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Sur le vif - Page 683

  • Troix voix, un miracle

     

    Sur le vif - Vendredi 10.02.17 - 13.58h

     

    Saisissant momenBichro_GT_small.jpgt de radio, qui se termine à l'instant sur France Inter, dans la Marche de l'Histoire : Jean Lebrun interroge Tzvetan Todorov sur Germaine Tillion, en 2012. Germaine Tillion (1907-2008), que j'ai eu l'honneur d'interviewer dans les années 90, n'était déjà plus de ce monde. Aujourd'hui, alors que ces trois voix, d'une infinie présence, se mêlent et nous parviennent, c'est Todorov, avec ses "R" si magnifiques, qui vient de nous quitter.

     

    Trois voix. Trois voix mariées, le temps d'une émission. Aujourd'hui, deux des trois locuteurs nous ont quittés. Mais les trois voix sont là. La Kabylie des années 30. Le Musée de l'Homme. La Résistance. Ravensbrück. La torture en Algérie. La bataille d'Alger, 1957. Germaine, racontée par Tzvetan. Germaine elle-même, en archives. Tzvetan, évoqué par Lebrun. Trois voix, comme trois chemins, dans le mystère de l'univers.

     

    La radio est un miracle.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le crabe, sur la vase

     

    Sur le vif - Mardi 07.02.17 - 05.35h

     

    En politique, ceux qui veulent faire neuf, ou rénovateur, ceux qui prétendent "dépasser le clivage droite-gauche", "faire de la politique autrement", bref tous ces ensorceleurs de la modernité, ces candidats Pepsodent aux dents éclatantes, sont ceux qui vieillissent le plus vite. D'un coup. Comme dans les films d'épouvante.

     

    Pourquoi ? Parce que l'Histoire est tragique. Parce que la lutte des classes, ça existe, la guerre, l'immuable noirceur des passions. Nier cela, au nom d'une modernité présentée comme immaculée, délivrée des antiques malédictions qui nous habitent tous, c'est duper les gens.

     

    L'archaïsme, au contraire, ne cherche pas à tromper. Impopulaire en première lecture, il charrie avec lui la solidité d'une permanence. Il assume l'Histoire, les contradictions, le sang versé, le sacrifice collectif. Il ne cherche pas, sous le moindre prétexte, à diluer des frontières, si porteuses de sens, pour d'improbables conglomérats ectoplasmiques.

     

    Pour évoluer, le monde a besoin de revenants. C'est un paradoxe, oui. Comme la démarche du crabe, sur la vase encore humide.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Les sujets "de société" et le déclin de la presse romande

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    Sur le vif - Dimanche 05.02.17 - 18.29h
     
     
    Dans mon édito d'hier sur la presse romande, "ce qui la tue", j'ai dit un mot de l'importance délirante prise, depuis des décennies, par les sujets "société". J'ai dit aussi le rôle joué par l'idéologie de Mai 68 dans cette tendance. Nous sommes là dans un thème très important pour moi, fondateur de tant de mes combats.
     
     
    Mon problème avec Mai 68 n'a jamais été de type "droite-gauche" : à bien des égards, sur le rapport à l'Etat, à la nation, à la sécurité sociale, à la santé publique, à la solidarité et la cohésion nationales, je suis sans doute plus à gauche que bien des soixante-huitards. Combien d'entre eux, d'ailleurs, libertaires pour lancer le pavé, ne sont-ils pas devenus libéraux, voire ultra, la quarantaine surgie, qui coïncidait avec les années de Veau d'Or, et d'argent facile ? Pendant ce temps, très seul dans la presse romande, je combattais la dérive spéculative et financière, rappelais la philosophie de Léon XIII, d'Emmanuel Mounier et de la Revue Esprit, insistais pour que l'économie demeurât au service de l'humain, de son épanouissement, non le contraire.
     
     
    Non. Mon problème avec Mai 68 est qu'ils n'ont cessé de mettre en avant, non des sujets politiques, mais des sujets "de société". Or, ces sujets-là ne n'intéressent pas. Ils ne m'ont jamais intéressé. Prenez mes textes, je ne m'exprime pas sur eux. Je suis plutôt un homme passionné par l'Histoire, ou plutôt chaque Histoire spécifique à chaque nation, principalement la France, l'Allemagne, la Suisse, les Balkans, mais d'autres aussi. J'ai lu des milliers de biographies historiques, beaucoup plus que de romans. C'est ainsi.
     
     
    Et puis, j'aime la langue. La poésie. La musique, plus que tout. Et puis, observer la nature.
     
    Mais je n'ai aucun avis particulier sur les questions "de société" qui agitent tant l'espace public depuis Mai 68, et la presse romande depuis les années 80, et surtout les années 90, où ces sujets ont explosé dans les médias. Apparition des "pages société", puis de "cahiers société", et même de "magazines société". Cette presse-là ne m'intéresse pas. Elle n'est pas ma tradition personnelle.
     
     
    Je ne nie en aucune manière à cette presse le droit d'exister. Mais je dis qu'elle a pris trop de place, que les sujets "magazine", dans les années cossues des rédactions (qui sont bien finies !), relevant du luxe et non de la nécessité, ont pris un tel empire que certains en ont oublié les fondamentaux du journalisme : traiter l'actualité au jour le jour, avec la rigueur d'un métronome et l'ascèse infatigable, interroger le politique avec une distance critique, décrypter sans concession les mécanismes du pouvoir, proposer sans relâche une mise en contexte historique, une lecture diachronique, analyser plutôt que moraliser. Informer plutôt que distraire.
     
     
    Sur cette inflation des questions de société dans la presse, j'aurai l'occasion de revenir. Nous sommes là dans l'une des causes du déclin de nos journaux, en Suisse romande. On ne peut tout de même pas tout mettre sur la férocité des méchants éditeurs, de Berlin ou d'ailleurs.
     
     
    Pascal Décaillet