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Sur le vif - Page 355

  • Radicaux et socialistes, partis d'Etat

     
    Sur le vif - Jeudi 08.10.20 - 10.35h
     
     
    Dans l'Histoire de la Suisse moderne, deux partis m'impressionnent depuis toujours, dans leur dimension d'Etat : les radicaux et, dans une mesure un peu moindre mais bien réelle, les socialistes.
     
    Je partage à bien des égards la vision politique des premiers, et beaucoup moins celle des seconds, comme on sait. Mais peu importe ! Les radicaux et les socialistes, je les comprends. Je parle leur langage. J'ai lu les mêmes livres. Je sillonne comme eux le champ de leurs références.
     
    Et ce champ, c'est celui de l'Etat. Les radicaux ont fait la Suisse moderne. Sept conseillers fédéraux sur sept, entre 1848 et 1891 ! L'industrie, c'est eux. La puissance économique, c'est eux. Le Gotthard, c'est eux. Le tissu ferroviaire, c'est eux. La chimie à Bâle, la machine-outil dans le Triangle d'or, c'est eux. Les institutions encore en vigueur aujourd'hui, c'est eux. Ils ont fait l'économie, et ils ont fait l'Etat.
     
    Tant qu'ils demeureront sur cette ligne, je pourrai faire un bout de chemin avec eux. Tant qu'ils agissent au grand jour, mettent les cartes sur la table. Les radicaux fraternels et lumineux, persuadés d'avoir tout compris, tout seuls, aux inquiétudes spirituelles de leurs contemporains, en les considérant comme caduques, archaïques, au nom d'une Raison triomphante, je les combats. En certaines terres que je connais bien, quelque part entre Furka et Camargue, ces radicaux, organisés en Ordres monastiques de la laïcité, m'exaspèrent. Sauf ceux qui assument, annoncent la couleur, au grand jour. Avec ces derniers, aucun problème.
     
    Les socialistes, je ne partage pas leurs visions. Mais c'est un parti d'Etat, c'est certain. Ils ont pour l'Etat un dessein, une ambition. Tentaculaire, peut-être, et c'est là le problème. Mais enfin, leur langage est un discours d'Etat, leur horizon est d'Etat, leur univers est d'Etat. Leur langue, je la comprends. Je ne comprends pas celle des Verts.
     
    Et puis, radicaux et socialistes ont donné à la Suisse les hommes que j'admire le plus : Hanspeter Tschudi, Jean-Pascal Delamuraz, André Chavanne, et quelques autres. J'ai connu ces trois hommes, personnellement : grande interview radio de Tschudi, chez lui à Bâle, pour ses 80 ans, en 1993. J'ai connu Chavanne. Et j'ai fréquenté de près Jean-Pascal Delamuraz, comme on sait, pendant des années, le suivant notamment sur plusieurs voyages à l'étranger, et couvrant au jour le jour, micro en main, la bataille épique du 6 décembre 1992.
     
    On connaît un peu mon trajet intellectuel et politique, on sait que mes idées souverainistes m'éloignent aujourd'hui de ces deux partis. Mais je garde avec eux, en commun, la passion de l'Etat. Surtout pas un Etat qui s'occupe de tout ! Mais un Etat fort, là où il doit l'être : la défense nationale, les grandes infrastructures, la santé, la formation. C'est autour de nos appétits d'Etat que nous, les citoyennes et citoyens de ce pays, devons, au-delà de nos différences, nous rassembler. Car le projet purement privé, la réussite seulement individuelle, à la Berlusconi, n'est d'aucun secours au salut d'un pays. Tout au plus creuse-t-il des inégalités, là où il faut les combler.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Conseil d'Etat : la Ligne Maginot

     
    Sur le vif - Mercredi 07.10.20 - 18.50h
     
     
    Le ronron pépère du Conseil d'Etat, en silos, alors qu'un cabinet de guerre anti-crise économique s'impose, me fait penser aux généraux français de la Ligne Maginot, entre le 2 septembre 1939 et le 10 mai 1940 (l'attaque à l'Ouest).
     
    Savez-vous par exemple que le Général Gamelin, généralissime en retard d'une guerre, utilisait encore le bon vieux téléphone de campagne, le même que celui des tranchées de 14-18, alors que les Divisions Panzers allemandes, mobiles et autonomes, communiquaient entre elles, en mouvement, par radio ?
     
