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Le téléphone ? Jamais !

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Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 21.06.13


 
Lorsque j’étais petit, nous habitions dans un ancien immeuble, plein de charme, à quelques mètres du lac, et, comme je déteste tout changement, je vis à nouveau, depuis vingt ans, à côté de ce magique lieu d’enfance, miraculeusement retrouvé après mes années bernoises. Quelque part contre un mur, très haut, inaccessible pour moi, il y avait le téléphone. Quand il sonnait, c’était l’événement. Soit la famille, en Valais, qui appelait. Soit un événement sur un chantier, qui mobilisait mon père. Mais cet étrange instrument demeurait, la plupart du temps, totalement muet, et c’était très bien.


 
On sait la place que le téléphone a prise dans nos vies. Tous, nous avons grandi avec. Premiers émois, interminables conversations d’amoureux, on passait son temps au bout du fil, on s’écrivait moins. Je n’ai pourtant, pour ma part, outre ces passionnels épisodes de jeunesse, jamais été un fanatique de cet instrument. Aujourd’hui, bien qu’accroché à mon portable, je déteste y entretenir des conversations téléphoniques. Des SMS, des mails, oui, par milliers, rigoureusement gérés, en petit entrepreneur qui fait (presque) tout, tout seul. Mais raconter sa vie à un importun au bout du fil, pas envie. A mon propre téléphone, je ne réponds qu’à ma famille proche, quelques rares amis, ou alors des personnes que je sais suffisamment âgées pour n’avoir d'alternative. Pour les autres, pas de pitié.


 
Sans parler du come-box. Les messageries vocales, voilà, ami lecteur, la pire invention depuis les orgues de Staline ! Une absolue catastrophe. A part quelques hommes et femmes de radio, ayant appris à libeller un message nickel, moutardé, ficelé, dense, concis, avec info en tête, en dix ou quinze secondes, l’immense majorité des gens vous racontent leur vie, perdent le fil, ne savent plus eux-mêmes pourquoi ils vous ont appelé, vous bouffent trois minutes, pour au final ne rien vous dire du tout. J’en ai envie parfois, de rage, d’avaler mon portable, retourner à l’arsenal récupérer l’arme d’ordonnance que j’avais eu la faiblesse de rendre à 42 ans, rétablir la peine de mort, réclamer des têtes, monter des échafauds.


 
Le téléphone a cru, un moment, qu’il allait remplacer le message écrit, oui le bon vieux pneumatique de l’Affaire Dreyfus, le Petit Bleu. C’était sans compter l’évolution des techniques. J’envoie et reçois chaque jour des centaines de SMS et de mails, je peux conclure une invitation TV pour un conseiller d’Etat en quinze secondes, il me dit oui ou non, on fout la paix à sa secrétaire, d’ailleurs qui, aujourd’hui, a encore besoin (je veux dire professionnellement) d’une secrétaire ? Oui, le petit message écrit, bref et complet, a remplacé le temps d’attente des conversations vocales. Cette revanche de l’écrit sur l’oral, qui d’entre nous l’aurait imaginée il y a vingt ans ? Le monde change, et n’a pas fini de nous surprendre.


 
Pascal Décaillet

 

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