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Commentaires GHI - Page 221

  • Notre Rhône à nous

     

    GHI - Mercredi 02.07.14 - Page spéciale Rhône - Texte principal

     

     Rhône 2.jpg

     

    J’en ai vus, des fleuves, Dniepr et Jourdain, Guadalquivir, Niagara. Je me suis baigné dans l’Elbe, dans mon adolescence allemande, avec un ancien combattant du front russe, j’ai guetté les oiseaux dans le delta du Pô, murmuré Hölderlin le long du Rhin et du Neckar. Mais toujours, comme tous les habitants de Genève, j’en reviens au Rhône. Parce qu’il est, de mes origines valaisannes à mes passions camarguaises, le fleuve total. Celui de la naissance et de la mort, des eaux vertes et bleues, celui des milans noirs qui surgissent fin avril, promesses de renouveau. Il est notre destin. Jamais au monde je ne voudrais vivre au bord d’un autre cours d’eau. Il était là avant, nous survivra, nous sommes ses visiteurs, ses passants.

     

    Mes deux parents, en Valais, sont nés au bord d’un affluent du Rhône. Mon père, au bord de l’Eau Noire, qui rejoint le grand fleuve par le Trient, ma mère au bord de la Dranse d’Entremont. Maintes fois nous sommes montés au glacier, à la Furka, l’avons vu rétrécir au fil des décennies. Maintes fois, nous descendons en son double estuaire, Port Saint Louis ou les Saintes Maries, pour le Petit Rhône. Toujours les mêmes eaux, juste enrichies de tous les trésors minéraux du limon français, Ain, Saône, Ardèche, ou surtout l’exceptionnelle Durance, ultime fiancée des derniers kilomètres, avec ses cortèges de hérons et toute l’Histoire sablonneuse de ses méandres. Souvent, je me suis demandé si ça n’était pas le Rhône qui se jetait dans la Durance, dans ses bras, pulsion de mort et de transgression.

     

    Genève est fille de l’Arve et fille du Rhône. Car enfin, là aussi, qui se jette dans qui ? Enfant, de la Bâtie, je posais la question à mon père, tant me frappait l’égalité d’envergue de la rivière et puis du fleuve, celui-ci bleu-noir, celle-là turquoise comme le sont les herbes de Balme, argentées face à l’éternité des glaces. Je n’imaginais pas, alors, que cette Jonction n’en fût qu’une parmi des dizaines d’autres, Borgne ou Navisence, Morge, Lizerne, Allondon, Fier, Isère, Drôme, Roubion, Cèze ou Gard. Être fleuve, c’est accepter de mélanger sa nature avec elle des autres, laisser se fondre toutes alluvions en un destin commun. Toutes les théories sur la mixité, le cours d’eau les réalise, cahin-caha, sans autre fureur que le silence de l’écoulement.

     

    Car enfin, l’Arve, ça n’est pas rien. Presque valaisanne par l’origine, elle nous roucoule le chant du haut-pays savoyard : le Grand Genève, notre paisible Jonction le met en œuvre depuis ces temps de pierre, ancestraux, ceux d’avant les récits, les langues et même les accents. Et puis, Genève, c’est tout de même le lieu où le Rhône redevient Rhône, juste avant sa rencontre avec l’Arve. A une démesure provisoire, Genève met fin, pour que le fleuve retrouve son statut, vers d’autres promises, d’autres promesses. Que serait Genève sans le Rhône ? Que serait le fleuve sans la grâce de cette étape ?

     

    Le Rhône, je le descendrai un jour à pied, comme le fit mon ami Duchosal, jusqu’en Camargue. Avec la seule compagnie des oiseaux. Avec le chant du monde, celui d’un destin qui s’écoule. De la sauvagerie bleutée du glacier jusqu’aux étangs tout plats, où dansent les flamants.

     

    Pascal Décaillet

     

    Photo PaD - Le Rhône en Camargue - Pâques 2012

     

  • Mourir - Ou renaître ?

     


    Coup de Cœur - Extrait de ma page spéciale Rhône - GHI - Mercredi 02.07.14

     

     

    Aspiré par la mer, le Grand Rhône 1.jpgRhône, en cet endroit précis auquel je pense, incroyablement large, offre au regard un flux impressionnant. Pas question de s’y baigner, on se retrouverait hagard, sur quelque côte de Corse ou d’Algérie. J’aime y aller sur la rive gauche, par quelque chemin de traverse, dans les vignes du pays d’Arles. La côte d’en face, à portée de regard, apparaît comme un autre monde. La Méditerranée n’est plus qu’à quelques kilomètres, et déjà l’air marin se mêle au parfum des ceps. Mais le fleuve, plus que jamais, est encore fleuve. Là, plus rien ne l’arrête, il a décidé de précipiter son destin. S’offrir à l’immensité. Non mourir, mais renaître dans quelque chose de plus grand. Son flot est émeraude. Les arbres, sur le rivage, enracinent leurs troncs blancs dans le lit du fleuve. Immobiles et fiers, devant la vie qui va.

     

     

     Pascal Décaillet

     

     

     

    Photo PaD - Pâques 2012

     

     

  • Un nouveau théâtre : l'affaire des citoyens

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.06.14

     

    Nouvelle Comédie, nouveau Théâtre de Carouge : a priori, comme spectateurs, comment ne pas nous féliciter d’avoir un jour deux espaces de scène flambant neufs dans le canton de Genève ? Le financement de la Nouvelle Comédie, on le sait, est à l’étude. Et, à Carouge, un référendum conteste la part que devrait payer la commune dans un nouveau théâtre. Dans les deux cas, le nerf de la guerre, l’argent, pose problème.

     

    Autant le dire tout de suite aux coqs de combat des deux projets : il est parfaitement normal que le corps des citoyens, qui sont aussi contribuables, ait voix au chapitre concernant ces projets. Les millions d’un nouveau théâtre ne concernent absolument pas le seul monde des comédiens, mais l’ensemble de la société civile. Normal que les citoyens demandent des comptes, des évaluations exactes, et finalement décident.

     

    Normal, aussi, qu’ils se posent des questions. Par exemple, se demander pourquoi l’espace culturel genevois aurait à tout prix besoin de ces deux nouveaux théâtres. Pourquoi, entre les écuries concurrentielles soutenant l’un et l’autre, n’existe aucune vision d’ensemble. Pourquoi le Canton de Genève, qui a de réelles attributions culturelles, se montre pour l’heure aussi muet que le mime Marceau dans le dossier.

     

    Le dossier, d’urgence, est à arracher aux seules mains des professionnels et groupes d’intérêts. Il appartient à l’espace public. A nous tous. Citoyens. Et contribuables.

     

    Pascal Décaillet