou noirs, chrétiens sociaux ou conservateurs, urbains ou campagnards, voire montagnards. Paralysé par les hésitations d'alliances, l'obsession de demeurer dans les majorités de pouvoir. Accroché à des thèmes, comme la famille, que d'autres lui ravissent, comme on a dérobé aux Verts l'environnement.



    Et puis, Dieu sait si je suis attaché à la famille, mais désolé, on ne construit pas une politique nationale sur ce seul thème. La famille, même moderne, recomposée, homoparentale, homosexuelle, tout ce qu'on voudra, est certes un passionnant sujet de société, un témoin des mouvements lents de son évolution. Mais elle ne saurait tenir lieu de réflexion nationale prioritaire.



    Il manque au PDC - il lui a toujours manqué - une armature républicaine. Une dimension régalienne, celle des radicaux et des socialistes. Il est trop habité par les sujets de société. Or, si la politique ne doit pas évacuer ces derniers (il faut bien légiférer sur les évolutions), elle ne saurait en aucun cas s'y réduire. Et justement, sur les autres sujets, comme la sécurité, les finances, la fiscalité, la clarté de ligne du PDC, sous la Coupole comme dans les cantons, fait défaut. Il manque à ce parti une dimension d'Etat.



    J'en reviens à Darbellay. Face aux carences structurelles de sa famille politique, son incroyable diversité en fonction des Histoires cantonales, son défaut d'unité, ce diable d'homme a justement été, depuis huit ans, l'homme de la situation. Pour fédérer. Incarner. Représenter. Porter la parole. A part Doris Leuthard, qui l'avait immédiatement précédé, et l'excellent Carlo Schmid, cet Appenzellois intrépide et indivisible, vous seriez capable de m'en citer beaucoup, des présidents du PDC suisse depuis 1971 ?



    Bien sûr, Darbellay n'est pas éternel. Et n'a pas prétention à l'être. Bien sûr, il lorgne sur le Valais et n'en fait nul secret. Bien sûr, les deux désaveux en Assemblée n'ont pas facilité sa tâche. Mais l'homme est là, debout. Il le sera jusqu'à l'ultime minute de sa fonction. Et lorsqu'il l'aura quittée et qu'il sera temps de dresser un bilan, ce parti pourra être très fier de ce président qui aura existé si fort, porté si haut les couleurs, comme on brandit la bannière dans un festival de fanfares, endimanché par le soleil. Dans le commun bonheur d'être ensemble. Quelque part, dans l'éclat de vie du pays.

     

    Pascal Décaillet