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Sur le vif - Page 477

  • John E. Jackson, lisez Lacouture !

     

    Sur le vif - Vendredi 27.09.19 - 18.16h

     

    En un demi-siècle de passion historique totale pour de Gaulle, j'ai évidemment tout lu ce qui, en français, a été publié sur lui. Cela occupe plusieurs rayons de ma bibliothèque.

    Je vais évidemment lire le livre de l'historien britannique Julian Jackson : "De Gaulle, une certaine idée de la France", Seuil, 984 pages.

    Mais je n'apprécie absolument pas ce que John E. Jackson suggère, dans l'article que le Temps vient de mettre en ligne, de l'exceptionnelle biographie de Jean Lacouture, publiée en trois volumes dans les années 80. A chaque parution de volume, je me précipitais le matin, à la première heure, à l'ouverture de la librairie !

    John E. Jackson laisse entendre que le triptyque de Lacouture serait aujourd'hui dépassé. Voire (si c'est à cela qu'il fait allusion dans le chapeau de l'article), qu'elle ferait partie des "visions hagiographiques habituelles".

    Quelle méconnaissance ! D'abord, de l'oeuvre monumentale de Lacouture, première véritable somme critique et accomplie, après (en effet) trop d'ouvrages hagiographiques dans les années 70. Avoir lu Lacouture, dans les années 80, fut pour les passionnés d'Histoire une incroyable révélation. La somme d'archives, de correspondances, de documents inédits compulsés, y est époustouflante, on en apprend énormément sur les années de jeunesse, les influences. On y entend des témoins (encore vivants à l'époque, aujourd'hui disparus).

    Bref, Lacouture nous a proposé, il y a 35 ans, un extraordinaire bond en avant dans la connaissance de la vie et de l'oeuvre de Charles de Gaulle. L'ouvrage n'est évidemment pas parfait, mais enfin à ce jour (faute d'avoir encore lu Julian Jackson), il constitue à mes yeux la référence.

    Surtout, Lacouture n'a rien d'hagiographique. Ce journaliste d'exception, que j'ai eu maintes fois l'honneur d'interviewer, avait été, du vivant de Charles de Gaulle, un opposant à la plupart des aspects de sa politique. Le triptyque ne manque pas de relever les limites de l'action publique du Général. Tout au plus est-il écrit, grâce à une magnifique plume et un style boisé comme les vieux vins du Bordelais, avec une empathie de style qui n'est pas à tenir pour de la complaisance.

    En conclusion, je vais évidemment me précipiter sur l'ouvrage de Julian Jackson. Mais j'invite avec ardeur son homonyme, John E. Jackson, à relire les trois volumes de Lacouture publiés dans les années 80 (Le rebelle, le politique, le souverain). Il y trouvera plus de génie et de découvertes que d'hagiographie.

    Mon cher Jean Lacouture, qui nous avez quittés il y a quatre ans et dont j'ai lu et relu absolument tous les livres, de la biographie de Mendès France à celle de Nasser, je pense à vous avec attachement et émotion. Vous étiez un passeur d'exception.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Chirac, tellement vivant, tellement humain

     

    Sur le vif - Jeudi 26.09.19 - 14.24h

     

    Je me souviens, comme si c'était hier, du 10 novembre 1970, lendemain du 9. Je rentrais de l'école à midi, j'avais douze ans, 2ème année secondaire, ma mère m'annonçait la mort de Charles de Gaulle.

    Je me souviens du 2 avril 1974. Nous regardions, avec mes parents, "L'Homme de Kiev" aux Dossiers de l'écran. Interruption du film. Annonce de la mort de Pompidou, Président en exercice.

    Je me souviens du 8 janvier 1996, lorsque j'ai appris la mort de François Mitterrand. J'étais à mon bureau, à la RSR, à Lausanne.

    Je me souviens de Jacques Chirac, les deux fois où je l'ai vu physiquement. En 1998 à Zurich, lors de sa visite en Suisse. Et surtout, dans le meeting inoubliable de l'entre-deux-tours à Lyon, en avril 2002. Je présentais Forum en direct sur place, au milieu d'une foule immense, dans un fracas d'enfer, c'était magique.

    Je me souviens qu'avec mon ami Bertrand Ledrappier, suivant de très près le duo Giscard-Chirac entre 74 et 76, nous préférions mille fois l'impétuosité populaire du second à la distance orléaniste du premier.

    Je me souviens de Cochin, l'Appel, le "parti de l'étranger" (1978). J'aimais ça, parce que déjà, je n'aimais pas le parti européen, en France. La liste de Simone Veil (qui l'emportera en 79) ne m'était absolument pas sympathique. Ni la liste, ni (désolé) la personne qui la conduisait.

