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  • La Prusse, dans la lumière des consciences

     

    Sur le vif - Samedi 14.09.19 - 10.00h

     

    J'ai tellement à dire sur l'irrésistible montée de l'Allemagne, en Europe, depuis 250 ans. C'est l'un des sujets historiques qui m'habitent le plus.

    Il faudrait - je m'y emploierai dans les années qui viennent - expliquer vraiment aux lecteurs ce qu'est la Prusse. Car c'est d'elle, entre 1740 et 1786, sous le règne du grand Frédéric II, que tout est parti.

    L'idée allemande, malmenée comme jamais après la destruction totale des Allemagnes en 1648, à l'issue de la terrible Guerre de Trente Ans (lire Simplicius Simplicissimus, publié en 1669 par le romancier Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen), a été relancée là où personne ne l'attendait. La Prusse n'avait pas bonne presse, dans le monde germanique, ni au Moyen-Âge, ni même aux temps de la Réforme (plutôt saxonne, voire de Thuringe).

    Les Allemagnes, plurielles, n'accordaient pas une très grande importance à ce marais du Nord-Est, région de plaines, de bois de bouleaux, d'étangs. Prenez une fois, je vous prie, la route qui mène de Berlin à Francfort sur l'Oder, sur la frontière polonaise, et vous pourrez mesurer la monotonie des paysages.

    Et puis, il y a eu Frédéric II. Sur le plan militaire, il y avait déjà eu, avant lui, son père, le Roi-Sergent. Mais Frédéric fait de la Prusse une armée d'une rare puissance, une terre de savants et de philosophes, de chercheurs dans les Universités, d'innovateurs, deux générations avant la Révolution industrielle. Habité (comme le sera plus tard l'immense Chancelier Willy Brandt, 1969-1974) par un tropisme vers l'Est qu'on nommera un jour Ostpolitik, il tourne son regard vers les populations germaniques de Pologne, conquiert la Silésie et la Poméranie, fait de la Prusse une puissance qui compte en Europe.

    Bien sûr, vingt ans après sa mort (1786), il y aura la défaite d'Iéna (14 octobre 1806), suivie de l'occupation de la Prusse par les troupes napoléoniennes (1806-1813). Et, par un sublime paradoxe, c'est précisément pendant cette période que naîtra, par résistance intellectuelle et patriotique, l'idée de nation prussienne, et par extension l'idée de nation allemande.

    La naissance de l'Allemagne est une bombe à retardement de la présence française en Prusse, au début du 19ème siècle. J'ai beaucoup publié, ici même, ces dernières années, sur les Reden an die Deutsche Nation, les Discours à la Nation allemande, tenus par le philosophe Johann Gottlieb Fichte, en décembre 1807, à Berlin, au nez et à la barbe des troupes de Napoléon.

    J'aurai à coeur d'expliquer, dans les années qui viennent, pourquoi le mouvement de résurrection allemande, entamé entre 1740 et 1786 par Frédéric II de Prusse, n'a fait qu'avancer, inexorablement, jusqu'à nos jours. Et aujourd'hui, plus que jamais, en termes d'influence en Europe, il progresse. Cette question-là est centrale, et autrement première que de savoir si l'Angleterre, cette périphérie maritime orpheline de son arrogance, réussira ou non son Brexit. Le pays qui compte, en Europe, c'est l'Allemagne. Le pays qui donne le ton, c'est l'Allemagne. Le pays qui ne cesse d'avancer ses pions depuis la seconde partie du 18ème siècle, c'est l'Allemagne.

    Quand on prend le champ historique indispensable pour saisir l'ampleur de cette lame de fond, on se rend compte à quel point le 8 mai 1945 n'a été, au fond, qu'une défaite d'étape. J'aurai largement, ces prochaines années, l'occasion d'y revenir.

    Quant à la Prusse, un jour ou l'autre, ce grand nom, scandaleusement banni des langages, réapparaîtra dans les discours, sur les cartes de géographie. Et, surtout, dans la lumière des consciences.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les indicateurs

     

    Sur le vif - Vendredi 13.09.19 - 18.48h

     

    Un jour, il y a quelques années, un conseiller d'Etat radical ayant siégé de 2005 à 2018 s'est mis à utiliser le verbe "indiquer". "Je vous indique que...", "Comme je vous l'ai indiqué mardi dernier...", "Le Conseil d'Etat est en mesure de vous indiquer..", etc. etc. etc.

    Je ne m'étendrai pas ici sur le sujet. Je parle du verbe, bien sûr. Sa rare laideur, glaciale, technocratique, indigne d'un locuteur qui, d'ordinaire, s'exprimait dans un français élégant et agréable à écouter. Déjà à l'époque, je ne comprenais pas pourquoi cet homme cultivé, lecteur de romans, s'accrochait à ce verbe évoquant, dans le meilleur des cas, le bilan comptable, en trois exemplaires, d'une entreprise de géomètres.

    Mais le plus fou n'est pas là. Non, il ne réside pas dans cette faiblesse passagère de l'ancien magistrat radical. Le plus fou, c'est que Serge Dal Busco, depuis qu'il est au Conseil d'Etat (où il a passé les cinq premières années sous l'empire et l'emprise du sus-nommé), n'en peut plus "d'indiquer" ! Aux Finances, il indiquait. A la Mobilité, il indique. Partout, il indique.

    Dans l'ordre du langage, nous sommes tous des emprunteurs. Nos oreilles, nos cervelets, nos gourmandes méninges sont prompts au rapt et à la reproduction. Empruntons, donc ! Mais, si possible, en tâchant de capter le meilleur. Et de laisser gésir le pire dans le fond lustré d'une oubliette.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Consensus : non, merci !

     

    Sur le vif - Vendredi 13.09.19 - 06.46h

     

    Je n'ai jamais cru, une seule seconde, à la vertu des consensus horizontaux, pourtant si encensés dans notre liturgie politique suisse, tellement prompte à vouloir éteindre la moindre étincelle d'antagonisme dialectique.

    Ainsi, le compromis trouvé à Genève, notamment grâce à l'appui d'une partie des socialistes, sur la réforme de l'imposition des entreprises, et voté par le peuple. C'est du pipeau. Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas les moyens de le financer, pas plus que notre générosité envers les retraites des fonctionnaires, sans augmenter les impôts, ou creuser la dette. Ces questions seront explosives, et de nature à provoquer une révolte de la classe moyenne.

    Deuxième exemple : le prétendu compromis sur la mobilité. Aujourd'hui, il vole en éclats. Les ennemis de la voiture, les ayatollahs de la "mobilité douce", tellement en vogue en cette période d'hystérie climatique, ont gagné sur toute la ligne. Les partisans du transport privé ont tout perdu. Ils se sont faits avoir, comme des bleus. La duplicité de l'actuel ministre des transports, sa ductilité à se rallier au vent majoritaire, n'ont rien arrangé.

    Dans ces deux cas, on nous faisait l'éloge des "solutions" (je déteste ce mot à la mode) centristes, ou de consensus, style gentil PDC. Dans les deux cas, la ligne molle nous conduit à des échecs.

    La politique a besoin de courage et de clarté. Elle ne doit pas fuir la dureté des combats. Ni craindre les défaites. Dans la vie, on ne se lève pas le matin pour la trouble jouissance d'aller chercher le consensus. Mais pour se battre.

     

    Pascal Décaillet