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  • L'homme qui donnait encore de la voix

     

    Sur le vif - Lundi 20.08.12 - 09.32h

     

    Enfin, une voix. Et quelle voix ! De celles qui tonnent et résonnent, percutent. Jusqu'au fond de l'être sensible. C'est un papier que publie Michel Halpérin, en page 11 du Temps, ce matin, mais comme toujours, lorsque celui qui écrit est perçu comme être de parole, c'est chaque syllabe qui s'entend. À haute voix.

     

    Enfin une voix, lorsque tant d'autres, y compris dans son camp, se taisent. Ou murmurent, tout au plus, d'inaudibles tiédeurs. « La Suisse ne gagnera rien à ramper devant les grandes puissances », titre ce matin le grand avocat libéral, ancien président du Grand Conseil, à propos de la convention fiscale avec la France sur les successions. Deux semaines après Philippe Nantermod, mais avec quelle classe, quelle clarté, Halpérin met les pendules à l'heure.

     

    « Non, la nouvelle convention n'est ni urgente, ni anodine. Elle révèle seulement que notre pays, une fois de plus, fait preuve de servilité à l'égard de l'étranger. Tout Etat qui requiert aujourd'hui de la Suisse est à peu près assuré d'être satisfait. En attestent notre politique empressée en matière d'entraide judiciaire internationale et la destruction volontaire d'une partie des conditions-cadres qui ont permis à l'économie suisse, notamment financière, d'assurer la prospérité du pays ». Dixit Halpérin, en page 11 du Temps.

     

    Je ne sache pas, pourtant, que cette grande figure de la vie genevoise provienne de foules populistes, ni passe ses dimanches dans les combats de lutte à la culotte, dans la jouissance de la sciure. L'homme qui signes ces lignes, dans le Temps, est un libéral au très grand sens du terme, ce libéralisme qui n'est pourtant pas le mien mais que j'admire, tiens celui d'un Cyril Aellen par exemple. Une conception de l'Histoire fondée non sur l'angélisme, mais sur le constat de dureté des luttes pour les différents intérêts nationaux.

     

    Dans ce combat, implacable, où le paravent de la morale ne sert qu'à camoufler les intérêts, la petite, la fragile Suisse, notre pays, a besoin de grandes voix pour la soutenir. Ce matin, dans le Temps, c'est chose faite.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les séraphins de la perfection morale

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 17.08.12

     

    La récente affaire fiscale avec la France, à propos des successions, a enfin réveillé les consciences dans notre pays. Il y a eu les rapides, comme Philippe Nantermod, qui ont immédiatement dit leur colère. Il y en eut d'un peu plus lents, et même certains, d'inspiration chrétienne, qui ont attendu de sentir le vent, mais enfin maintenant, une bonne partie de la classe politique suisse exige des explications. Comment Eveline Widmer-Schlumpf a-t-elle pu, à ce point, se laisser avoir ? Que fait Didier Burkhalter ? Existe-t-il, d'ailleurs, vit-il ? Quelle est la stratégie d'ensemble du Conseil fédéral ? Réponse : néant.

     

    Notre pays est en train de vivre, autour de sa place financière, des attaques d'une violence inouïe. Les pays d'où proviennent ces salves, à commencer par les Etats-Unis, n'ont strictement aucune leçon à nous donner en termes de moralité financière. Ne parlons pas de la Grande-Bretagne. Encore moins de la France, dont la gestion des finances publiques, depuis des décennies, sous la droite comme sous la gauche, est catastrophique. Et qui ne cherche, par ses actions contre la Suisse, qu'à se renflouer. C'est cela, la vérité des choses, cela et rien d'autre.

     

    Face à cette guerre - c'en est une, et sur plusieurs fronts - tout pays normalement constitué réagirait par la guerre. Préciser nos valeurs. Expliquer à la population que les banques suisses ne sont pas, à la base, une émanation du diable, qu'elles ont certes commis des erreurs, mais qu'elles demeurent d'immenses sources d'emplois et de richesse nationale. En guerre, il faut une stratégie, une cellule de crise, une vision claire, une volonté inébranlable de défendre les intérêts du pays. Franchement, vous sentez cette ivresse dionysiaque chez Mme Widmer-Schlumpf ? Chez M. Burkhalter ?

