Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.03.23
Il y a des jours où les Chambres fédérales, où j’ai eu l’honneur de passer quelques années comme correspondant parlementaire, ne grandissent pas la Suisse. Je n’utiliserai pas le mot de « honte », qui suinte la morale et ne fait pas partie de mon vocabulaire politique, mais comment cacher ce sentiment de colère, de révolte, face à la décision prise par le National, puis les Etats, le mercredi 1er et le jeudi 2 mars ? Il s’agissait d’indexer de 7 à 14 francs par mois les rentes AVS, pour s’adapter à l’inflation. 7 à 14 francs ! Et ils ont dit non ! Coût total : 418 millions sur un an. Pour le budget de la Confédération, c’était plus que supportable. En comparaison d’autres coups de pouce, le refus est carrément indécent : faut-il rappeler ici les milliards engagés dans le sauvetage d’une compagnie aérienne, puis dans celui d’une grande banque, enfin les crédits phénoménaux à l’époque du Covid ?
Alors oui, cette décision doit être qualifiée. Elle doit être jugée par les citoyennes et citoyens de notre pays. Et elle doit avoir des conséquences politiques. Nous sommes des hommes et des femmes libres, nous voulons la justice. Nous voulons l’équité. Nous voulons la dignité. Nous voulons la reconnaissance du pays pour ces aînés, ces hommes et ces femmes qui ont travaillé toute leur vie. Et dont certains – pas tous, heureusement – tirent le diable par la queue. Allez faire vos courses, dans un supermarché, regardez-les prendre un produit, chercher le prix, puis reposer délicatement la marchandise sur l’étal. C’est ça la réalité d’un nombre considérable de retraités dans notre pays. Et on leur refuse, du haut des Chambres fédérales, une augmentation de 7 à 14 francs ! Là, désolé on arrête de discuter. On ne débat plus. On combat. Et on gueule. Parce que c’est révoltant, inadmissible, dans un pays comme la Suisse, l’un des plus prospères du monde.
Je suis un homme de droite, patriote, attaché au pays. Mais là, sur ce coup, ces parlementaires de droite, dont certains éternels jouvenceaux de l’ultra-libéralisme, aux tonalités de plus en plus arrogantes et cassantes, qui ont dit non, je dis ma colère. La Suisse est un petit pays, mais c’est un grand peuple, qui a su, notamment depuis 1848, construire un Etat social, soucieux des équilibres, attentif à la cohésion intérieure du pays, bannissant tout fossé entre les citoyens. Là, avec cette décision, la violence de sa portée symbolique, on casse quelque chose. L’un des grands axes de solidarité, en Suisse, c’est celui entre les générations. Là, on le jette aux orties. La politique, on la relègue aux oubliettes, au profit de calculs de petits comptables au service des puissants. Cette Suisse-là n’est pas la mienne.
Quant à la droite de notre pays, il est temps, dans toutes ses composantes, qu’elle renoue avec des valeurs autres que celles du profit et de la servilité. Nous voulons la Patrie. Nous voulons le Pays. Nous voulons l’intelligence et la culture. Nous voulons la puissance du verbe, celle de l’esprit. Il y a encore, apparemment, un certain chemin à parcourir.
Pascal Décaillet