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Sur le vif - Page 742

  • Charles Pasqua, grognard surgi du soleil

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     Sur le vif - Lundi 29.06.15 - 23.15h

     

    C’était un être caniculaire. Comme peut l’être la Provence des parfums, lorsque, sous l’exagérée présence du soleil, seules l’audace, la faconde, se hasardent à ne point manquer d’air. Charles Pasqua (1927-2015) osait tout. Il n’avait peur de rien. De la Résistance (la vraie), où il était entré à l’âge de quinze ans, à la place Beauvau, où il fut à deux décisives reprises ministre de l’Intérieur (86-88, puis 93-95), en passant par le SAC, Service d’action civique, police interne du gaullisme de combat sous la Quatrième, puis les premières années de la Cinquième.

     

    Homme de réseau, homme de l’ombre, monteur de coups, cette personnalité d’exception, au service du meilleur comme du pire. La politique, dans la peau, dans les tripes, dans le génome, jusque dans l’architecture de son destin, dans les cieux de lumière, et dans la glaise des ténèbres.

     

     

    Ce soir, je retiens de lui qu’il était un républicain. Variante bonapartiste. Grognard. Tête de lard. Tronche de combattant, infatigable. Combinard. Redécoupeur de circonscriptions, comme il sied à tout locataire, digne ce nom, de la place Beauvau, à l’approche de l’élection. Oui, je l’aurais vu à Waterloo, « dernier soldat de la dernière guerre », « musique en tête », entrant dans la fournaise. C’est dire à quel point, prenant parti en 1994 pour l’orléaniste Balladur contre Chirac, il m’avait à ce moment déçu, profondément. N’est pas Fouché qui veut, ni Talleyrand : il en est chez qui la trahison se voit plus que chez d’autres.

     

     

    Je laisse ici les affaires, il y en eut tant. Je retiens son excellente entente, contre toute attente, avec François Mitterrand, une histoire de communauté de réseaux, à la fin de la guerre. Je retiens l’intensité de sa présence, la fougue méditerranéenne de sa parole. Il fut, par deux fois, un excellent ministre de l’Intérieur. Il incarna la passion politique, dévoreuse de vie, anéantissante. Comme François Mitterrand, il connaissait par cœur chacune des circonscriptions de la Métropole, et par dessus le marché, chacune de l’Outre-Mer.

     

    Il avait des défauts, à revendre. Nous en avons tous ! Il aimait son pays, non d’une passion lointaine, ou dévoyée, mais avec la proximité charnelle des intransigeants. Maquignon ? Oui, bien sûr, jusqu’à la moelle. Mais avec la raideur républicaine d’un radical de la Troisième, celle d’un Queuille ou d’un Herriot. L’école de Jacques Chirac, jeune loup de Corrèze en 1967. Et celle d’un certain François Mitterrand, le Rastignac de la Nièvre en 1946.

     

    C’est un politique d’un rare talent qui vient de nous quitter. Quelques lambeaux épars, déchiquetés peut-être, mais parfois incandescents, d'une fureur de marbre et d'airain, qui s'appelle la République.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • "Cela s'appelle démocratie" - 431 avant JC

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    Sur le vif - Lundi 29.06.15 - 09.32h

     

    XXXVII. χρώμεθα γὰρ πολιτείᾳ οὐ ζηλούσῃ τοὺς τῶν πέλας νόμους, παράδειγμα δὲ μᾶλλον αὐτοὶ ὄντες τισὶν ἢ μιμούμενοι ἑτέρους. καὶ ὄνομα μὲν διὰ τὸ μὴ ἐς ὀλίγους ἀλλ' ἐς πλείονας οἰκεῖν δημοκρατία κέκληται*· μέτεστι δὲ κατὰ μὲν τοὺς νόμους πρὸς τὰ ἴδια διάφορα πᾶσι τὸ ἴσον, κατὰ δὲ τὴν ἀξίωσιν, ὡς ἕκαστος ἔν τῳ εὐδοκιμεῖ, οὐκ ἀπὸ μέρους τὸ πλέον ἐς τὰ κοινὰ ἢ ἀπ' ἀρετῆς προτιμᾶται, οὐδ' αὖ κατὰ πενίαν, ἔχων γέ τι ἀγαθὸν δρᾶσαι τὴν πόλιν, ἀξιώματος ἀφανείᾳ κεκώλυται. [2] ἐλευθέρως δὲ τά τε πρὸς τὸ κοινὸν πολιτεύομεν καὶ ἐς τὴν πρὸς ἀλλήλους τῶν καθ' ἡμέραν ἐπιτηδευμάτων ὑποψίαν, οὐ δι' ὀργῆς τὸν πέλας, εἰ καθ' ἡδονήν τι δρᾷ, ἔχοντες, οὐδὲ ἀζημίους μέν, λυπηρὰς δὲ τῇ ὄψει ἀχθηδόνας προστιθέμενοι. [3] ἀνεπαχθῶς δὲ τὰ ἴδια προσομιλοῦντες τὰ δημόσια διὰ δέος μάλιστα οὐ παρανομοῦμεν, τῶν τε αἰεὶ ἐν ἀρχῇ ὄντων ἀκροάσει καὶ τῶν νόμων, καὶ μάλιστα αὐτῶν ὅσοι τε ἐπ' ὠφελίᾳ τῶν ἀδικουμένων κεῖνται καὶ ὅσοι ἄγραφοι ὄντες αἰσχύνην ὁμολογουμένην φέρουσιν.

