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  • La totalité vivante de notre démocratie

     

    Sur le vif - Samedi 22.06.13 - 09.53h

     

    La Suisse est, au niveau fédéral comme dans les cantons, un régime (ou un ensemble de régimes) exagérément parlementaire. Tous, nous accordons intellectuellement beaucoup trop d'importance aux moindres faits et gestes de nos Assemblées législatives. Elles sont certes fondamentales. Mais la démocratie suisse, unique au monde, est un tissu tellement plus vivant, tellement plus global. Initiatives. Référendums. Possibilité, pour les citoyens, d'influer d'en bas sur le cours des choses. Souveraineté ultime accordée au collège de l'ensemble des citoyens, qu'on appelle "peuple".

     

    Les perroquets des Pas perdus



    Dans ce système total, les Parlements cantonaux et le Parlement fédéral occupent à coup sûr une place de choix, et il faut être reconnaissant à ceux qui se dévouent pour y siéger. L'immense majorité de nos élus sont habités par le sens de la chose publique. Mais les Parlements, chez nous, ne sont qu'un échelon de la vie démocratique. Nous avons tendance à les surestimer. Regardez le service public audiovisuel: dès qu'une initiative a récolté les signatures, le Mammouth passe plus de temps à se tétaniser sur l'avis des Chambres (en général, pour balayer le texte), qu'à nous présenter... l'initiative elle-même ! Et les accrédités de la molasse bernoise, perroquets des Pas perdus, pérorent à l'envi pour nous dire à quel point il faut refuser ce texte, "excessif", "de toute façon inapplicable", "contraire au droit supérieur". Bref, s'alignent immédiatement, par réflexe, sur le pouvoir en place, lorsque ce dernier est, sur un objet précis, contesté par au moins cent mille de nos concitoyens.



    C'est absurde. Parce que justement, si une initiative existe, et a fortiori a recueilli plus de cent mille signatures, c'est qu'elle vient corriger un déficit d'écoute des élus. C'est cela, le génie de notre démocratie, ce mécanisme correctif qui permet au peuple de rétablir sa vision souveraine. Combien de fois une initiative sèchement refusée par le Parlement, et par l'immense majorité de la classe politique, méprisée et jugée comme pendable par 97% de la presse, n'est-elle pas, au final, acceptée par le peuple ?

     

    Souffle, sève et vie

     

    Notre démocratie directe, c'est la possibilité raisonnée, organisée, constitutionnelle, de "lever la Matze", comme on dit en Valais. C'est un extraordinaire fusible pour exprimer quelque chose de puissant, évidemment de l'ordre d'un mécontentement, surgi des entrailles, non d'en haut. Ca n'est pas de la doxa (l'opinion), encore moins du plêthos (le peuple, juste dans sa masse), mais bel et bien du démos (le peuple électeur), puisque c'est un mécanisme inscrit dans nos lois. L'utiliser, c'est faire vivre la démocratie, et non la déranger, comme voudraient nous le faire croire nos éditorialistes accrochés au pouvoir.

     

    Le culot de ces journalistes de pouvoir, lorsqu'ils viennent parler de "mise en danger des institutions", alors qu' au contraire, un texte jailli d'en bas vient leur donner souffle, sève et vie, à ces institutions. Ils confondent juste "institutions" avec "pouvoir en place". Avec lequel il est si confortable de se sentir bien, entre gens convenables.

     

    Carte de visite trompeuse


    Pendant des années, à Berne, j'avais sur ma carte de visite "correspondant parlementaire". Titre objectivement faux: j'étais correspondant politique, basé au Palais fédéral. Certes, nous avions nos bureaux, à l'époque, à quelques mètres des deux Chambres fédérales, et vivions littéralement sous la Coupole, en symbiose avec les parlementaires et l'administration. Mais enfin, je couvrais aussi le Conseil fédéral, les Offices, les Assemblées de partis, les associations patronales et syndicales, j'allais dans les cantons. Il y avait déjà dans ce titre, "correspondant parlementaire", une exagération métonymique de l'échelon législatif. Elle est significative de notre excessive focalisation, en Suisse, sur un pouvoir qui a certes toute sa place, mais ne représente de loin pas, à lui seul, la totalité vivante de notre démocratie.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le téléphone ? Jamais !

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    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 21.06.13


     
    Lorsque j’étais petit, nous habitions dans un ancien immeuble, plein de charme, à quelques mètres du lac, et, comme je déteste tout changement, je vis à nouveau, depuis vingt ans, à côté de ce magique lieu d’enfance, miraculeusement retrouvé après mes années bernoises. Quelque part contre un mur, très haut, inaccessible pour moi, il y avait le téléphone. Quand il sonnait, c’était l’événement. Soit la famille, en Valais, qui appelait. Soit un événement sur un chantier, qui mobilisait mon père. Mais cet étrange instrument demeurait, la plupart du temps, totalement muet, et c’était très bien.


