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Sur le vif - Page 411

  • Régime de crise, crise du régime

     

    Sur le vif - Lundi 23.03.20 - 07.49h

     

    Le Parlement fédéral veut siéger. Et il a raison ! En aucun cas, sous prétexte de crise, nos législatifs, aux trois niveaux de notre Confédération, ne doivent disparaître des radars.

    En leur absence, les exécutifs prennent très vite leurs aises, à force d'ordonnances, directives et arrêtés. Ils bénéficient du soutien d'une partie de l'opinion publique, et même de celui - autrement plus surprenant - d'une partie de la presse, comme cet éditorial ahurissant du Nouvelliste, qui appelait samedi les gens à se la coincer, purement et simplement. Elle doit s'évaporer à la première tempête venue, la fonction critique des citoyens ?

    La Suisse a besoin, en ces temps très difficiles, de ses trois pouvoirs institutionnels : l'exécutif, le législatif, le judiciaire. On peut comprendre que ces deux derniers fonctionnent au ralenti, privilégiant l'essentiel et remettant à plus tard l'accessoire. Mais pas qu'ils disparaissent !

    Nous devons assurément respecter les consignes de nos autorités. Mais nul d'entre nous n'est tenu de renoncer à son esprit critique. Toute citoyenne, tout citoyen de ce pays a le droit de faire connaître son point de vue. Il peut désapprouver les mesures, s'il les juge par exemple excessives, mais doit les appliquer. C'est cela, l'essence même de la République, cela au millimètre près, cette tension dialectique entre discipline collective et liberté de pensée. Aucune crise, sous aucun prétexte, n'a à remettre en question le second élément.

    Rappelez-vous le sticker : j'avais condamné comme inutile (à mes yeux) cette vignette, mais m'étais précipité pour l'acheter. On respecte les lois, mais on s'exprime.

    Quant aux Parlements de notre pays, ils disposent largement des moyens de faire leur travail sans que les députés ne s'agglutinent physiquement les uns aux autres ! Ils en disposaient déjà depuis des années, comme nous l'avons maintes fois souligné ici, bien avant cette crise. Le temps des diligences et des antiques Diètes est révolu, il faut révolutionner les modalités mêmes du travail parlementaire.

    Il n'est pas question que la Suisse, sous prétexte de crise sanitaire majeure, ne fonctionne plus qu'avec des exécutifs. Déjà, ces derniers s'accommodent fort bien de la vacance parlementaire. Déjà, ils prennent goût aux arrêtés, aux ordonnances, aux directives. Nous, Suisses, devons nous montrer très attentifs à ce que le régime de crise ne tourne pas gentiment en une crise du régime.

     

    Pascal Décaillet

     

     
     
     
  • Cela s'appelle la présence

     

    Sur le vif - Dimanche 22.03.20 - 10.38h

     

    Une Cathédrale plus nue et plus sobre que jamais. Juste quelques humains, distants les uns des autres. Seuls, au milieu du vide.

    Des mots remarquables, du Pasteur, sur les activités de guérisseur de Jésus, l'ambiguïté des miracles, les aveugles et ceux qui voient.

    Un organiste habité, qui chante en jouant. Quelques chanteurs (dont la remarquable Géraldine Cloux), au fond de l'autel. Le violon de Bianca Favez.

    Un Culte, sans les fidèles. Quelques fleurs, pas trop. Le bleu du vitrail, dans l'ocre pâle de la pierre.

    L'immensité du vide.

    Et pourtant, par le verbe et par la musique, par la distance et par le chant, par l'austère majesté des lieux, une incroyable puissance de l'invisible.

    Cela porte un nom. Cela s'appelle la présence.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le sel du tragique et le sucre de canne

     

    Sur le vif - Samedi 21.03.20 - 17.06h

     

    Dans la crise que nous traversons, une seule entité politique survit : la nation. Chacune d'entre elles, la Suisse, la France, l'Italie, etc., fait ce qu'elle peut, prend les décisions qu'elle croit justes, mobilise les énergies, tente au mieux d'affronter la tempête. Chacune de ces nations, dans le monde, mérite le respect, pour les efforts immenses qu'elle entreprend.

    La nation se bat, le multinational a totalement disparu des radars. Un exemple : l'impuissance totale de l'Union européenne à exister dans cette affaire. On ne l'entend plus, ou alors par de sourds borborygmes. Elle ne signifie plus, elle gesticule. Elle ne se singularise plus, elle tente tout au plus de mimer les différentes autorités nationales.

    Cette liquéfaction d'instances multilatérales dont on nous promettait le salut, et qui ont littéralement disparu des écrans radar, était prévisible. Mais la célérité avec laquelle elles se sont effondrées dépasse les prévisions des plus pessimistes sur l'opportunité même de leur existence. Face à cette crise sanitaire majeure, l'Union européenne n'existe plus, ne parlons pas de l'ONU, tout ce petit monde a volé en éclats, comme la SDN à la fin des années trente. Ne reste plus que chaque nation, souveraine et combative, pour faire au mieux.

    Pour notre part, depuis des décennies, nous n'avons jamais dit autre chose. La seule unité de référence, aujourd'hui, dans laquelle puissent avec efficacité s'organiser la solidarité, la cohésion sociale, la réinvention d'un destin, se situe à l'intérieur des frontières nationales. Le reste, c'est du vent. Du rêve de beau temps. Des discours d'entre-deux-guerres. Du sucre de canne, dans les cocktails de la "Genève internationale".

    Il faudra, très vite, en tirer les conséquences. Sur notre politique de sécurité, qui a plus que jamais sa raison d'être. Sur notre souveraineté alimentaire. Sur la relance, puissante, solidaire et patriotique, d'une économie nationale. Pour l'heure, respect des directives, solidarité avec tous, communion avec ceux qui souffrent. Sur ce dernier point, c'est bien l'un des seuls, soyons universels : un humain est un humain, chacun en vaut un autre. C'est du moins là, depuis l'aube de mon enfance, et les valeurs que j'ai reçues, ma vision du monde, et mon credo.

     

    Pascal Décaillet