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Etre Romand n'est pas un but en soi

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Sur le vif - Mardi 27.10.15 - 16.11h

 

J’ai vécu, et couvert en direct, comme journaliste de nombreuses élections au Conseil fédéral. C’est un rituel. Une liturgie. Avec un chapelet d’actions très précises, par exemple les vingt minutes entre deux tours, le temps pour les scrutateurs de compter, le suspense entretenu par le président, nombre de voix reçues, valables, nulles, éparses, etc. J’ai vécu aussi de mémorables Nuits des long Couteaux, la veille, jusque tard, à travers les bars bernois, le Café fédéral, le Schweizerhof, et toujours pour finir le Bellevue.

 

Une mythologie, ces petits meurtres de la dernière heure ? Oui, non, c’est selon : assurément le coup monté par Jean-Noël Rey, secrétaire du Groupe socialiste en décembre 1983, contre Lilian Uchtenhagen, et pour placer Otto Stich, était bien réel, et je sais maintenant qu’il fut en effet peaufiné dans les ultimes moments. Et puis, la réélection du Conseil fédéral, c’est toujours en décembre, dans une Vieille Ville de Berne chaleureuse, magnifique, avec décorations de Noël, ambiance de Fêtes. Oui, j’ai aimé ces moments, ils font partie de notre tradition politique fédérale.

 

Une autre coutume, à laquelle je me suis maintes fois prêté comme éditorialiste, c’est qu’un journal, dans un commentaire fracassant de première page, prenne parti pour un candidat. Il est d’usage, et ma foi bien compréhensible, que le quotidien local, celui de tout un canton, soutienne « son » poulain. Il s’affirmera ainsi comme le journal du canton, celui qui en défend les intérêts supérieurs. Admettons.

 

Pour autant, l’édito de 24 Heures de ce matin, également dans la Tribune de Genève, me laisse sur ma faim. Faut-il à tout prix, en 2015, soit 167 ans après l’élection du premier Septuor, attacher tant d’importance à l’origine cantonale d’un candidat au Conseil fédéral, gouvernement de notre pays, chargé de défendre les intérêts vitaux de la Suisse tout entière ? A cette question, au risque de choquer la Romanité de certains, je réponds non.

 

Pourquoi ? Parce que j’estime qu’être Romand n’est pas un but en soi. Il y en a déjà deux au Conseil fédéral, MM Berset et Burkhalter, je ne vois pas exactement l’urgence ethnique d’en ajouter un troisième, il faudrait plutôt s’interroger sur la question de la Suisse italienne. Et puis, voyez-vous, je connais très bien l’Histoire suisse, celle de nos conseillers fédéraux notamment, depuis 1848 : eh bien là aussi, au risque de heurter, je compte sur les doigts d’une main les très grands conseillers fédéraux romands. Et même en tenant compte du prorata de la population, désolé, mille fois pardon, mais je recense beaucoup plus d’hommes d’Etat chez les Suisses alémaniques que chez les Romands. Avec, bien sûr, d’inoubliables exceptions : je pense en premier lieu à Jean-Pascal Delamuraz, avec émotion, nostalgie. C’était un tout grand.

 

Dès lors, l’engagement éditorial de 24 Heures (et, par reprise, la TG) au nom du Vaudois de service, parce qu’il est le régional de l’étape, et pour cela seulement, m’apparaît comme un peu dépassé. Un peu provincial. Dans un enjeu aussi important, il faut une approche nationale. Il faut aller chercher l’intérêt supérieur du pays. Et puis franchement, fin 2015, je trouve carrément ringard de s’imaginer qu’un conseiller fédéral, comme au temps des diligences, « représenterait » son canton. Il n’est d’ailleurs, statutairement, pas là pour ça. Donc, voilà, cet édito ne m’a pas convaincu. J’ignore absolument qui sera élu au Conseil fédéral le 9 décembre. Je souhaite à tout prix, simplement, qu’il s’agisse d’une personnalité puissante, inspirée, cultivée. A partir de là, le canton d’origine m’est parfaitement indifférent. Nous sommes tous Suisses. Tous, filles et fils de ce même pays, dont le charme pluriel façonne le miracle des équilibres. Enrichissons-nous les uns les autres, lisons les auteurs alémaniques, n’oublions jamais la partie italophone. Et, pour une élection au Conseil fédéral, laissons un peu les attachements de clochers.

 

Pascal Décaillet

 

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