    Je me souviens de quarante ans de vie politique, sur laquelle tout a été dit. Un homme complexe, protéiforme, caméléon, qui aura tout été, et le contraire de tout. Je veux retenir le radical, façon Troisième République, devenu gaulliste. Mais radical, avant tout. Radical cassoulet, Province, jamais aussi à l'aise qu'avec des paysans, sur le terrain.

    Je me souviens qu'il a été, de 72 à 74, le meilleur ministre de l'Agriculture depuis Sully, qui avait servi Henri IV. Il a aimé et protégé les paysans de France, il les a défendus face à Bruxelles, il manque aujourd'hui, immensément.

    Je me souviens d'un débat, il y a si longtemps, entre lui et Georges Marchais. Il émanait de ce duel une sympathie de l'illustre communiste à son égard.

    Je me souviens de son débat de 88 face à François Mitterrand. "Vous avez parfaitement raison, Monsieur le Premier ministre". D'une réplique, le Prince du verbe l'avait poliment terrassé.

    Je me souviens du Discours du Vel d'Hiv, en 95.

    Je me souviens - pour toujours - de son amitié profonde pour le monde arabe, de sa connaissance de l'Orient compliqué, de son amour des langues orientales, de son respect pour les peuples opprimés, de la manière dont il avait engueulé, en Vieille Ville de Jérusalem, les gorilles israéliens qui voulaient l'empêcher d'approcher la foule palestinienne.

    Je me souviens de son NON catégorique à l'opération folle, insensée, des Américains contre l'Irak, en 2003. Ce jour-là, nous avions retrouvé la grande politique arabe de Charles de Gaulle, proche des peuples, contre les oligarchies.

    Je me souviens, et pourrais me souvenir sur des kilomètres encore. Il n'avait ni le génie de Charles de Gaulle, ni la majesté de François Mitterrand, mais c'était un pur-sang de la politique, totalement habité par le démon de l'action. Un affectif, jamais plus heureux qu'au milieu des foules, l'homme qui a serré des millions de mains.

    Je me souviendrai toujours de Jacques Chirac, comme de Charles de Gaulle et François Mitterrand. Il a servi la France. Il a su conquérir une très grande affection chez ses compatriotes. Un très grand nombre de Français, au moment où j'achève d'écrire ces lignes, sont émus. Ils ne pleurent peut-être pas un père, comme de Gaulle en novembre 1970. Mais une sorte de grand frère, voyou, adoré, flambeur, joueur, parfois maladroit. Mais tellement vivant. Tellement humain.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les vraies préoccupations des Suisses

     

    Sur le vif - Jeudi 26.09.19 - 10.38h

     

    Les plus précaires, en Suisse ? Ils ne parlent pas beaucoup climat, croyez-moi. Mais primes maladie, santé, retraites, emploi, prix de l'essence, prix des médicaments, loyers, taxes, solitude des seniors. Et aussi, ne vous en déplaise, contrôle des flux migratoires.

    Méfions-nous de l'immense effet d'amplification du sujet-aubaine pour les Verts en vue du 20 octobre, le sujet-tintamarre, le sujet-propagande, orchestré de façon obsédante, comme s'il était le thème de préoccupation no 1 de nos compatriotes.

    Il ne l'est pas. Il est certes à traiter, mais usurpe éhontément sa place dans la hiérarchie. Tout en haut, dans les soucis des Suisses, il y a l'impérieuse nécessité de vivre dignement. La première urgence, pour les gens, est SOCIALE, elle n'est pas climatique.

    Avoir travaillé toute sa vie, payé des primes, ses impôts, et ne pas avoir de retraite décente, c'est cela qui est dégueulasse, cela qui doit être corrigé. Travailler comme un fou, et ne pas pouvoir mettre un sou de côté, parce qu'on nous pompe et nous tond de partout, c'est cela qui rend la classe moyenne folle de rage.

    Le climat ? Le climat oui, bien sûr. Il ne s'agit pas de nier le problème. Mais de considérer sa place réelle dans la hiérarchie des préoccupations des citoyennes et citoyens de ce pays. A cet égard, il convient d'identifier comme tel le véritable matraquage verbal dont nous sommes victimes, depuis des mois.

    Le 20 octobre, le peuple suisse votera. On crédite des Verts de 10% des voix. Fort bien. Mais cela signifie que 90% du corps électoral ne votera pas pour les Verts. Et quand bien même ils feraient 15%, il y aurait encore 85% contre eux.

    J'invite mes concitoyennes et concitoyens à garder la tête froide. Non pas nier la nécessité de s'occuper du climat. Mais refuser, avec la dernière énergie, l'ambiance de matraquage et de propagande orchestrée autour de ce thème.

    Ai-je été assez clair ?

     

    Pascal Décaillet