Sur le vif - Vendredi 06.03.15 - 18.33h
Je ne doute pas une seconde de l’existence d'une galaxie de bonnes raisons pour lesquelles, au plus haut niveau du DIP, on s’apprête à jouer avec des bâtiments scolaires comme des chaises musicales. Pléthore d’élèves dans l’un, alors on compense par l’autre, on transfère, on équilibre.
Seulement voilà : les lieux où de jeunes humains étudient, où leurs parents, leurs aïeux parfois, ont aussi fait leurs classes, ne sont pas d’anonymes vases communicants. Un collège, ce superbe mot qui indique qu’on lit ensemble, parle ensemble, étudie ensemble, n’est pas seulement un « bâtiment scolaire ». Pas plus qu’une bouteille ne se ramène au flacon de verre qui entoure le nectar. Un collège, c’est un haut lieu. Un lieu d’élévation, d’échanges, de découvertes. Un lieu de lumière et d’ouverture. Un lieu du déchiffrement : celui d’une langue, par l’ascèse de la grammaire et celle de la lecture, est un prodigieux chemin de liberté, c’est ainsi que je l’ai vécu en tout cas, pour les deux langues anciennes et surtout l’allemand.
Alors voilà, le Collège de Candolle, ça n’est pas n’importe quoi. Ni le Cycle de la Seymaz. Ni aucun des autres. N’y voir que des murs pour enseignements, profs et élèves interchangeables, qui gicleraient de l’un à l’autre comme des balles de ping-pong, présente un grand risque : celui de s’attaquer, en technocrates, à cette inaltérable part d’affectif, d’attachement, de nostalgie, et aussi de fierté qui nous lient à un leu précis, celui de nos premiers émois dans l’ordre du savoir, voire de nos premiers émois, tout court. Je ne suis pas sûr qu’une autorité scolaire puisse impunément se livrer à ce grand souk, sans heurter, blesser, une quantité non négligeable des principaux acteurs de l’enseignement : les profs, les élèves, le personnel administratif et technique, les parents.
Et puis, pourquoi un collège n’aurait-il pas le droit de durer ? Le Collège Calvin est toujours là, près de cinq siècles après sa fondation, fidèle à sa fonction première. Parce qu’on a jugé, au fil des siècles, que la transmission de cet immuable devait peut-être primer sur l’obédience à l’esprit du temps, quelles que fussent les nécessités. Pendant des générations, on a voulu que perdure une institution centrale dans la Cité, et jusqu’aux aspects patrimoniaux de l’édifice. On a maintenu les murs, en les entretenant. On a sauvegardé et pérennisé l’institution, en confirmant sans faillir sa finalité première. Pourquoi d’autres Collèges, nés beaucoup plus tard, mais déjà enrichis d’une belle Histoire, n’auraient-ils pas droit aux mêmes attentions, plutôt que d’être traités en kleenex de notre parc patrimonial ?
Le mot « collège », l’un des plus beaux qui soient. Il nous ramène à l’émotion partagée d’une communauté de découverte. Les émois de la connaissance. Les émois, tout court. Ne jouons pas trop avec cela.
Pascal Décaillet