Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 7

  • Adipeux, cigareux, d'un autre âge !

     

    Sur le vif - Mercredi 18.09.19 - 13.29h

     

    Le type qui, en septembre 2019, dicte encore des lettres à sa secrétaire, parce qu'il n'est pas foutu d'utiliser un clavier, et gérer lui-même son courrier, est un profond inadapté, qui se fera rattraper un jour ou l'autre par la marche de l'Histoire.

    Pourquoi dicter ? Pourquoi se comporter en adipeux patron des années soixante, arrogant avec son personnel, "Vous passerez dans mon bureau Mademoiselle, j'ai du courrier à dicter", persuadé d'être éternel, dans son pouvoir, sa place dans la société, son rayonnement patriarcal dans sa boîte.

    Dicter, en septembre 2019, non mais allô ! Il se prend pour Napoléon à Wagram, notre grassouillet Centaure à la voix de velours, donnant ses ordres à ses estafettes ? S'il aime l'oralité, qu'il s'en aille lire Verlaine à haute voix au bord du Rhône, ou qu'il s'initie à la parole radiophonique.

    Ce type-là n'a rien compris. Les plus grands décideurs, aujourd'hui, sont des gens qui communiquent eux-mêmes. Ils passent plusieurs heures par jour à trier le courrier, évidemment électronique (qui passe encore par le papier ?), et les messages importants, ils les rédigent eux-mêmes.

    Ce travail-là, loin d'être un luxe, ou un fardeau qu'on devrait déléguer à des subalternes, doit constituer le coeur de l'activité d'un entrepreneur. S'imaginer que la communication, la messagerie, le dialogue avec l'extérieur, sont en 2019 des activités accessoires à la vie de l'entreprise, c'est n'avoir strictement rien compris à l'évolution des métiers.

    Ces adipeux, cigareux, avec leurs costards et leurs grands airs, ne sont pas des entrepreneurs. Ils jouent simplement un rôle d'un autre âge, se pénètrent de l'importance de leur propre paraître, s'envoûtent et se trompent eux-mêmes dans leurs volutes. Ils sont promis à disparition. Le plus tôt sera le mieux.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le bobo, vous connaissez ? Portrait

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.09.19

     

    Le bobo habite en ville. Le plus près possible du centre. Près de la gare, mais pas trop, c’est mal famé. Le bobo aime la ville, son anonymat, son cocon protecteur, le champ de tous ces possibles qu’il contemple de son vélo, si possible électrique. Car le bobo se meut : pas question de demeurer immobile, ni sédentaire, quand la vie est là, qui vous appelle, avec ses promesses de cocktails, de mojitos, de légumes et céréales métissés, comme un chant recommencé du vaste monde. Le bobo ne dédaigne pas de se mouvoir, pourvu que la mobilité soit douce, silencieuse, conforme aux impératifs de l’urgence climatique. On ne doit entendre que la caresse des pneus, joueuse, sur l’épiderme érectile du macadam. Ne klaxonnez jamais le bobo, son cœur est fragile.

     

    Le bobo n’aime pas la violence. Il condamne le principe de la guerre, tient cette dernière pour une erreur de l’humanité, à corriger au plus vite. Le bobo n’étudie donc ni les conflits, ni l’Histoire, ni les traités, ni les alliances. Du passé, il veut faire table rase. Du haut de son jus de carottes où baigne la fière verticalité d’une tige de céleri, le bobo décrète la fin de l’Histoire, l’avènement d’une humanité nouvelle, délivrée du Mal. Car le bobo aime le Bien. Il entend sauver la nature, la couche d’ozone, réduire son bilan carbone, limiter le nombre de watts auxquels nous aurions droit, chacun, pour une année. Il veut chasser des villes le trafic privé, voitures, motos, scooters, comme autant de suppôts de Satan. Le bobo se bat pour le salut de nos âmes. Si nous avons le mauvais goût de rouler dans une automobile, c’est que nous sommes encore dans les griffes de l’archaïsme, hommes et femmes d’un autre temps, en attente de la délivrance par laquelle le bobo, lui, est passé. Il n’est pas notre ennemi, il nous précède.

     

    Le bobo n’est pas une brute inculte. Tenez, il aime Berlin par exemple. Pendant vingt ans, tout en roulant à vélo en ville, il a pris quarante fois une compagnie à bas coûts pour des week-ends festifs dans la capitale de l’Allemagne. Dans laquelle il a pu se pâmer d’admiration devant le règne du vélocipède. Mais, depuis quelques mois, il a pris conscience que l’avion, c’était mal. Désormais, le bobo prendra le train de nuit, via Bâle et Mannheim. De retour à Genève, il sanctifiera la mobilité douce de la ville prussienne, tout en pestant contre ces insupportables camionnettes de livraisons qui se permettent de venir polluer la cité de Calvin. Car le bobo n’aime pas les livreurs. Ni le bruit des camions. Ni le monde de l’industrie, ni celui des chantiers. Au bleu de travail prolétarien, il préfère le bleu du ciel, au-dessus de l’infini d’une piste cyclable.

     

    Le bobo n’aime pas le bruit, ni le monde des ouvriers. Pour nourrir sa réflexion sur l’écologie politique, il a besoin de silence, d’air pur. Juste le souffle d’une chambre à air, comme un zéphyr de bonheur. Longue vie au bobo, dans une humanité renouvelée, délestée du péché, plein cap sur la félicité, toutes voiles dehors.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Classe moyenne : les Pharisiens de gauche

     

    Sur le vif - Lundi 16.09.19 - 17.13h

     

    Ceux qui, dans la tranquillité urbaine d'une certaine gauche genevoise, considèrent la classe moyenne comme "impossible à définir", et se permettent de la prendre de haut, voudront bien désormais se passer des subventions, déductions et facilités que leur accorde l'Etat, en vertu des ponctions opérées massivement sur le portemonnaie de cette classe. En clair, sur le portemonnaie des gens qui travaillent dur, ne reçoivent - pour leur part - aucune subvention, et n'arrivent pas à mettre un seul centime de côté.

    Car c'est bien la classe moyenne, de facto, qui entretient à Genève ceux qui ne payent ni impôts, ni primes maladie. En vertu de cela, on pourrait tout au moins faire preuve de respect et de retenue, quand on l'évoque, plutôt que la ramener avec mépris à la petite-bourgeoisie, Spiessbürgerlichkeit, du temps de Flaubert, ou du romancier allemand Theodor Fontane.

    Ces assistés sélectifs nient l'existence de la classe moyenne, mais se gardent bien de refuser les aides financières que, par l'impôt, elle leur apporte.

    Cela porte un nom : cela s'appelle des Pharisiens.

     

    Pascal Décaillet