Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 04.04.14
Le PLR et le PDC, les deux partis de la Suisse historique, qui ont fait la politique au vingtième siècle, et la font nettement moins aujourd’hui, feraient bien de s’interroger sur deux chiffres incroyables sortis hier de l’analyse VOX, qui s’est penchée sur les motivations des citoyens dans le scrutin du 9 février sur l’immigration de masse. Deux sympathisants sur cinq (40%) du PLR ont voté oui à l’initiative de l’UDC. Mais aussi, plus d’un tiers de l’électorat PDC (34%) a également accepté le texte. Ces chiffres sont énormes. Ils amènent évidemment des commentaires.
En plus de la défiance des citoyens face au Conseil fédéral, voici une sacrée distance, au-delà de ce qu’on pouvait imaginer, des électorats PDC et surtout PLR face à leurs propres appareils politiques. Au moins, pour l’UDC (95% de oui), le PS (16%), les Verts (10%), les choses sont claires : ces partis-là ont voté conformément à leurs positions historiques, leurs appareils. Mais pour les deux partis du « centre droit », il y a véritablement contestation interne des mots d’ordre des dirigeants.
Pire : que deux PLR sur cinq aient voté oui, pourquoi pas, après tout. Mais alors, pourquoi zéro PLR – je dis bien zéro – n’a-t-il eu, pendant la campagne, l’élémentaire courage d’afficher sa position ? Zéro, c’est très peu ! Le PLR est un parti ouvert, l’intrus ne risquait pas l’exclusion. Donc, c’est autre chose qui a joué, une forme sournoise et malsaine d’autocensure : « Au fond de moi, je dis oui à l’UDC, parce que sur ce coup elle a raison, mais je ne vais quand même pas risquer de me dévoiler, me jeter dans la marge de mes propres réseaux ».
Cette culpabilisation de deux cinquièmes du PLR et d’un bon tiers du PDC est la grande victoire de l’UDC. Non seulement, au final, elle a gagné la bataille. Mais elle aura réalisé le rêve de tout stratège : jeter l’ombre du doute dans la partie adverse. Eriger un mur de méfiance, au sein de l’ennemi, entre la base et le sommet. Le condamner à des non-dits, la noirceur d’une mauvaise conscience, la suspicion interne. Bref, l’UDC a réussi à semer ce que résume en cinq mots un génial ouvrage de jeunesse du capitaine Charles de Gaulle : « La Discorde chez l’ennemi ».
Pascal Décaillet