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Sur le vif - Page 744

  • Au centre de tout : l'émission. Pas la structure !

     

    Sur le vif - Dimanche 21.06.15 - 09.54h

     

    S'il faut absolument que continue d'exister une redevance, donc un soutien public à la production audiovisuelle, alors finançons des ÉMISSIONS, et non plus des ENTREPRISES entières. J'ai lancé cette idée il y a bien longtemps déjà, j'ai tous les textes publiés par moi sur le sujet. C'est donc sans doute par distraction, ou par "manque de place", que mon confrère Pierre Veya - comme, il y a quelques mois, Avenir Suisse - "omet" de me citer dans son billet, publié aujourd'hui dans les pages économiques (page 30) du Matin dimanche.



    Mais laissons là les querelles d'antériorité. L'essentiel, c'est l'idée elle-même. Pierre Veya défend absolument mon idée d'une aide publique (s'il faut qu'il en existe une), non à des ENTREPRISES en tant que telles, mais, sur l'ensemble du pays, médias publics (SSR) ou privés, à des ÉMISSIONS jugées (selon des critères à préciser) d'intérêt public.



    Critères ? Point besoin d'un rapport fédéral, ni de dix-huit mois de puissantes cogitations, pour les dégager. Cela tournera autour de l'identité et de la cohésion du pays, priorité aux émissions qui font vivre la politique, le débat, la formation de l'opinion, l'économie, la culture, le sport pratiqué dans notre pays, la vie scientifique en Suisse, etc. La vie des starlettes sera laissée aux bons soins des diffuseurs exclusivement privés, qui pourront la financer tant qu'ils voudront par la pub.



    A noter que financer des ÉMISSIONS, et non des ENTREPRISES, s'inscrit dans un esprit de travail, une vision du métier, que j'ai toujours farouchement défendus, déjà lorsque j'étais dans le "public". J'ai toujours milité pour que la production, l'émission, soient au centre de tout, et non les structures d'organisation qui les entouraient. Ayant été à la fois producteur (de longues années, toutes tranches confondues, matinales, 12.30h, Forum, et depuis une décennie producteur et entrepreneur indépendant), et chef de rubrique (nationale), je peux vous dire que le plus grand bonheur, la plus juste proximité dans l'exercice du métier se trouvent dans la première de ces deux fonctions, celle qui place l'artisanat du métier, le savoir-faire, au centre de tout.



    Je suis très heureux que Tibère Adler (Avenir Suisse) et Pierre Veya (Le Matin dimanche) aient, sur ce sujet, une convergence d'analyse avec mes vues. D'une manière générale, après une campagne où on a entendu tout et n'importe quoi, à commencer par des politiciens comme Géraldine Savary (quasiment tous les jours à la SSR) qui n'ont jamais fait une émission de leur vie (sinon comme invités !), il ne serait peut-être pas totalement inutile de commencer à donner la parole aux entrepreneurs du métier, les artisans, les professionnels, ceux qui s'investissent depuis des décennies pour produire, inventer, rénover. Ceux-là, dans la campagne du 14 juin dernier, n'ont tout simplement pas été invités à s'exprimer.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les Chemins de la Liberté

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    Sur le vif - Vendredi 19.06.15 - 17.25h

     

    Mais enfin, que se passe-t-il avec les textes ? Pourquoi nous obsèdent-ils tant ? Chaque année, à l’approche de l’été, je me promets de relire Kafka ou Thomas Mann, Homère, Brecht, Sophocle, Gide, Céline, Cingria, Grass, Koltès. Et des dizaines d’autres. Je les lis, ou non, j’en lis d’autres, c’est la vie, c’est la chaleur, c’est le miracle de l’été.

     

    Mais d’où nous vient cet impérieux besoin de textes, et de musiques aussi ? Recommencer la vie ? Lorsque j’ai passé ma Maturité, en avril 1976, un peu avant mes dix-huit ans, ma première pulsion était d’étudier la théologie. A cause des textes. Et puis, il y eut l’autre miracle d’un autre été, d’autres voies. Mais j’y ai pensé très fort hier soir, sur mon plateau, face à Mme Elisabeth Parmentier, qui a produit sur moi (et, je l’espère, sur les téléspectateurs) une puissante impression.

     

    C’est une femme de foi et de textes, luthérienne, ayant commencé par la Germanistik avant de se lancer en théologie, elle vient d’enseigner quinze ans à l’Université de Strasbourg. L’Alsace, comme on sait, a « échappé » à la loi de 1905 : allemande de 1871 à 1918, elle n’était pas concernée par la Séparation. Du coup, nous dit Mme Parmentier, la question religieuse se vit de façon beaucoup plus calme que dans les tensions (extrêmes, ces temps) de la France laïque : on la croit volontiers.

