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L'USAM, fierté de la vie sociale en Suisse

 

Publié dans le Temps - Jeudi 05.03.15



Je m’exprime ici, avant tout, comme petit entrepreneur. Il y a neuf ans, j’ai fondé une société, investi du capital (le mien !) dans des locaux, puis dans du matériel audiovisuel. J’ai engagé des collaborateurs, je sais ce que signifie le risque économique, et même parfois la trouille, parce que certaines entreprises ne tiennent qu’à un fil. Cette angoisse, mais aussi cette passion viscérale de l’indépendance, tout entrepreneur, quelle que soit la taille de sa société, la connaît. Dans le bide. Cette expérience de petit patron ne fait certes pas de moi un grand clerc dans l’analyse des phénomènes économiques, mais disons qu’elle me donne un soupçon de légitimité lorsque je m’exprime sur le phénomène de l’aventure entrepreneuriale. Parce que le monde des PME me passionne. Mais hélas, trop souvent, ceux qui s’expriment en leur nom sont dénués de toute expérience vécue pour en parler.


 
Ainsi, j’ai découvert, dans le Temps, du mardi 3 mars 2015, que l’USAM (Union suisse des arts et métiers), l’un des fleurons historiques de nos associations faîtières de petits patrons en Suisse, « partait à la dérive ». Sous la plume du conseiller national Fathi Derder, un ex-compagnon d’armes auquel me lient de beaux souvenirs de complicité audiovisuelle, beaucoup de rires aussi, bref de bons moments, on peut déguster une véritable exécution sommaire, d’une balle dans la nuque facturée à la famille, d’une organisation patronale que j’ai toujours, depuis des décennies, infiniment respectée pour sa proximité avec ses membres, son sens du dialogue, son rôle éminent dans la vie sociale et politique de la Suisse. Et puis, comment oublier la grande figure parlementaire que fut, récemment encore, le radical Pierre Triponez (1999-2011), ce remarquable connaisseur de la vie politique et sociale de la Suisse, directeur de l’USAM, mais aussi l’homme qui joua un rôle central dans la genèse de l’assurance-maternité. C’était le temps où le grand parti qui a fait la Suisse était encore capable de produire des hommes-charnières, avec vision d’Etat. Aujourd’hui, dans le parti qui se réclame du grand héritage radical, on cherche de tels hommes sans nécessairement les trouver.


 
Donc, l’USAM « partirait à la dérive ». Pourquoi ? A lire la charge de l’auteur, parce qu’elle a l’incroyable culot de ne pas être d’accord avec d’autres organisations patronales, concurrentes, à commencer par economiesuisse. Diable ! Il faudrait donc que le petit patronat suisse, séculairement tissé par le monde des artisans et des PME, s’aligne sur l’ultralibéralisme des grands et des puissants. Sur leur arrogance, aussi : Mme Gaggini, directrice romande, interrogée dimanche 22 février sur la Première, n’avait rien trouvé à répondre lorsque son interlocutrice lui avait légitimement fait valoir que les patrons, c’étaient aussi et avant tout ceux qui prenaient sur eux la totalité du risque économique, au point de tout perdre. Elle s’était juste contentée de rappeler que la cotisation annuelle, pour une entreprise individuelle, était de 25'000 francs. On avait compris : economiesuisse ne roule que pour les gros. Les petits ne l’intéressent guère. Dans ces conditions, c’est une chance que puisse exister, en Suisse, une organisation comme l’USAM, tellement plus proche de la population.
 


L’USAM « partirait à la dérive ». Autre argument avancé par Fathi Derder : « Parce qu’elle s’est politisée, devenant un bras armé de l’UDC ». Là, on aurait espéré, chez l’éminent auteur de l’article, lui-même élu PLR, un peu plus de mémoire ou de culture historique sur les liens indéfectibles qui furent, si longtemps, ceux de cette organisation avec le parti radical. Le problème n’est donc pas qu’elle s’est politisée, mais que ce glissement s’est opéré vers un champ politique que combat l’auteur. En clair, toute sa démonstration tend à rêver d’une USAM qui, docile à l’ordre du cosmos dont il rêve et qu’il tient pour intangible, reviendrait dans le giron du convenable. Donc, au PLR. On peut le comprendre. On n’en acceptera pas, pour autant, la violence injustifiée de l’attaque contre MM Rime et Bigler, en effet plus en phase, sur la question des contingents, avec le « pays réel » du 9 février 2014, que les puissants esprits d’economiesuisse, avec les millions de leur campagne finalement perdue.
 


L’USAM « partirait à la dérive », parce qu’elle a l’impudence de s’attaquer à la SSR. A l’approche d’un vote populaire sur un financement du « Mammouth » grevant davantage le budget des PME, il est pourtant parfaitement légitime que le petit patronat suisse donne de la voix, dans un débat public et démocratique où chacun peut s’exprimer. En conclusion, l’auteur de l’article défend bec et ongles le grand patronat contre les petites entreprises. Il s’offusque d’un glissement de position, pour la simple raison que ce dernier échappe à son parti. Pour mieux écraser l’USAM, il déifie une economiesuisse qui est pourtant, elle, par son arrogance et sa déconnexion du pays, le « vrai problème » de notre univers patronal, en Suisse romande.
 
 
Pascal Décaillet
 
 

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