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Sur le vif - Page 1028

  • Les TV privées et le syndrome de Stockholm

     

    Sur le vif - Mercredi 15.06.11 - 11.51h

     

    En Suisse romande, la SSR a beaucoup de chance. Elle n'a plus besoin de perdre temps et argent à financer, par d'improbables attachés de presse, un organe de propagande. Le quotidien Le Temps, avec une régularité de métronome, s'en charge. Ainsi, au lendemain d'une grande enquête dont nous avons souligné ici la totale indifférence au combat des TV régionales, et la parole uniquement donnée aux caciques de l'Usine à Gaz, voici, en page 18 de ce matin, une nouvelle tribune offerte à Gilles Marchand. Nommer ce dernier chroniqueur officiel, avec apparition au moins hebdomadaire, ne serait-il pas plus simple ? En remplacement de François Gross ?

     

    Dans son épitre d'aujourd'hui, le directeur de la RTS ne donne hélas aucune réponse satisfaisante aux questions légitimement soulevées par Christophe Rasch, directeur de La Télé, et relayées par Antoni Mayer, son homologue de Léman Bleu, la semaine dernière. Botter en touche en qualifiant de « secondaire » la mise à disposition, par la SSR, du logiciel de réservation des pubs à TF1 ou M6, apparaît pour le moins comme léger. Parler d'une concurrence « professionnelle et correcte » en démolissant son propre argument par le rappel, quelques lignes plus tôt, de la répartition du gâteau publicitaire en Suisse (670 millions en tout, dont 397 pour la SSR, 200 pour les fenêtres étrangères, et seulement 72 millions pour l'ensemble des chaînes privées locales et régionales), ne manque pas d'un certain sel. Eviter toute allusion à la scandaleuse loi actuelle sur la radio et la télévision (LRTV), machine de guerre destinée à favoriser la SSR et étouffer toute initiative privée, relève de l'aveuglement volontaire.

     

    Il y a quelques jours, les directeurs de deux TV régionales parlaient d'une même voix, sur un plateau. Et les autres ? Ils restent là, chacun dans son coin, à attendre des jours meilleurs ? Ils se disent, Dieu sait pourquoi, qu'il vaut mieux maintenir de bonnes relations avec un grand frère qui ne songe qu'à les incarcérer? C'est leur droit. Chacun, ici-bas, peut bien vivre, si ça peut lui apporter quelque frémissement, son syndrome de Stockholm. C'est une option. L'autre, c'est se mettre ensemble et faire la guerre. Si personne ne la livre, cette guerre, le Mammouth aura gagné sur toute la ligne. Et l'univers de l'audiovisuel, en Suisse, demeurera ce qu'il est aujourd'hui : préhistorique.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Le Temps - la SSR: entre gens du monde, on s'épargne

     

    Sur le vif - Mardi 14.06.11 - 09.49h

     

    Bel exploit du Temps, dans son édition de ce matin ! Une page complète, la page 3, consacrée à l'usage de la télévision en 2011, précédée d'un édito de une, le tout... sans la moindre référence - ne serait-ce qu'une allusion - au combat des chaînes régionales privées en Suisse romande : Léman Bleu, La Télé, Canal 9, par exemple. Fasciné par les millions des géants français, ou par le Mammouth subventionné, l'auteur de l'enquête ne donne la parole, en Suisse romande, qu'à Gilles Marchand, son prédécesseur Guillaume Chenevière, tel prof en Sorbonne, ou tel spécialiste déconnecté de la réalité suisse. Il ne nous parle que du combat de titans entre les privés français et le secteur public dûment engraissé par la redevance en Suisse, aboutit à la conclusion incroyablement originale que nous allons vers une « bataille de contenus », n'aborde jamais la question de la proximité citoyenne, pourtant centrale, dans laquelle les petites, courageuses chaînes citées plus haut livrent un combat rude et âpre, un combat de tous les jours, sans moyens, ou presque.

     

    Bataille de contenus ? Oui, of course ! Et c'est tant mieux : on espère bien,  en effet, que la concurrence entre médias se joue sur le fond, la valeur ajoutée (même modeste, car la TV est un média très cher), la proximité, le miroir du pays, et non sur ces sacro-saintes séries américaines qui, depuis l'éternité, fascinent notre chroniqueur du Temps. Dans cette page 3 d'aujourd'hui, une intéressante réflexion fonctionnelle, certes, mais nulle fenêtre ouverte sur la vocation identitaire d'un média, sa fonction de représentation sociale, politique, culturelle, dans sa zone de diffusion. Aucune allusion, jamais, ni dans cette enquête ni dans d'autres, au corset de paralysie que constitue, pour les chaînes régionales privés en Suisse, une Loi sur la radio et la télévision (LRTV) entièrement alignée sur des années de lobbying hallucinant (et efficace !) de la SSR. Une loi entièrement conçue pour empêcher les privés de croître, passer des accords, s'étendre. Une loi pour forcer les chaînes régionales à demeurer de petits ghettos juxtaposés, sur lesquels le Mammouth daignera, de temps en temps, jeter un œil condescendant. Une loi qui bafoue les principes élémentaires de concurrence, érige le Cartel, avec un immense C indécent, en Monopole féroce.

