Commentaire publié dans GHI - Mercredi 13.05.20
L’être humain, depuis son apparition sur la terre, laisse des traces. Vous marchez sur une plage, vous en laissez ! Mais la mer, comme dans le poème, se charge aussitôt de les effacer. Vous gravez vos amours de jeunesse sur un tronc d’arbre, deux prénoms, un cœur, une flèche ? Une trace ! Jusqu’au passage du bûcheron. Vous composez la Neuvième Symphonie, avec son Hymne à la Joie ? Une trace, sublime, pour l’éternité ! Oui, la trace peut être belle, émouvante, bouleversante parfois, comme ces repères, qui marquent nos vies.
Le traçage, c’est évidemment autre chose. Ce sont les signes que vous laissez, contre votre gré. Et qu’un Big Brother, quelque part, les services d’un Etat par exemple, se charge de récolter, recenser, pour votre dossier ! Là, la trace devient moins sympathique, quand elle n’est pas franchement haïssable. Avec votre carte de crédit, vous laissez des traces. Avec votre téléphone portable. Avec votre ordinateur. Avec votre véhicule. Avec vos publications sur les réseaux sociaux. Dans tous ces domaines, prudence ! Mais ça, vous le savez déjà. Ou en tout cas, vous devriez le savoir : la protection des données, celle de la vie privée, de la personnalité, sont des thèmes majeurs de nos sociétés d’aujourd’hui et de demain, ils doivent être pris en considération prioritaire.
Et puis, il y a tout ce que nous ne saurions pas. Le traçage médical, par exemple. Dans la période de crise sanitaire que nous traversons, il constitue un risque majeur. D’autant plus sournois que les traceurs le justifient pour la bonne cause, l’intérêt public, la santé générale de la population. Là, Big Brother n’est pas le méchant, mais bien pire : il est celui qui veut votre bien, le gentil ! A ce stade, méfiance ! Et rappel de quelques droits fondamentaux : le secret médical, en Suisse, existe, il est garanti, et si votre médecin livre contre votre gré des données de votre dossier, il devra en répondre. Maintenant, si vous estimez que votre état santé n’a rien de secret, peut regarder tout le monde, c’est votre droit. C’est vous qui décidez, et personne ne doit le faire à votre place.
La Suisse est une démocratie, l’une des plus belles au monde. Le personnage principal, c’est la citoyenne, le citoyen. Eux sont la pierre angulaire de notre système. Et certainement pas les élus. Et encore moins les hauts-fonctionnaires, chefs d’Offices, ou médecins cantonaux. Ni les experts. Les décisions suprêmes concernant nos libertés individuelles, c’est le suffrage universel qui doit les prendre. Nous ne pouvons accepter plus longtemps que, sous prétexte de crise sanitaire, des atteintes à nos droits fondamentaux passent par un autre aval que celui des citoyens. Si le peuple décide de limiter temporairement certaines de nos libertés, j’accepte ! Parce que le souverain, c’est lui. Si c’est juste un chef d’Office, c’est niet. Nous voulons demeurer des hommes et des femmes libres. Et non des sujets, repérés par des espions et des délateurs, quelque part, dans des chaînes de traçage. Excellente semaine à tous !
Pascal Décaillet