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  • Demain, j'enlève le short

     

    Publié dans GHI - Mercredi 28.05.14

     

    Si vous croisez un bonhomme en short, ces temps à Genève, soyez sur vos gardes : c’est sans doute un inspecteur de police. Les gendarmes, eux, pour faire valoir leurs revendications syndicales, se baladent en civil. Alors les inspecteurs, qui eux sont déjà par nature en civil, ont ôté le pantalon. Donc, si un individu en short vient vous demander un renseignement avec un accent anglais, méfiez-vous : c’est peut-être un touriste, et puis peut-être pas. Dans le doute, le mieux est de s’abstenir de tout contact, toute conversation, et même du moindre échange de regards avec toute personne arborant un short, et cela jusqu’à nouvel ordre. Le risque de piège est immense. Et si, par hasard, le mouvement syndical devait, comment dirais-je, se durcir, et le short choir, alors fuyez les parcs publics. D’urgence.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Surtout, ne souriez pas !

     

    Coup de Griffe - Lausanne Cités - Mercredi 28.05.14
     
     
    En Suisse romande, il devient plus difficile d’entrer dans un photomaton qu’à un chameau, de passer par le chas de l’aiguille. Vous voulez renouveler un document officiel, comme votre demi-tarif CFF, votre carte de bus, celle d’identité, ou votre permis de conduire ? On vous dit qu’il faut une photographie conforme. Dont acte. Bonne poire, vous vous dirigez vers un appareil qui s’en charge automatiquement.


     
    C’est là que les ennuis commencent. D’abord, l’appareil ne rend pas la monnaie. Ça coûte huit francs, vous ne pouvez que mettre un billet de dix, mais pas de monnaie. Ensuite, une voix aimable (je l’ai cherchée en vain, cette dame, à l’intérieur, j’avais deux mots à lui dire) vous signifie une quantité d’interdictions. Streng verboten ! Ne pas sourire. Ne pas fermer les yeux. Ne pas placer son regard sous la ligne, ni dessus. Un peu refroidi, vous vous lancez dans les premiers essais. Peine perdue ! Jamais valable. « Document non conforme ».


     
    Vous avez droit à trois essais. Le document n’est jamais conforme. Alors que vous évitez de sourire, vous fixez l’appareil, votre orbite oculaire est parfaitement placée. A la fin, vous imprimez quatre photos “non conformes”. Elles sont pourtant impeccables. Vous avez mis dix francs, l’appareil vous en a retenu deux. Et vous n’avez toujours pas renouvelé votre demi-tarif. Ce nouveau système de photomaton, c’est l’un des plus grands foutages de gueule depuis l’Emprunt russe de 1889. 125 ans, bordel.
     
     
    Pascal Décaillet

     

  • Plus européen, tu meurs !

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mardi 27.05.14


     
    Au moment où vingt-huit de nos Etats voisins viennent d’élire leurs députés au Parlement européen, un mot sur la Suisse. Nous sommes européens, c’est sûr. Jusqu’au tréfonds. Nous le sommes par nos langues, nos religions, notre Histoire, nos institutions, nos systèmes juridiques, notre culture. Par l’hydrographie, étant source de fleuves baignant le continent, par la flore et la faune, en même le minéral. Plus européen que nous, tu meurs.


    Européens par l’Histoire : tous les grands mouvements ayant secoué le continent ont, au cœur de la foulée, ébranlé la Suisse : grands ordres chrétiens, humanisme, Réforme, Révolution française, celles de 1848, Kulturkampf. Et même l’Affaire Dreyfus : dans la série radiophonique que j’avais consacrée à cette dernière en 1994, je relevais les traces profondes de «l’Affaire » dans nos cantons romands. L’idée d’une Suisse isolée est au fond récente : l’idéologie du Réduit national, certes salutaire à l’époque, a marqué les consciences.


    Ce que beaucoup d’entre nous refusent, ça n’est pas l’Europe. C’est la machinerie technocratique. Pas assez claire. Pas assez lisible. Institutions floues. Prérogatives mal définies. Déficit démocratique évident : la France se prononce en 2005, on l’engueule d’avoir mal voté, on outrepasse sa décision. Toutes choses qui, nous Suisses, attachés à la démocratie directe, nous heurtent viscéralement. Ce côté « usine à gaz », l’Union vient de le payer très cher dimanche soir : de partout, la voix des peuples revient. En France. En Grande Bretagne. Mais pas seulement.


    Et nous ? Nous ne sommes ni meilleurs, ni pires que les autres. Mais nous avons des institutions, comme le fédéralisme et la démocratie directe, auxquelles nous tenons comme à la prunelle de nos yeux. Nous entendons aussi demeurer souverains. Ce qui n’exclut ni la discussion avec nos voisins, ni la négociation de traités, pour peu que ces derniers soient librement consentis, et non dictés, pistolet sur la tempe, par quelque Montebourg de passage. A en croire les résultats tombés dans la nuit européenne de dimanche à lundi, nous ne sommes apparemment pas les seuls à éprouver en profondeur cette pulsion de liberté. Bienvenue à l’Europe des peuples. A celle-là, un jour, notre pays dira oui.



    Pascal Décaillet