     

    Le pire, ce sont les ennemis de l'intérieur. Les gentils moralisateurs. Ceux qui, en pleine guerre, alors qu'il faut monter au front et parer au plus pressé, nous dispensent la leçon sur la Suisse pourrie, la Suisse qui doit se mettre au diapason, la Suisse qui doit accepter toutes les exigences de nos chers voisins. Ces puristes de la morale abstraire, ces séraphins de la perfection, ont-ils seulement compris que nous étions en guerre ? Que certains avaient décidé, là-bas, en invoquant le paravent de l'éthique, d'avoir notre peau ? Ne voient-ils pas, ces braves gens, que l'Histoire humaine n'est rien d'autre qu'une succession de rapports de force ? Quelle culture historique ont-ils ? Qu'ont-ils lu ?

     

    Ceux qui, depuis plus de douze ans, me lisent dans ce journal, savent bien que je ne roule pas pour les forces de l'Argent. Et que je veux une primauté de l'Etat, et de l'intérêt public, sur les désordres de l'économie. Mais enfin, il y a le temps de la réforme, de la discussion. Et il y a, un peu plus urgent, le temps de la guerre. Nous sommes dans le second cas de figure. Si nous dormons, nous sommes morts.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La diva et le marionnettiste

     

    Sur le vif - Mercredi 15.08.12 - 15.23h

     

    J'écris ici comme citoyen de la Ville de Genève, où je suis électeur depuis 34 ans. Le 4 novembre, il m'appartiendra, comme des dizaines de milliers de mes concitoyens municipaux, d'élire le successeur de Pierre Maudet. En sachant que le nouvel élu devra siéger avec quatre personnes de gauche. Autant dire qu'il faudra, comme Maudet le fut, un caractère incroyablement fort. Une tronche. Une personne (si elle est issue de la droite) capable à la fois de jouer le jeu collectif et de s'en détacher, toutes choses que le sortant sut accomplir à merveille. Bref, il faut un joueur. Un habile. Un malin. Un qui anticipe. Une joyeuse et sifflotante locomotive.

     

    L'exécutif de la Ville étant, de toute manière, écrasé par la gauche, avec un Municipal qui, tout en étant rééquilibré par rapport au précédent, demeure dans le sillage, c'est précisément sur la nature de ce fameux cinquième que se jouera la future dynamique. Sa personnalité, beaucoup plus que son appartenance. Son intelligence politique. Sa rapidité. Sa puissance de travail. Sa capacité d'invention et d'innovation. Son habileté joueuse face au bloc de gauche. Paradoxalement, dans un système qui ne met plus en valeur que les réseaux, il pourrait être, pour une fois, formidablement utile d'avoir à ce poste un solitaire. De toute façon face au Cartel des Camarades (une pensée pour M. Herriot, 1924), l'immensité de sa solitude, le nouvel élu aura tout loisir de s'en imbiber.

     

    Un solitaire. Un caractère. Ces qualités, autant Salika Wenger, Eric Bertinat que Jean-Marc Froidevaux ou Olivier Fiumelli viennent de les montrer avec pas mal d'éclat. En se portant candidats, ce qui exige toujours du courage. En refusant de se désister, malgré les pressions. En maintenant, pour certains, leurs candidatures contre vents et marées. Contre leurs partis, ou conglomérats. Contre les marionnettistes et les « facilitateurs ». Contre les pactes de l'ombre, dont il faudrait aujourd'hui, au-dessus de l'électeur, et entre seuls apparatchiks, organiser le versement de la rançon. Au nom de quelle légiimité, je vous prie ?

     

    Citoyen, électeur le 4 novembre, j'apprécie le combat et la ténacité de ces quatre-là, et même aussi celui de M. de Kalbermatten. Pour ne rien vous cacher, je suis un peu moins enchanté par la posture de diva de celui que nous désignent les seuls appareils, et qui déclare n'être candidat que parce qu'on est venu le chercher.

     

    Si, néanmoins, le choix de l'Entente ne devait, sous l'envoûtement du marionnettiste et de quelques décideurs en haut, ne proposer que cet homme-là, alors, pour ma part, citoyen électeur depuis 34 ans, je voterais pour Salika Wenger. Ou pour un autre des fous qui aurait décidé de se maintenir. Ou pour M. Bertinat. Mais le vote obligé, pistolet sur la tempe, sous le seul prétexte d'un prêté pour un rendu, non merci. Nous, les citoyens, le corps électoral élargi de cette Ville, n'avons pas à nous laisser faire par des pactes d'appareils. Nous voulons voir l'intérêt supérieur de notre Ville. Pas celui des partis, ni des conglomérats. Quant aux marionnettes, je vous recommande à tous, en allemand ou en traduction française, le petit bijou publié en 1810 par Heinrich von Kleist. Histoire d'élever un peu le regard. Et scruter des horizons un peu plus lointains.

     

    Pascal Décaillet