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Sur le vif - Page 69

  • La France s'helvétise, et elle a bien raison !

     

    Sur le vif - Jeudi 18.07.24 - 17.40h

     



    Je suis en train de suivre l'élection du Président, ou de la Présidente, de l'Assemblée Nationale française. Et je suis pris d'une émotion. Celle de retrouver des souvenirs de jeunesse, parmi les plus beaux de ma carrière journalistique.

    Pourquoi ? Mais pour une raison toute simple : le temps d'une journée d'élection, le législatif, en France, est enfin roi. Il ne l'a plus été depuis 1958, c'est très vieux : l'année de ma naissance !

    Le temps d'une élection, tous les projecteurs sont braqués sur l'Assemblée Nationale ! Et plus aucun sur l'Elysée. Ca fait du bien : les héros de ces élections législatives ne sont ni le Jupiter d'opérette qui les a voulues, dans un geste de marionnettiste, ni les ministres, ni les stars des plateaux TV. Non, les héros, ce sont les 577 élus légitimes, jaillis de la volonté tellurique du peuple de France : les députés.

    C'est leur jour de gloire. Et ça fait du bien ! l'Assemblée, sous la Cinquième, a toujours été maltraitée. Elle ne l'a jamais été autant que sous Macron, qui a transformé les députés en godillots.

    D'ici une, deux ou trois heures, l'Assemblée aura un Président, ou une Présidente. Nous verrons bien qui. Pour l'heure, apprécions de la voir resurgir, revivre, comme aux temps sublimes de la Constituante, de la Législative,et surtout de la Convention. Lisez Michelet, Histoire de la Révolution française, c'est un chef d’œuvre.

    Quant à moi, je suis ému, nostalgique. Pour la raison suivante : les TV françaises qui couvrent l'événement appliquent exactement la répartition des rôles qui était celle de mes heures si chères comme correspondant au Palais fédéral, puis comme chef de la rubrique nationale, puis comme producteur de Forum. Tous ces rôles, je les ai tenus, à l'époque : soit (le plus souvent) meneur général de l'émission spéciale dans la Salle des Pas perdus, soit "œil" de la rédaction (on est en radio !) qui décrit en chuchotant tout ce qu'il voit comme anecdotes, soit comme meneur de débats, en direct, au milieu de la faune politique. Que de souvenirs, avec mes collègues, journalistes et techniciens ! Parmi les plus beaux de ma carrière.

    Une pensée, particulièrement, pour tous les techniciens qui m'accompagnaient dans ces marathons radiophoniques en direct. Certains d'entre eux nous ont quittés : le souvenir de ces frères d'armes demeure en moi, pour toujours.

    Je dis : "La France s'helvétise", merci de n'y voir aucun paternalisme suisse à l'égard de nos amis d'Outre-Jura. Chaque pays a son génie propre, nul ne peut être calqué sur un autre. Mais tout de même, une Assemblée vivante, imprévisible, une Assemblée qui ourdit, qui vit sa vie, qui ne doit rien au Prince. Pour moi, peu importe l'élu(e) (oh, et et puis si, j'avoue un faible pour le communiste !). Mais l'essentiel c'est ce législatif enfin vivant, au pays de Mirabeau, et du Serment du Jeu de Paume, ça fait immensément plaisir à voir !



    Pascal Décaillet

  • Gauche française : on se calme un peu !

     
    Sur le vif - Mardi 09.07.24 - 16.26h
     
     
    En quel honneur "impose-t-on" au Président de la République française un Premier ministre ? D'où sort cette aberration ? De quel esprit égocentrique a-t-elle été engendrée ?
     
    La gauche française crie victoire depuis dimanche soir. Elle n'a rien gagné du tout. Le premier parti au Palais-Bourbon est le RN. Le "Front populaire" n'est qu'une coalition. Au sein de laquelle l'amour du prochain ne flambe guère comme une vertu première.
     
    Alors oui, cette coalition est arrivée première. Mais elle n'a pas la majorité absolue, personne ne l'a ! Constitutionnellement, le Président de la République choisit qui il veut comme locataire de Matignon. Après une élection, il est d'usage qu'il choisisse dans la majorité gagnante, mais IL N'Y A PAS DE MAJORITÉ !
     