    XXXVII. - "Notre constitution politique n'a rien à envier aux lois qui régissent nos voisins ; loin d'imiter les autres, nous donnons l'exemple à suivre. Du fait que l'État, chez nous, est administré dans l'intérêt de la masse et non d'une minorité, notre régime a pris le nom de démocratie. En ce qui concerne les différends particuliers, l'égalité est assurée à tous par les lois ; mais en ce qui concerne la participation à la vie publique, chacun obtient la considération en raison de son mérite, et la classe à laquelle il appartient importe moins que sa valeur personnelle ; enfin nul n'est gêné par la pauvreté et par l'obscurité de sa condition sociale, s'il peut rendre des services à la cité. La liberté est notre règle dans le gouvernement de la république et dans nos relations quotidiennes la suspicion n'a aucune place ; nous ne nous irritons pas contre le voisin, s'il agit à sa tête ; enfin nous n'usons pas de ces humiliations qui, pour n'entraîner aucune perte matérielle, n'en sont pas moins douloureuses par le spectacle qu'elles donnent. La contrainte n'intervient pas dans nos relations particulières ; une crainte salutaire nous retient de transgresser les lois de la république ; nous obéissons toujours aux magistrats et aux lois et, parmi celles-ci, surtout à celles qui assurent la défense des opprimés et qui, tout en n'étant pas codifiées, impriment à celui qui les viole un mépris universel".

     

    *** Thucydide - Guerre du Péloponnèse - Livre II - Chapitre XXXVII - Discours de Périclès : oraison funèbre des guerriers morts pendant la première année de guerre - 431 avant JC.

     

     

  • Cornavin : le noeud n'est pas seulement ferroviaire

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    Sur le vif - Dimanche 28.06.15 - 16.07h

     

    En titrant hier après-midi « Extension de Cornavin estimée à 1,652 milliard : soulagement à Genève », et en maintenant ce titre tout le week-end, la version électronique de la Tribune de Genève manque sa cible à deux reprises.

     

    D’abord, on se demande qui a elle a dû « omettre » d’interroger pour oser nous parler de « soulagement » devant une somme pareille, même partagée par la Confédération, qui vient s’ajouter à toutes les autres, en temps de vaches maigres. On veut bien que le clan de partisans du projet se dise « soulagé », mais enfin, dans le vaste univers de Genève, il existe d’autres voix qui, assurément, doivent l’être un peu moins. Soit parce qu’il existerait des variantes moins onéreuses, un peu vite écartées dans les travaux préparatoires, comme s’il avait fallu tout boucler à toute vitesse. Soit, surtout, parce que le projet même « d’extension de la gare Cornavin » n’est peut-être pas jugé unanimement comme la seule solution pour l’avenir ferroviaire de Genève.

     

    Ensuite et surtout, en maintenant ce titre tout le week-end, on se dit que nos aimables confrères – et sœurs – de la TG ont peut-être « omis » (que d’omissions, décidément) de prendre connaissance, hier soir, assez tard il est vrai, du texte publié sur son site Facebook par le ministre des Finances, Serge Dal Busco, qui est une véritable douche glacée face à la multiplication de rêves de grands travaux pour lesquels on n’a pas le premier sou. Ce blog, très clair et très courageux, marque, pour la première fois officiellement sous la plume d’un conseiller d’Etat en charge, la fin du temps des illusions pharaoniques. Sans aucune ambiguïté, le Grand Argentier nous dit qu’on ne pourra pas tout faire. Il faudra choisir. Il n’est pas sûr, à le lire, que le projet dit « d’extension de la gare Cornavin » fasse partie de ses priorités.

     

    Reste l’essentiel : la gare Cornavin doit-elle demeurer, dans vingt, trente, cinquante ans, le nœud principal du trafic ferroviaire à Genève ? Dans de nombreuses autres villes de taille comparable, l’essentiel du trafic national et international converge en une gare extérieure à la gare historique (à laquelle elle est immédiatement reliée, bien sûr). Et le premier édifice, datant du dix-neuvième siècle, au centre-ville, se trouve naturellement attribué aux pendulaires du trafic régional. Nous avons appris que d’autres variantes, présentant les choses comme cela, avaient été un peu vite ignorées dans les travaux préparatoires. C’est dommage : certaines d’entre elles, moins onéreuses, mériteraient peut-être d’être prises en compte.

     

    En clair, il y a de quoi s’interroger sur une certaine précipitation, au Canton comme à la Ville, liée à une certaine légèreté. Voire, plus grave, la mise à l’écart un peu trop rapide de variantes fort intéressantes. Face à ces méthodes étranges, le ministre des Finances, quitte à jeter un léger froid à l’interne du collège, est parfaitement dans son rôle, dans ses bottes, dans sa mission, lorsqu’il appelle à des choix de rigueur et de lucidité. On nous permettra, pour notre part, de lui faire davantage confiance qu’à d’autres. Pour les raisons exprimées dans notre blog précédent, liées au métier d’ingénieur, à la notion de sérieux et de maîtrise des coûts sur la durée. La notion, aussi, de crédit du politique et de respect de la parole donnée.

     

    Dans toute cette affaire de Cornavin, il y a quelque part un sacré nœud. Et il n’est pas sûr du tout que ce dernier soit seulement ferroviaire.

     

     

    Pascal Décaillet