     

    Le résultat : un quotidien dit « de référence » en totale obédience devant l'argent de casino des séries américaines, en absence de la moindre révolte - ou, tout au moins, de la plus petite question - sur les thèmes de la proximité et de l'identité. Un quotidien dit « libéral » qui refuse de voir l'étatisme cartellaire du Mammouth. Entre gens du (même) monde, on s'épargne.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Charles le Révolté


    Sur le vif - Mercredi 08.06.11 - 12.20h

     

    Charles Beer en a marre. Ça se voit de plus en plus, ça se sent, les signaux se multiplient. Et il a raison. D'en avoir marre, de le montrer.

     

    Marre de quoi ? D'une quantité d'usines à gaz dont il a hérité, et dont son bon sens perçoit de plus en plus la puissance de nuisance et d'encombrement. Ministre de l'Instruction publique depuis huit ans, le socialiste n'est peut-être pas un spécialiste de l'enseignement, n'a d'ailleurs pas à l'être à son poste, mais il est un fin politique, doué d'instinct. Tous ceux, syndicalistes ou lobbyistes, qui ont cru bon de sous-estimer cet aspect de sa nature, l'ont payé cher. A part la votation initiale de septembre 2006, sur les notes au primaire, dont il a d'ailleurs immédiatement tiré les conséquences, Charles Beer, n'en déplaise à ses ennemis, a plutôt tendance à gagner ses combats. Dire qu'il est de moins en moins prisonnier d'un carcan idéologique relève de l'euphémisme : ce qui apparaît avec éclat, au contraire, c'est sa ductilité, sa faculté d'adaptation. Disons, la Realpolitik.

     

    Marre de quoi ? A vrai dire, et malgré les apparences, des mêmes choses que Jean Romain ! Pas sur tout, certes, mais l'espace d'indignation commune aux deux hommes semble, de jour en jour, s'élargir. D'un côté comme de l'autre, méfions-nous de crier victoire : l'un peut certes se targuer de voir sa ligne de pensée de plus en plus avalisée ; l'autre, politique jusques aux tréfonds de la moelle, peut se prévaloir de son aptitude à récupérer, intégrer des courants qui n'étaient pas, au début, nécessairement les siens. En déterminisme de succès, c'est tout à son avantage.

     

    Marre de quoi, Beer ? Dernier exemple en date (hier) : marre de « l'optionnite aiguë » dans le postobligatoire. Epinglé par la Cour des Comptes sur une question de planification des rentrées, l'habile instinctif a immédiatement contre-attaqué sur la complexité du système en vigueur depuis 1998 : quelque 3500 parcours différents, si on prend le produit cartésien des mélanges d'options possibles en vue de de la Maturité. C'est évidemment trop, beaucoup trop, il n'y a plus aucune lisibilité, aucune traçabilité des parcours. De l'excessive rigueur des sections (j'ai passé ma Maturité A, latin-grec, en avril 1976, quelques camarades de ma volée étaient en B, d'autres en D, quelques matheux visant l'EPFL en C, Punkt, Schluss) au supermarché actuel, il y a beaucoup de marge pour une simplification salutaire du système. Cela, hier, Charles Beer l'a dit, il a dit bien haut ce que tout le monde pense, il a jeté un pavé dans la mare. Il a eu raison.

     

    Singulière situation, d'ailleurs, que celle d'un ministre laissant de plus en plus apparaître sa révolte face au système qu'il doit lui-même gérer ! Oui, Charles Beer en a marre. Au point qu'avec ses coups de gueule répétés, il commence à ravir à Jean Romain lui-même la posture de l'opposant ! Oui, l'homme est à la fois ministre et chef de l'opposition, attaquant et défenseur, il se sent de moins en moins (qui s'en plaindra ?) lié à son parti d'origine (socialiste, je crois) sur les questions d'enseignement. Charles Beer en a marre des socialistes, marre des camarades, marre de leur empreinte sur plusieurs décennies de décisions pédagogiques à Genève (y compris sous magistrate libérale). Alors, il organise lui-même les coups d'éclat en son propre empire. Il n'y aura bientôt plus besoin de monter des débats Charles Beer / Jean Romain. Il suffira d'opposer Beer le ministre à Charles-le-Révolté. D'avance, on s'en pourlèche les babines.

     

    Pascal Décaillet