    Alors, quoi ? Alors, on se calme un peu ! Il faut laisser cette Assemblée se constituer (eh oui, comme aux premiers mois de la Révolution), dessiner d'éventuelles alliances, et on y verra plus clair. Ces alliances pourront inclure la gauche, mais elles peuvent tout autant l'exclure. Surtout, s'il choisit le Premier ministre à gauche, le Président n'est nullement tenu de le prendre dans la France insoumise : le PS, par exemple, en pleine phase de reconstruction, pourrait offrir un chef du gouvernement à la France.
     
    Dans tous les cas, une chose est sûre : sous la Cinquième, le Président seul choisit le Premier ministre. Nul n'a à lui dicter son choix. Et entendre les Insoumis hurler, à longueur de journées : "Nous allons désigner, d'ici la fin de la semaine, le futur Premier ministre", relève de la farce la plus sinistre. Et en dit long sur ces gens, leurs appétits dictatoriaux, au sein même d'une gauche dont ils n'ont en aucun cas le monopole.
     
    Peut-être, dans l'étourdissement de leur résultat de dimanche, ces hallucinés du Grand Soir confondent-ils la République française avec un Soviet local, dans une République des Conseils, où la Concorde aurait repris son ancien nom, "Place de Grève". Et réinstallé la joyeuse machine qui fonctionnait, lorsque les dieux avaient si soif, à plein régime.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Et si le problème, c'était un peu vous, M. Bardella ?

     
    Sur le vif - Mardi 09.07.24 - 11.03h
     
     
    Non, M. Bardella, votre défaite n'est absolument pas due aux quelques "erreurs de casting" (bien réelles, certes), dans le choix de vos candidats, dans certaines circonscriptions. Ces erreurs vous auront peut-être fait perdre quelques sièges, mais elles ne sauraient expliquer la contre-performance de votre parti, au deuxième tour. Les vraies raisons qui comptent, les voici.
     
    La première, vous n'y pouvez rien, c'est le système majoritaire à deux tours. Il lamine les puissances montantes, portées par des masses croissantes d'électeurs, dès qu'elles font peur au pouvoir en place. Je me suis déjà exprimé sur le sujet, je n'y reviens pas.
     
    Mais il y a une autre raison, M. Bardella, et cette raison c'est vous. Vous, Jordan, et pas Mme Le Pen. Vous êtes certes brillant, beau parleur à souhait, gendre idéal, tiré à quatre épingles, comme le bourgeois du parti le plus classique, bref vous passez formidablement à l'antenne. Je vous reconnais ces qualités d'intelligence, ainsi qu'une indéniable énergie. Vous êtes un combattant politique de premier plan.
     
    Mais tout talent a ses limites. Vous êtes froid, M. Bardella, cérébral à souhait, vous ressemblez à un jeune cadre ultra-libéral qui aurait pu être dans l'aile orléaniste du Parti Républicain. Les jeunes vous adorent, tant mieux pour vous, mais je crois que pas mal de Français, y compris dans vos rangs idéologiques, ont besoin qu'on leur parle avec un peu de chaleur populaire, de coeur, d'empathie réelle, de sourire, d'humour, de bonne humeur. Peut-être ces qualités-là ont elles encore, chez vous, une certaine de marge de progression, avant que d'affleurer dans le coeur des gens.
     
    Bref, j'admire en vous d'éminentes qualités, je partage pas mal de vos valeurs sur la souveraineté, la régulation des flux migratoires, le respect des paysans et des ouvriers. Mais de grâce, pourquoi mimez-vous à ce point la haute bourgeoisie dominatrice ? Vous cherchez d'ailleurs trop leurs voix, vous éloignant ainsi d'un fumet populaire qui est la force de votre parti.
     
    En comparaison de ces choses-là, qui vous impliquent directement, les quelques "erreurs de casting", avec deux ou trois cinglés mal ciblés dans telle ou telle circonscription, représentent assurément peu de choses. Il ne faudrait pas que vous donniez l'impression, en les citant sans cesse dans le débriefing de la campagne, que vous passez au deuxième plan votre propre responsabilité (vous l'avez certes reconnue), comme chef, au plus haut niveau de cette campagne.
     
     
    Pascal Décaillet