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Commentaires GHI - Page 129

  • Le pouvoir, qui noircit et corrompt

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.01.20

     

    J’en ai accompagnés, dans mon métier, des gens qui montaient vers le pouvoir ! Souvent, le tout premier, en radio puis en télévision, je leur ai donné la parole. Ils étaient jeunes, ils étaient frais, ils avaient cette gourmandise de la vie, cette voracité à mordre le destin, croquer le fruit défendu, s’émanciper des normes, bousculer l’ordre établi. Celui qui aspire au pouvoir n’a de chances d’y parvenir que s’il incarne le mauvais garçon, doué, frondeur, séduisant, le grand frère qui transgresse, le Grand Meaulnes, sublime héros du roman d’Alain-Fournier, dont le narrateur, juste un peu plus jeune sur les bancs de l’école, est quasiment amoureux. Un homme, en 1994/95, a parfaitement compris ce principe : Jacques Chirac, pourtant la soixantaine entamée, deux fois Premier ministre, Maire de Paris depuis deux décennies, a réussi le tour de force, face à l’orléaniste installé Edouard Balladur, de se faire passer pour un grand escogriffe charmeur, incarnant l’avenir, la justice et l’espoir.

     

    Hélas, le pouvoir un jour finit par arriver. Et c’est le début de la fin. Parce que, de l’intérieur, il vous corrompt, vous corrode, il noircit votre âme, il vous isole, il vous rend sourd aux critiques, il vous amène son lot de courtisans, il anesthésie votre être sensible, il fait de vous une machine. A ce destin, nul n’échappe. Ni hommes, ni femmes, ni jeunes, ni vieux, ni conservateurs, ni progressistes : tous à la même enseigne ! Tous prisonniers de ce même carcan. Tous à gauger dans le jus de cette hypocrisie, où il faudrait demeurer populaires, alors on multiplie les bains de foule, on se fait photographier sur les réseaux sociaux, sympas, humains, copains d’antan, mais en réalité on est seul, de plus en plus dur, on multiplie les scénarios pour survivre dans sa fonction d’homme ou de femme de pouvoir. Nul n’y échappe.

     

    Alors, quoi ? Le père Décaillet, Prussien dans l’âme, républicain rectiligne, serait-il devenu un vieil anar ? Pas vraiment ! Mais face au jeu des ambitions humaines, face la chansonnette et la ritournelle des jeunes loups – et louves – il n’entretient pas la moindre illusion. Dans chacune de ces âmes tendres, il voit déjà poindre les futurs abus de la domination. Car celui qui aspire au pouvoir est déjà entré dans la spirale de la noirceur. Tout au plus demeure-t-il encore, le temps d’accéder aux marches convoitées, dans un rôle qui séduit l’opinion. Mais déjà, il la dévoie. Notre système de démocratie représentative, qui passe par l’élection, donc par une campagne de séduction intense, favorise cette diabolique transformation. Encore une fois, nul n’y échappe, surtout pas ceux – et celles – qui prétendent « faire de la politique autrement » : ils deviennent les pires ! La seule issue : développer un système, heureusement déjà présent chez nous en Suisse, où les thèmes l’emportent sur les personnes, les votations sur les élections, la démocratie directe sur les affiches de campagne personnalisées. Excellente semaine à tous !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Etats-Unis - Iran : ce conflit nous concerne !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.01.20

     

    Genevois qui lisez ces lignes, félicitez-vous d’habiter une ville internationale ! Pas seulement parce qu’elle abrite un nombre impressionnant d’institutions, mais parce que la savoureuse complexité du monde se rencontre à chaque coin de rue. Nous, Suisses, enfants d’un pays multiple, avec plusieurs langues, plusieurs religions qui ont (finalement) réussi à coexister, sommes après tout assez bien placés pour exercer sur les sociétés humaines une vision fractionnée, n’embrassant pas une seule cause, mais plusieurs, qui s’entrechoquent, se contredisent, et parfois se combattent. Le conflit, la guerre sont dans la nature humaine. Nous ne les éradiquerons pas. Mais tout au moins pouvons-nous, d’ici, entreprendre toutes choses pour en saisir les enjeux. Et donner la parole à tous les antagonistes, sans exception.