     
    On sait la place que le téléphone a prise dans nos vies. Tous, nous avons grandi avec. Premiers émois, interminables conversations d’amoureux, on passait son temps au bout du fil, on s’écrivait moins. Je n’ai pourtant, pour ma part, outre ces passionnels épisodes de jeunesse, jamais été un fanatique de cet instrument. Aujourd’hui, bien qu’accroché à mon portable, je déteste y entretenir des conversations téléphoniques. Des SMS, des mails, oui, par milliers, rigoureusement gérés, en petit entrepreneur qui fait (presque) tout, tout seul. Mais raconter sa vie à un importun au bout du fil, pas envie. A mon propre téléphone, je ne réponds qu’à ma famille proche, quelques rares amis, ou alors des personnes que je sais suffisamment âgées pour n’avoir d'alternative. Pour les autres, pas de pitié.


     
    Sans parler du come-box. Les messageries vocales, voilà, ami lecteur, la pire invention depuis les orgues de Staline ! Une absolue catastrophe. A part quelques hommes et femmes de radio, ayant appris à libeller un message nickel, moutardé, ficelé, dense, concis, avec info en tête, en dix ou quinze secondes, l’immense majorité des gens vous racontent leur vie, perdent le fil, ne savent plus eux-mêmes pourquoi ils vous ont appelé, vous bouffent trois minutes, pour au final ne rien vous dire du tout. J’en ai envie parfois, de rage, d’avaler mon portable, retourner à l’arsenal récupérer l’arme d’ordonnance que j’avais eu la faiblesse de rendre à 42 ans, rétablir la peine de mort, réclamer des têtes, monter des échafauds.


     
    Le téléphone a cru, un moment, qu’il allait remplacer le message écrit, oui le bon vieux pneumatique de l’Affaire Dreyfus, le Petit Bleu. C’était sans compter l’évolution des techniques. J’envoie et reçois chaque jour des centaines de SMS et de mails, je peux conclure une invitation TV pour un conseiller d’Etat en quinze secondes, il me dit oui ou non, on fout la paix à sa secrétaire, d’ailleurs qui, aujourd’hui, a encore besoin (je veux dire professionnellement) d’une secrétaire ? Oui, le petit message écrit, bref et complet, a remplacé le temps d’attente des conversations vocales. Cette revanche de l’écrit sur l’oral, qui d’entre nous l’aurait imaginée il y a vingt ans ? Le monde change, et n’a pas fini de nous surprendre.


     
    Pascal Décaillet

     

  • Socialisme et PME : pourquoi pas !

     

    Commentaire publié dans le GHI - Mercredi 19.06.13

     

    Les socialistes s’intéressent au PME ! Ils l’ont fait savoir haut et fort lundi 17 juin, en présence de leur président, Romain de Sainte Marie, et de leurs quatre candidats au Conseil d’Etat. Le signal n’est pas banal : le moins qu’on puisse dire est que le sort des petites et moyennes entreprises n’a pas, jusqu’ici, torréfié de passion le socialisme. Pendant des décennies, on a entretenu la flamme de l’idéologie ouvrière, les grands bassins miniers de Lorraine ou du Nord, le Front populaire ; en Suisse, la Grève générale de 1918, la lente conquête des acquis sociaux. Bref, une magnifique mythologie, mais toujours grégaire, toujours avec une masse de monde, dans les rues si possible, comme chez Zola.

     

    La PME, ou même la TPE (Toute Petite Entreprise), c’est un autre monde, un autre état d’esprit. Tout part de l’entrepreneur. Un homme ou une femme tout seul, au début, qui un jour se lance à l’eau, ose assumer le risque économique, acquiert des locaux, investit dans du matériel, engage des collaborateurs. J’en parle en connaissance de cause : j’ai exactement entamé, il y a sept ans, ce chemin-là. Dire qu’il est parsemé d’embûches relève de l’euphémisme : tout, autour de vous, concourt à ce que vous vous plantiez. Assurances sociales, fiscalité, TVA, paperasseries, comptabilité, toutes choses que vous faites en plus de l’activité naturelle de votre boîte.

     

    Les socialistes, aussi éclairés soient-ils, peuvent-ils vraiment comprendre ce monde-là ? On peut en douter. En même temps, il est stimulant, pour un petit entrepreneur, de voir que d’autres partis que ceux de droite commencent à s’intéresser à son univers, et franchement la démarche socialiste est la bienvenue. Les patrons de PME sont loin d’être tous des rupins qui roulent sur l’or, beaucoup d’entre eux ont une vision et une ambition sociales, et c’est pour cela qu’ils se battent pour l’emploi. Nombre d’entre eux sont farouchement indépendants dans leur prise de décision professionnelle, mais, comme citoyens, reconnaissent la nécessité d’un Etat fort, redistributeur, et pourquoi pas fraternel. En clair, on peut être patron de PME sans nécessairement être tétanisé par le dogme libéral. Cela, les socialistes l’ont compris. Reste à trouver un langage commun entre le leur et celui des petits patrons. L’enjeu est passionnant. Peut-être l’une des clefs de la législature 2013-2018.

     

    Pascal Décaillet