     

    Surtout, la manière dont la future prof de théologie pratique (elle commence cet automne) à l’Université de Genève parle des textes, est saisissante. Elle a commencé, des années, par se tremper dans la littérature allemande (tiens, la traduction de la Bible par Luther, par exemple, premier texte allemand moderne), puis elle a étudié la théologie. Et ma foi (si j’ose dire), lorsqu’elle parle d’un texte « sacré » (précisant bien que ce dernier ne doit jamais être pris comme un fondement, intangible), elle nous emporte. Et elle nous donne envie.

     

    Envie de quoi ? Mais de faire théologie ! D’aller suivre ses cours ! De se mettre à l’hébreu ! De se replonger dans le grec, cette fois dans la patristique et le néotestamentaire. Bref, se coltiner amoureusement la formation (intellectuelle, et pas nécessairement sacerdotale) d’un pasteur, ou d’un prêtre. Pour ma part, aujourd’hui, si longtemps après, je le ferais dans une perspective furieusement littéraire, abordant ces textes-là avec une passion pour la parole (avec un petit p), allez disons le logos, celui dont Jean nous dit qu’il a précédé toute chose.

     

    Alors bon, si par hasard il y a, dans les lecteurs de ce texte, des jeunes (ou moins jeunes) qui ont envie de se frotter à la puissance de cette parole partagée, j’ai envie de vous inviter très fort à aller  fréquenter les cours de Mme Parmentier.

     

    Pour le reste, laissons-nous surprendre par nos lectures d’été. Ou par les musiques. Ne prévoyons pas trop. Allons de l’un à l’autre, ouvrons nos âmes. Elles en ont besoin : nos métiers nous accaparent, la passion pour eux nous serre comme les petites griffes d’une petite mère, jalouse, possessive. Ouvrir un livre, c’est donner une chance à des espaces d’affranchissement. L’un des romans très forts de Jean-Paul Sartre (Gallimard, trois volumes) porte un titre qui nous y invite à merveille. C’est un très grand livre, écrit juste au sortir de la guerre : il s’appelle les Chemins de la Liberté.

     

    Pascal Décaillet

     

     * Image : Thomas Mann - Buddenbrooks - Manuscrit original de la première page.

     

  • Pâquerette : la CEP, ultime et seul recours

     

    Sur le vif - Jeudi 18.06.15 - 16.29h

     

    Dans l’affaire de la Pâquerette, la profusion de rapports, tous azimuts, s’annulant et se contredisant les uns les autres, ne peut plus durer. Je les ai tous repris, hier après-midi, et le choc de contraires produit par leur lecture est effarant. Telle « expertise » accable tel(le) fonctionnaire, telle autre la blanchit. Qui croire ?

     

    Une chose est sûre : le temps des rapports, dans cette affaire pleine de venin et de non-dits, doit se clore. Le public, légitimement touché par l’aspect dramatique de ce qui s’est passé, ne marche plus. Il ne croit plus, depuis longtemps (peut-être depuis le début) à la vertu objective de ces textes. Il voit bien que nulle vérité, pour l’heure, n’émerge. Il se rend bien compte que le pouvoir politique cherche à se protéger en nous brandissant les écrans de fumée successifs de ces rapports. Et en faisant sauter de temps en temps un fusible. Tout comme les multiples enquêtes, pénales, administratives : à qui profite cette jungle ?

     

    Pour ceux qui espèrent la vérité sur les vraies responsabilités dans l’affaire, la seule instance qui reste est la Commission d’enquête parlementaire (CEP), finalement votée par le Grand Conseil, ce qui n’est pas allé tout seul. La composition de cette commission est à la fois une chance et un danger. Tous les partis politiques y sont représentés, ce qui est une garantie de représentativité. Mais en même temps, si l’enjeu est de défendre son conseiller d’Etat (présent ou ancien), et de chercher noise à celui de l’autre parti, et inversement, donc se tenir mutuellement par la barbichette, autant mettre tout de suite la clef sous le paillasson.

     

    Les commissaires doivent le savoir : les citoyens attendent beaucoup de leur travail, car cette CEP est finalement l’ultime recours pour dégager un peu de vérité, à travers les rideaux de fumée. Cela implique que chacun d’entre eux vienne siéger avec l’absolue volonté d’éclaircir, identifier des éléments. Si le résultat de leurs travaux est probant, avec des éléments nouveaux, la preuve d’une enquête menée en toute indépendance, sans peur de déranger des conseillers d'Etat en place (ou à la retraite), c’est la fonction parlementaire elle-même, dans sa mission de contrôle, qui en sera grandie. Le République y sera largement gagnante.

     

    Dans le cas contraire – que nous n’osons imaginer – c’est l’abdication du pouvoir législatif dans sa mission de faire la lumière. Donc, dans l’opinion, la montée du sentiment, déjà dévastateur, d’un petit monde qui se défend lui-même, préfère l’opacité à la lumière. Au final, le crédit du politique dans son ensemble, à Genève, en serait gravement affecté.

     

    Pascal Décaillet