     

    Ainsi, le conflit USA-Iran. Nous n’allons pas, nous Suisses, le résoudre, cela n’est simplement pas dans notre pouvoir. Mais de chez nous, et notamment de Genève, nous pouvons faire vivre un Forum continu où toutes les parties en cause puissent s’exprimer. Nous sommes perçus, dans le monde, comme l’un des rares lieux où cette polyphonie a quelque chance de s’organiser. Nous n’avons ni le pouvoir de faire la guerre, ni d’arracher la paix, mais nous avons des cerveaux, des cœurs, des âmes, capables de s’ouvrir au vaste monde. Dans les dernières années de la Guerre d’Algérie, juste avant les Accords d’Evian (1962), la Suisse romande a servi de plaque tournante à des négociateurs, j’ai étudié de très près cette période. Les émissaires français et ceux du FLN pouvaient, par notre truchement, entrer en contact. De même, depuis la Révolution iranienne de 1979, la Suisse a permis de représenter des intérêts, là où les ponts étaient coupés. Nous sommes un tout petit pays, d’un poids stratégique mimine, mais nous sommes capables de jouer un grand rôle, dans les contacts entre antagonistes.

     

    Et puis, il y a les antennes invisibles de chacune de nos âmes. Nous avons, dans notre pays, et notamment à Genève, des racines spirituelles, ancrées dans l’Humanisme, la Réforme, l’ouverture à l’autre, qui ne nous amènent pas à une vision monolithique du monde. Dans la crise actuelle au Moyen-Orient, ne nous contentons pas du discours des Américains. Ouvrons-nous, aussi, à celui de la Vieille Perse, sans la cantonner à un régime (celui en place depuis 41 ans), mais en tenant compte du rôle historique, culturel, géostratégique tenu par cette civilisation plusieurs fois millénaire, dans l’Orient compliqué. Renseignons-nous, chacun de nous dans sa responsabilité individuelle, sur la prodigieuse mosaïque linguistique, confessionnelle (y compris les grands courants internes à l’Islam) qui constitue cette région du monde. Et surtout, donnons la parole à tous. Posons les enjeux. Lisons, encore et toujours, renseignons-nous. Ainsi, à notre modeste niveau, nous pourrons nous rendre utiles. C’est l’une des missions historiques de notre pays.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Noirceur du pouvoir

     

    Commentaire publié dans GHI - 08.01.20

     

    2019 aura été, dans nos contrées, une année de préoccupations sociétâââles (à prononcer en prenant un air savant, et en laissant négligemment traîner le « a » final). On nous a construit, dans tous les sens, la théorie des genres, on a déconstruit (le mot qui fait fureur, plus prétentieux, à lui-seul, que tous les Marquis de Molière) nos stéréotypes. On nous a délivré du Mâle. On nous a annoncé la fin du patriarcat. On nous a corrigé la langue, les accords, on est venu polluer nos phrases, sous couvert d’épicène, de signes inutiles, plus lourds que le plomb. On nous a prédit la fin des nations, l’Apocalypse du climat. On n’a cessé de nous promettre un monde nouveau. Quel monde ?

     

    2020 pourrait bien être l’année du retour à des réalités plus dures, plus terrestres. La permanence des nations, contre les toiles multilatérales. La puissante volonté de cohésion des communautés humaines, au sein de frontières bien définies, et non à l’échelle d’un improbable messianisme universel. Entre les peuples, des rapports de forces. Entre les humains, la noire, la sinistre, l’éternelle malédiction du pouvoir, celle qui corrode et corrompt toute aspiration à la beauté des liens.

     

    Cette malédiction, nul n’y échappe. Ni les femmes, ni les hommes, ni les jeunes, ni les vieux. Dès qu’un humain envisage d’exercer sur un autre une forme quelconque de pouvoir, dès qu’il envisage d’exercer une domination, il entre dans ce chemin de mort qui nous disperse et nous divise. Nul d’entre nous n’y échappe : ni vous, ni moi, ni personne sur la Terre.

     

    Pascal Décaillet