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Sur le vif - Page 1027

  • Salika Wenger

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    Lundi 28.03.11 - 10.15h

     

    Salika Wenger ne pleurniche jamais. Les soirs de votations, qui sont souvent des soirs d’échec, elle ne vient jamais se lamenter, accuser le peuple d’avoir mal voté, la partie adverse d’avoir eu trop d’argent, le monde d’être méchant. Salika Wenger est une combattante. Elle se bat.

     

    Salika Wenger ne sombre jamais dans la scélérate, la mortifère confusion entre le grave et l’aigu, infantile maladie d’une certaine gauche genevoise. Elle ne dit jamais « dèbat », ni « compètente », ni « dèfavorisè », n’utilise d’ailleurs aucun de ces trois mots, et quand bien même elle faiblirait à en user, elle placerait l’aigu là où il faut. Avec la précision d’une broche, sur un tailleur.

     

    Salika Wenger est l’une des rarissimes personnes de la classe politique genevoise à parler juste et bien, un français clair en simple, sonore. Rien de précieux pourtant : le subjonctif imparfait, style ancien bâtonnier, n’est pas pour elle. Elle a mieux à faire.

     

    Salika Wenger écoute l’adversaire, ne l’attaque jamais personnellement, se délecte simplement à en démantibuler l’argumentaire, un peu comme un enfant cruel qui arracherait, une à une, les ailes des guêpes, en sifflotant. Ses phrases ont un début, un développement et surtout une fin, cette fameuse chute qui manque tant chez les leaders politiques.

     

    Chez Salika Wenger, chaque syllabe est posée. Dans son phrasé, il y a des notes et il y a des silences, la consonne est mise en valeur, la voyelle, en couleur. Une virgule est une virgule, la respiration l’accompagne. Un point est un point. La joie, la colère, l’indignation, n’existent que redoutablement théâtralisées.

     

    Il y a quelques milliards d’années-lumière entre l’efficacité rhétorique d’une Salika Wenger et l’aphasie de certains politiques genevois, jusqu’au plus haut niveau. Elle n’a pas besoin, elle, d’engager des boîtes de communication, ni dans le privé, ni dans le public.

     

    Salika Wenger ne nous emmerde pas avec l’épicène, elle est de cette génération où on étudiait encore la grammaire, le masculin tient du neutre, et on n’en fait pas une maladie. Féministe, elle déteste les jérémiades. Femme de gauche, elle abhorre le relâchement vestimentaire. Elle a juste envie, très fort, de vivre et de se battre. Et cela se sent. Et cela se voit. Dans la chambrée des torpeurs, elle sonne le réveil. Le tocsin. Et cela s’entend. Très fort. Et très loin.

     

    Pascal Décaillet

     

  • A Anières, le 22 ne répond plus

     

    Sur le vif - Et sans plomb - Vendredi 25.03.11 - 16.42h

     

    Chez les braqueurs, l’existence précède l’essence. On se pointe dans une station-service, on brandit une arme de poing, on file au turbo avec la caisse. Scénario huilé, vidangé, répétitif comme dans Bonnie and Clyde, la magie des visages de Faye Dunaway et Warren Beatty en moins. Hier, nous révèle la Tribune de Genève, c’était Anières. Dix-huitième brigandage de l’année sur Genève. En général, les commerces attaqués se trouvent à proximité de la frontière.

     

    A ce rythme, le job de pompiste confine à l’apostolat. Et l’augmentation des effectifs des gardes-frontière, une impérieuse nécessité. Bien sûr, nulle douane ne sera jamais étanche. Bien sûr, il y aura toujours des braquages. L’urgence, c’est qu’il y en ait sensiblement moins. Tant que cet objectif n’aura pas été atteint, les documents Power Point des conférences annuelles sur les chiffres de la criminalité, les mots savants soufflés par des experts, tout cela restera lettre morte. Et le crédit de l’autorité politique élue, dévasté.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Dame de fer et verbe d’or

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    Sur le vif - Jeudi 24.03.11 - 15.47h

     

    Elle parle français mieux que nous. Juste et clair. Syllabe sonore, chromée, mots liés comme dans une partition, la petite musique de sa phrase aiguise les sens, ravit l’oreille. Voilà une dizaine d’années que je connais Karin Keller-Sutter, depuis qu’elle est ministre de la Justice et de la Police à Saint-Gall. J’ai souvent eu l’occasion de l’interviewer – encore ce matin – et chaque fois, la précision de ce verbe qui fuse m’estourbit.

     

    Et, au fur et à mesure que s’envolent ses mots, je me dis, désespérément, la même chose : « Mais pourquoi diable ne l’ont-ils pas élue au Conseil fédéral ? ». La Suisse tenait là une femme politique d’exception, à la fois de poigne, de rigueur, d’intelligence et d’élégance, le Parlement a préféré choisir un homme dont j’ai oublié le nom et dont j’ignore d’ailleurs s’il vit encore, et à quoi il passe ses journées. Entre lui et le grisâtre successeur de Pascal Couchepin, le grand parti qui a fait la Suisse a réussi à disparaître de toute prétention à l’existence. Le parti de Jean-Pascal Delamuraz !

     

    Il fut un temps, hélas lointain, où les radicaux produisaient de formidables tronches. Nuques raides de vignerons vaudois, minoritaires valaisans rompus au combat frontal, colonels surgis tout droit de la chanson de Gilles. On les aimait ou non, mais ils portaient haut le verbe, brandissaient l’oriflamme, fiers et drus comme dans les festivals de fanfare. Aujourd’hui, au mieux, ils administrent.

     

    Et là, avec KKS, soudain, l’envol du verbe. La qualité d’une rhétorique au service de l’action. Hier, Karin Keller-Sutter annonçait sa candidature au Conseil des Etats. Les deux sièges saint-gallois y seront très chers : l’excellent PDC Eugen David brigue sa propre succession, le socialiste Paul Rechsteiner, président central de l’USS, est dans la course. Et le président national de l’UDC, Toni Brunner, s’y lancera sans aucun doute. Si la Dame de fer réussit son entrée à Berne, nul doute qu’elle y tiendra, dans les années qui viennent, un rôle de premier plan. Comme il sied – oui comme il devrait seoir – aux meilleurs.

     

    Pascal Décaillet