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Sur le vif - Page 171

  • Tellement rafraîchissant : le Cocktail Volodymyr !

     
    Sur le vif - Vendredi 18.11.22 - 10.19h
     
     
    C'est fait ! L'Internationale des Barmans vient d'adopter un nouvel apéritif breveté, le "Cocktail Volodymyr".
     
    Contrairement à toutes les autres boissons, le Cocktail Volodymyr ne se définit pas par son contenu (on peut remplir son verre avec ce qu'on veut), mais par le moment qui l'entoure.
     
    On appellera ainsi "Cocktail Volodymyr" tout début de soirée internationale, artistique, caritative, robes longues et smokings, anglais obligatoire, commençant par une allocution de l'Homme de Kiev, en duplex sur écran géant, devant l'assistance émerveillée, debout, retenant toute parole, dans un silence anglophone.
     
    Alors, dans ce Sanctus initial de la soirée mondaine, toutes grandes orgues tues, la boisson que vous tiendrez à la main, quel que soit son contenu, pourra porter le nom de "Cocktail Volodymyr". En vertu d'une forme sécularisée de la transsubstantiation.
     
    Mieux : par extension, ce début de festivité entrera comme nom commun dans les usages, et on pourra se dire : "Dépêchons-nous, Irène, nous n'avons pas encore laissé la Bentley au groom pour qu'il la gare, la soirée commence dans huit minutes, nous avons encore l'escalier de marbre à gravir, avec ces insupportables paparazzi, nous n'allons tout de même pas louper le début du Cocktail Volodymyr, bordel de merde !".
     
    Des cartes de fidélité seront distribuées. A partir de vingt participations à un Cocktail Volodymyr, Kiev vous décernera son Pélican d'Or. Payable en dollars, en cryptomonnaies, ou en bons d'armement pour l'industrie américaine.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Mourir pour Dantzig ? La prochaine fois !

     
    Sur le vif - Jeudi 17.11.22 - 06.11h
     
     
    Il fallait les entendre, avant-hier soir, les surexcités des chaînes continues, les Parigots qui refont le monde dans leur consanguinité consensuelle, prendre les airs de ceux qui allaient mourir pour Dantzig.
     
    La Pologne ! Ce moment qu’ils attendaient tous. La Pologne avait été touchée ! Or, c’est connu, toutes les guerres commencent en Pologne, celle de Troie, celle de Cent Ans, celle des Gaules. La Pologne, c’est la Ligne bleue de l’Oder et de la Vistule, c’est l’éternel prétexte à déclarer des guerres justes. Nous sommes tous des Polonais, dès que le ciel se charge.
     
    Avant-hier soir, ils tenaient enfin leur victime idéale. Hélas pour nos justiciers, la journée d’hier a été un peu difficile. Un entrepôt de céréales touché, c’est peut-être un peu juste pour être Pearl Harbor. Et surtout, cette infamie : l’affaire serait, tout au plus, une « erreur » des gentils Ukrainiens.
     
    Las ! Il a fallu rétropédaler. Prendre ses petites pilules bleues, dans la boîte nacrée d’or, et se calmer un peu. Mourir pour Dantzig, oui. Mais la prochaine fois.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Barenboim, relieur d'âmes

     

    Sur le vif - Mardi 15.11.22 - 10.02h
     
     
     
    Né le 15 novembre 1942 à Buenos-Aires, 80 ans aujourd'hui, Daniel Barenboim n'est peut-être pas mon chef d'orchestre préféré, ni mon pianiste préféré (bien qu'il soit l'un des meilleurs vivants), mais ces deux restrictions n'ont strictement aucune importance. Parce qu'il est un géant.
     
    Un musicien total, enfant prodige dans son Argentine natale, mémoire musicale unique au monde (à l'exception de Martha Argerich), une vie dévorée par la musique, c'est fou, c'est prométhéen, c'est vertigineux, tout ce que cet homme a fait, toutes ces intégrales qu'il nous aligne comme d'autres vont aux champignons, toute l'immensité de son art.
     
    Daniel Barenboim est non seulement l'un de nos plus grands virtuoses, il est aussi une encyclopédie vivante et frémissante, sans cesse renouvelée. Il est la Bibliothèque d'Alexandrie, celle qui jamais ne brûle d'une autre ardeur que celle de la passion. Il est la vie musicale de la seconde partie du 20ème siècle, et de ce début de 21ème.
     
    Le grand Furtwängler, lorsque Barenboim n'avait que onze ans, avait voulu lui faire donner des cours par des gens de la Philharmonie de Berlin, le père de l'enfant avait exprimé des réticences, c'était l'Allemagne de l'immédiate après-guerre, l'irréparable n'était pas si loin. Et pourtant ! S'il est un homme, imprégné de tradition juive, parlant parfaitement l'hébreu, qui a, toute sa vie, propagé dans le monde la culture allemande, Beethoven, Wagner, c'est bien Barenboim. Avec l'Allemagne, il jette des ponts. Avec les Palestiniens, il jette des ponts. Avec tout ce qui pourrait lui apparaître comme a priori hostile, il jette des ponts. Cet homme est un relieur d'âmes.
     
    Les grandes chaînes musicales, depuis des jours, comme Mezzo, rendent hommage à Barenboim, pour cet anniversaire. Intégrale des sonates de Beethoven à Berlin, Mozart à la Jahrhunderthalle de Bochum, et tous les autres. Hier soir encore, c'était la Mer, de Debussy. Lorsque Barenboim cumule le piano et la direction d'orchestre, dans Mozart et Beethoven, on se dit d'abord qu'il en fait trop. Impeccable au clavier, génial de clarté dans Mozart, d'énergie dans Beethoven, il est assurément un peu approximatif lorsqu'il se lève de son siège pour diriger l'orchestre. Mais au fond, quelle importance ? C'est la performance d'ensemble que vise cet homme de la totalité. Si ses deux mains sont occupées par le clavier, qu'importe, il dirigera du menton, et la musique s'accomplira. En plus, il suffit de fermer les yeux, ou d'écouter le disque, et il n'y a rien à redire.
     
    Il faut lire la vie de Barenboim avec, en palimpseste, celle de Beethoven. L'Argentin d'Israël et de Berlin a déjà dépassé, de 23 ans, celle de l'Allemand de Vienne. Mais ce corps, dévoré d'énergie. Cette alliance de puissance et de clarté. Hier soir encore, sur Mezzo, on voyait Barenboim, à Bochum, jouant et dirigeant le Concerto pour piano no 3 en ut mineur, opus 37, de Beethoven. Dans le Rondo final, ce combat de Titans entre le piano et l'orchestre, reprenant interminablement le même thème, l'intimité d'un corps à corps, d'amour et de mort mêlés, la puissance d'une énergie, celle de la vie.
     
    Excellent Anniversaire, M. Barenboim. Vous êtes chaleur et lumière, raison et folie, don et travail, énergie et puissance. Vous êtes la vie, contre la mort.
     
     
    Pascal Décaillet