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  • Colleurs d'étiquettes

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 20.04.22

     

    Se contenter de coller des étiquettes sur l’adversaire, pour le disqualifier et éviter tout débat, ça marche de moins en moins. Et bientôt, ça ne fonctionnera plus du tout. « Fasciste », « xénophobe », « populiste », les bonnes vieilles rengaines, si commodes pour jeter l’autre dans le camp du Mal, et s’ériger soi-même dans celui du Bien, c’est bientôt fini. Le truc est usé, laminé, jusqu’à la moelle.

    Elle date de quand, cette vieille ficelle ? Au moins de Mai 68, lorsque fleurissaient, sur les murs de Paris, des slogans aussi efficaces (à l’oreille) que scandaleux sur le fond. Exemple : « CRS-SS ! », où les Compagnies républicaines de sécurité, qui n’étaient certes pas des tendres dans les manifs, se voyaient comparées, 23 ans après la guerre, avec les tueurs nazis. Le slogan sifflait, il était d’une incroyable efficacité acoustique, mais l’assimilation était tout simplement scélérate. A l’âge de dix ans, très informé déjà de la Seconde Guerre mondiale, je trouvais ces cinq syllabes inadmissibles.

    Les colleurs d’étiquettes seront bientôt à bout de souffle. Parce que leur vieux truc ne marche plus. En France, en Suisse, dans toute l’Europe, les gens veulent des réponses sur le fond. La souveraineté de leur pays. Son indépendance. Un contrôle drastique des flux migratoires. Une éducation de qualité, sans fadaises. Une maîtrise nationale de l’agriculture, de l’industrie, de l’alimentaire. Une fiscalité raisonnable. Un pouvoir d’achat correct. Ils veulent que l’on parle de cela. Les étiquettes, ils s’en foutent.

     

    Pascal Décaillet

  • Recoudre la France

     
     
    Sur le vif - Vendredi 22.04.22 - 10.19h
     
     
    Après-demain, les Français rééliront un conservateur. L'homme de l'Ancien Régime, de l'Ancien Monde. L'homme qui a "oublié", nous dirons "omis", d'installer la proportionnelle. Il avait cinq ans pour le faire. L'homme qui est resté sourd à toutes les revendications des Gilets jaunes, pouvoir d'achat, droits populaires.
     
    Prenez le dernier chapitre de l'interminable débat de mercredi, de loin le plus intéressant : les pouvoirs du peuple. En Suisse, nous connaissons bien. Marine Le Pen arrive avec des propositions parfaitement claires, innovantes, révolutionnaires. Une conception de la primauté du peuple qui rappelle avec éclat le système suisse : le souverain, c'est lui. Emmanuel Macron ne cesse de lui dire : "En grillant les corps intermédiaires, nous irions contre la Constitution". Juste que, précisément, c'est la Constitution que sa rivale veut modifier. Il fait semblant de ne pas entendre. Il ne veut juste rien changer.
     
    En France, l'aspiration à des droits populaires donnant aux citoyennes et citoyens la possibilité d'intervenir directement sur le fond (comme, chez nous, l'initiative), est tellurique. C'était ça, les Gilets jaunes. Dans ce domaine, comme dans les sujets sociaux, Marine Le Pen incarne une volonté révolutionnaire. Face à elle, le Président sortant se cramponne aux corps intermédiaires, défend les corporations d'Ancien Régime. C'est un homme très conservateur, libéral en économie, très sceptique sur les grandes réformes sociales. Il ne rappelle absolument pas Charles de Gaulle, puissant rénovateur d'institutions, mais Georges Pompidou. La France de la prudence, du bas-de-laine.
     
    Sans doute, après-demain, la France réélira-t-elle cet homme-là. Elle l'aura voulu. Mais elle sera coupée en deux. Aux grandes colères sociales, aux souffrances, au sentiment d'oubli et d'abandon, à l'urgence d'une régulation drastique des flux migratoires, une moitié du pays n'aura pas de réponses. Ces deux France irréconciliables, il faudrait la grandeur d'un Roi Henri, oui le Quatrième, pour les recoudre.
     
    "Recoudre". Tiens, ce mot juste et simple était dans son discours, à elle. Pas dans le sien, à lui.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Ils sont artistes ? Et alors !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 20.04.22

     

    Vous aimez les spécialités parisiennes ? Il en est une qui devrait vous ravir : les pétitions « d’artistes », ou « d’intellectuels », à quelques jours d’une élection. On se donne quelques coups de téléphone, entre privilégiés du gratin, on tartine un manifeste, on le fait signer par une liste de stars, on y dénonce la bête immonde, le retour au fascisme, le syndrome des années trente, et il y a toujours un moment, dans le texte, où apparaît la formule « Plus jamais ça ! ». Ainsi, nos élites Rive Gauche auront fait leur boulot, elles pourront aller siroter leur drink sur une terrasse de Saint-Germain-des-Prés, en se prenant pour Sartre ou pour Beauvoir, ou pour Juliette, ou pour Camus : le sentiment du devoir accompli. Elle est dure, la vie d’intellectuel : on le mérite, son capuccino sur la table ronde du Flore, avec Le Monde et le Canard entre la saccharine et l’amaretto.

     

    Ils nous ont fait le coup en 1988, deuxième tour. Réélection de François Mitterrand, pour sept ans. La bête immonde s’appelait Jacques Chirac, Premier ministre de cohabitation sortant. Ce républicain pure souche, pétri des grandes valeurs qui ont fait la France, une sorte de rad-soc des Troisième et Quatrième Républiques, ils ont réussi à nous le décrire comme une antichambre du fascisme en France. Ils étaient tous là, les « artistes », les « intellos », concerts à la bougie, chœurs effarouchés, « Tonton, laisse pas béton », pour ériger François Mitterrand en saint, voire en « Dieu », et nous diaboliser Chirac. Dieu fut réélu, le Corrézien dut attendre sept ans.

     

    Ils nous ont refait le coup, puissance mille, lorsque Jean-Marie Le Pen s’est permis l’outrecuidance de se hisser au second tour, en 2002, à la place de Jospin, lamentable troisième. J’entends encore l’un d’entre eux, fort bon acteur au demeurant, prendre un air de gravité monastique, et oser nous sortir « Dès ce jour, nous entrons en résistance ». Le ridicule ne tue pas. Tant mieux pour l’acteur : il est toujours parmi nous. Et cette fois, c’était Chirac en face : le méchant de 1988 était devenu le sauveur de 2002. Et la vie, à Saint-Germain, continuait, tranquille, comme le cours de la Seine, immuable depuis Victor Hugo, Esmeralda et Quasimodo.

     

    Je vous passe 2017, Macron-Marine no 1, glissons à 2022, Macron-Marine no 2. Et ils sont toujours là, nos artistes, nos intellos ! Pétitions, dans les journaux branchés. Grandes leçons, sur l’avènement des régimes autoritaires. Les fronts, plissés. Les airs, emplis de gravité. L’index, érigé vers le ciel. Ils n’ont sans doute pas lu, pour l’écrasante majorité d’entre eux, ni Thomas Mann, ni son frère Heinrich, ni Klaus. Ils n’ont jamais étudié la République de Weimar, encore moins l’Italie de 1922. Mais pour la leçon de morale, ils sont toujours là. Ils ont compris, mieux que le peuple français, la douceur du Bien contre l’acidité du Mal. Ils sont prêts à monter sur l’autel. Non pour jouer, ni pour chanter. Mais pour prêcher.

     

    Pascal Décaillet