    Lire absolument un livre dont je parle souvent, l'un de mes ouvrages de chevet depuis 40 ans : "L’Étrange Défaite", de Marc Bloch, qui nous raconte de façon saisissante l'aspect intellectuel et moral de la déroute française de mai-juin 40. Alors que la Mobilisation générale de 1939 s'était très bien passée, parfaitement coordonnée. Alors que le matériel français (contrairement à la légende instillée après la défaite par Vichy, pour charger Blum et le Front populaire de 36) était aussi moderne que celui des Allemands. Alors, surtout, que les soldats français se sont, là aussi contrairement à la légende noire de Vichy, courageusement battus.
     
    Quand je vois ce Conseil d'Etat inerte et disparate, je songe aux braves généraux français de la Ligne Maginot, pendant la Drôle de Guerre, entre le 2 septembre 39 et le 10 mai 40. Ils sont tétanisés. Ils n'osent pas le mouvement. Ils n'osent rien. Ils s'enterrent, en attendant que l'Histoire, quelque part au-dessus de leurs têtes, fasse son oeuvre.
     
     
    Pascal Décaillet
     
     

  • Les sujets "de société" ? Pas chez moi !

     
    Sur le vif - Mercredi 07.10.20 - 09.57h
     
     
    La décadence d'un journal commence lorsque les sujets dits "de société" (obsession depuis Mai 68) l'emportent sur l'analyse politique, la culture, la perspective historique, la critique du pouvoir : tous les pouvoirs, quels qu'ils soient.
     
    La décadence d'un journal, ou d'un média, c'est préférer nous parler, à n'en plus finir, d'une histoire de t-shirt, dans une école, sous prétexte que cette histoire serait révélatrice d'un "phénomène de société", alors que l'économie, autour de soi, est en train de s'effondrer. On voudrait se placer du côté du pouvoir, brandir "l'affaire du t-shirt" comme un paravent, pour distraire la foule, la détourner les enjeux économiques et sociaux de fond, ceux qui sont structurellement lourds, on ne s'y prendrait pas autrement.
     
    La mode "société", depuis Mai 68, n'est ni neutre, ni le fruit du hasard. Sous prétexte d'ouvrir des horizons nouveaux, transversaux, sous prétexte de réinventer l'humain sur les questions liées au genre, au sexe, elle détourne son regard de l'Histoire en marche. Elle méprise les plus faibles, les plus précaires, en faveur de qui une constante réflexion économique et sociale est fondamentale. Elle méprise l'institutionnel. Elle méprise la démocratie elle-même, avec toutes les voies d'expression du démos : travail législatif, démocratie directe. Elle méprise les vrais contre-pouvoirs culturels, ceux qui prennent des risques. Le risque, par exemple, de se faire laminer par les meutes, sur les réseaux sociaux.
     
    La mode "société" n'a strictement rien entrepris, depuis trente ans, contre les ravages du système ultra-libéral, destructeur d'Etat et de lien social. Au contraire, elle a profité des années de vaches grasses pour nous fourguer des milliers de sujets futiles, sur papier glacé, dans des magazines aux mains de richissimes financiers ne songeant qu'à capter le marché publicitaire. Pendant ces trente ans, les sociétards ont profité du système. Ils n'ont jamais exposé la moindre critique du modèle ultra-libéral.
     
    Je lutte, pour ma part, pour exposer au public des sujets d'intérêt général, soit la politique dans le sens le plus noble, les affaires de la "Polis", la Cité, au sens où entend Aristote dans son traité si fondamental sur ce thème. Je lutte pour un univers où chaque citoyenne, chaque citoyen, prenne position sur les sujets qui concernent le destin commun. Et qu'on s'engueule, ça fait du bien, ça fait partie du jeu, de la catharsis (pour reprendre un autre mot d'Aristote, La Poétique, Livre 6, définition de la tragédie).
     
    Dans ce sens, qui a toujours été le mien, je m'exprime sur la politique. Sur l'Histoire. Sur la culture. Sur la littérature. Sur la musique. Les sujets "de société", notamment ceux liés aux questions de genre, ne m'intéressent pas.
     
    Je ne dis pas qu'ils ne sont pas intéressants. Je dis qu'ils ne m'intéressent pas. Vous les trouverez ailleurs, à profusion. Mais pas chez moi.
     
     
    Pascal Décaillet